La matinée commence par la visite du marché aux poissons, situé au bord du lac d’Hawasa. Nous pénétrons dans l’enceinte où des arbres sont couverts de marabouts dont quelques uns se disputent les restes de poissons lancés à la volée. Un dick dick effarouché est présenté dans les bras d’un jeune homme. Des petits restaurants bordent la plage herbeuse où des étudiants et des pêcheurs viennent manger du poisson pour pas trop cher.
Deux barques accostent et déversent leurs filets pendant que
deux contrôleurs pèsent et mesurent chaque poisson d’une maigre pêche. Sous la
halle couverte, des hommes coupent les filets de tilapias, gardent de côté la
tête et l’arête centrale pour parfumer des soupes. Un caissier gère les comptes
derrière sa table. A côté, de jolis singes verts nous suivent, les mâles sont
dotés de testicules bleu cobalt et d’un pénis rouge vermillon. Leurs petites
mains fines attrapent délicatement la
galette de maïs qui les a attirés.
Nous prenons la route d’Addis Abeba via la rift vallée, les
ventes proposées sur la route changent encore selon les villages :
carottes, pommes de terre, oignons…
Nous passons à Shashemene, village où résident les rastafarians d’Ethiopie accueillis par
Hailé Sélassié, le négus.
En 1966 l’empereur d’Ethiopie arrive en Jamaïque qui subit
une sécheresse depuis très longtemps, et ce jour là il pleut. Une prophétie de
Marcus Garvey promettait l’arrivée d’un messie venu de l’Est qui sauverait
l’homme noir. Hailé S. est haussé au rang de Dieu ; revenu chez lui, il
offre l’hospitalité aux Jamaïquains et donne des terres à une cinquantaine de
familles.
Mais les disciples de Bob Marley ne sont pas forcément
« cool » aujourd’hui, sollicitant une « donation »
pour une simple photographie de murs. Notre
guide nous met en garde contre cette « antre à racket » que
constitueraient les bâtiments peints aux couleurs rasta : rouge pour le
sang versé des esclaves, jaune comme l’or et vert comme la nature, couleurs présentes sur
tant de drapeaux africains : Mali, Sénégal, Guinée, Cameroun, Ghana,
Congo, Ethiopie…
Nous rejoignons Iwaye, longeons des serres tellement vastes que des vélos sont
nécessaires pour s’y déplacer. Lorsqu’on arrive à la jonction Addis/Nazreth à Debre Zeit, il bruine comme en
Angleterre. Nous déjeunons en attendant le mini bus qui doit nous prendre en
charge en remplacement des deux 4X4 qui
ne sont plus indispensables pour les routes à venir.
Nous faisons nos adieux à nos chaleureux chauffeurs, et
prenons la route plus tôt que prévu.
Nous avons bien ri avec eux qui nous racontaient:
« Dans le
conseil gouvernemental « il faut
espacer les naissances » certains voulaient bien comprendre qu’il
s’agissait d’un espacement géographique et non dans le temps. »
Ou alors cette autre blague :
« - Combien
faut-il de temps pour relier telle ville à une autre ?
- Si tu vas lentement 6 à 7h,
si tu vas vite : 3 jours car tu auras cassé des choses. »
Les paysages changent encore, un des champs inondé héberge
une colonie de pélicans, les troncs d’arbre disparaissent sous les seaux. Nous
traversons le champ volcanique de Metahara
et nous nous arrêtons pour admirer le cratère, les cases
disséminées paraissent bien misérables. Nous sommes sur les terres des Kereyou nomades éleveurs de dromadaires.
Comme le temps s’éclaircit, Girmay modifie le programme et
avance la visite du parc d’Awashe. Nous passons la barrière de métal évidée en
forme d’oryx (« Vercinge est oryx ») et suivons le chemin sans nous
écarter comme il nous est demandé sur les pancartes à l’entrée. La voiture
stoppe plusieurs fois et nous mimons les indiens en chasse pour nous approcher
des oryx en faisant bien rire nos compagnes.
Nous avons l’occasion de voir une petite famille de
phacochères bien gras mais fuyants, des pintades, des francolins et grâce à
l’œil infaillible de Jean, nous débusquons deux grosses tortues. L’air embaume
une sorte de jasmin.
G. nous presse, il souhaite nous montrer les chutes de l’Awash et il est plus de 18h, la nuit risque de nous surprendre. C’est
fabuleux ! (« de toutes les matières c’est la wash que
j’préfère ») Plusieurs bras se déversent à gros bouillons et
« fument » d’embruns. L’eau marron, brassée tombe bruyamment, elle
exprime une énergie surprenante, indomptable, sauvage surtout après les oueds à
sec que nous avons traversés.
Sur la route goudronnée retrouvée, nous croisons une
caravane de camions en provenance du port de Djibouti, débouché maritime du
pays. Nous n’avions plus l’habitude d’une telle circulation à qui G. attribue
la mort de chiens, alors que dans le sud les conducteurs évitent soigneusement
toutes les bêtes pour échapper à la rétribution des propriétaires. Nous nous
installons au « Genet hôtel » Genet est la traduction d’Eden
(paradis) à Hawash. Les dallages de marbre sont luxueux mais il n’y a pas d’eau
chaude. Quand il fait chaud : pas d’eau chaude.
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