Beverly, le père, dit
Bev, a disparu.
Ses trois filles viennent épauler, dans la maison familiale
en Oklahoma, leur mère Violet, atteinte d’un cancer de la bouche, qui déversera
avec verve son fiel, tout au long des deux heures et demie de représentation où
l’on ne compte pas le temps qui passe.
La matriarche déballe les vérités les plus cruelles et
affole les sincérités.
Les dégâts occasionnés lors de cette ultime mise à feu ne
sont que la mise au jour de vies où se sont multipliées depuis longtemps les
violences, les impasses.
Chez ces « Trois
sœurs » de Tchékhov en Amérique, le whisky a remplacé la vodka et la
barque des saccages est chargée.
Barbara, dire Barba, l’ainée va divorcer, Karen l’évaporée
se cache tant de choses, et celle qui est restée coincée à proximité de chez
ses parents ne pourra s’échapper.
Dans cette tragi comédie qui réunit trois générations, où
les hommes font de la figuration, la petite dernière entre à son tour dans le tourniquet
des illusions. Elle fume de l’herbe dans un calumet provenant des indiens des
grandes plaines, alors qu’une de leur descendante assure depuis peu
l’intendance dans la maison. Elle a gardé, elle, dans un sachet sur sa poitrine
son cordon ombilical pour ne pas se perdre.
Cette pétaradante rencontre, sorte de « Festen » US,
dépasse la critique familiale, et rencontre ce que nous voyons de
l’effondrement des valeurs, du brouillage des sens et du sens de nos vies.
« C’est ainsi que
finit le monde, c’est ainsi que finit le monde, c’est ainsi que finit le monde,
pas sur un bang mais sur un murmure. » T.S. Eliot
La dernière scène est bouleversante, après des intermèdes
sur des chansons de Johnny Cash, la rugueuse mère danse. La massive Annie
Mercier devient légère, magnifique actrice, dans une troupe où ils sont tous
excellents.
Elle avait joué dans « Par les villages » de Peter
Handke, par Stanislas Nordey,
Dès que je verrai une mise en scène de Pitoiset, je courrai,
d’autant plus que je me souvenais avec délices de son Cyrano d’il y a deux ans
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