samedi 22 septembre 2018

Un ciel rouge, le matin. Paul Lynch.

Whaou !
Deux morts violentes, très violentes, dès les premières pages et pas de répit jusqu’au bout des 285 pages.
Mais ce serait  réduire la force de ce premier livre à s’en tenir à cette comptabilité, car  avec un  style puissant, après avoir été plongé dans la tourbe irlandaise dégoulinante d’eau et de sang, et une traversée épique de l’Atlantique, nous voilà auprès de ceux qui construisent les voies des premiers chemin de fer aux Etats-Unis.
On disait : « prendre le dur » pour dire prendre le train : c’est rien de le dire.
Pour rendre compte de cette écriture palpitante, un extrait d’un des rares moments de grâce, lorsque revient une scène d’enfance,
« C'était un moineau, je crois, mais j'en suis pas bien sûr. On cavalait dans tous les sens, Jim et moi, on riait comme des fous. L'oiseau, il se cognait partout, il a renversé la vaisselle sur l'étagère, et il a foncé droit dans le carreau de la fenêtre, maman criait pour le faire partir, et le père l'a pourchassé, attends un peu, qu'il disait, on va l'avoir, je vous assure, là, doucement, et maman qui braillait, tue-le donc et mets-le dehors. Alors il l'a attrapé dans ses mains, vrai de vrai, il s'est approché pas à pas en respirant à peine et en faisant bien bien attention, et l'oiseau a fini par se rendre, le père l'a pris au creux de ses mains et l'a enveloppé, on voyait dépasser que la tête et le bec. Il l'a emmené dehors et il l'a relâché. »
La traque d’un homme appelle des images de western  et tient tendu le fil de l’attention, même si une efficacité toute anglo-saxonne fait descendre inévitablement les protagonistes dans les mêmes auberges enfumées et parfumées à l’urine.
Mes habitudes frenchies, qui aiment les détours, s’en trouvent déroutées.
Et bien qu’en ces milieux taiseux, les confidences écrites de l’épouse délaissée ou les digressions philosophiques du très méchant de service m’aient semblé artificielles, je n’ai pas boudé mon plaisir.
Une bonne rasade de whisky bien apre conviendrait parfaitement pour accompagner cette histoire forte du XIX° siècle.

1 commentaire:

  1. Les temps sont glauques, Guy.
    Je déteste... le discrédit qui entache la parole dans notre société.
    Certes... la parole ne peut pas tout faire. Il y a des moments où le corps réclame plus que les paroles. Il ne se satisfera pas de moins que... des coups, des caresses, de la renCONTRE. (Regardez ce beau mot et dis-moi ce que tu vois dedans...)
    Mais cette frénésie d'"actions" enchaînées avec le plus que vain espoir que nous allons pouvoir nous délivrer du joug incontournable du langage, ça me fait.. vomir.
    A force de traquer la sujétion dans tous les recoins pour s'en délivrer (j'insiste sur le réfléchi, là, qui plus est...), on s'asservit plus complètement.
    Ah.. les paradoxes.
    Pour l'efficacité, l'honnêteté étymologique m'oblige à faire remarquer que l'efficacité est un des attributs principaux de Dieu.
    Comme le mot "laïc" nous vient de l'Eglise...
    Comment parvenons-nous à oublier qu'un homme et une femme, à l'Eglise ou à la mairie, ou aux deux, s'ENGAGENT dans et par.. des paroles ??
    L'été prochain je ressortirai "Hamlet" pour méditer de nouveau sur le rapport entre parole/acte. Ce rapport n'est pas un antagonisme..

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