Nous avons rêvé révolution avec des couleurs plus cramoisies, mais celle des machines informatiques a emporté le morceau, aussi décisive que celle de Gutenberg. Une formidable mutualisation des connaissances s’annonce possible, en tous cas nos heures en sont reformatées. Il arrive qu’on se laisse surprendre à vouloir passer au feu vert par simple clic, ou taper un de ses codes devant le micro-ondes.
Nous regrettons que les enfants passent trop de temps devant la télé ; les victimes d’addiction aux langages sommaires des play-stations et autres extensions nous inquiètent d’avantage. Certes, ils acquièrent de la dextérité mais elle s’accompagne d’ un rétrécissement des perceptions, des possibilités d’actions. Je ne sangloterai pas sur l’éloignement du réel que procurent ces écrans, moi qui aime tant me fondre dans les livres. Maupassant / Mortal combat : même oubli.
Les récits de science fiction remplacent les hommes par des machines. J’ai la sensation, parfois de devenir machine. Machin. La mémoire de mon « Mac »conforte la fainéantise de la de la mienne de mémoire.
Les raisonnements sortent difficilement du mode binaire. Le Q.C.M. s’impose laissant peu de place à la nuance et puis la correction s’effectue en vitesse.
Le zapping, les taches multiples justement valorisés, cultivés dans les loisirs adolescents présentent quelque intérêt. Que l’école propose justement autre chose et se distingue de la griserie techno ! Les élèves doivent accéder à plus de dextérité intellectuelle par du suivi, de l’approfondissement.
Face aux écrans :
- Avec la même rigueur que dans l’écriture manuscrite, traiter les textes à l’ordinateur.
Le temps pris aux mises en forme ne doit pas empiéter sur la recherche d’une expression écrite plus précise, plus jolie.
- Distinguer le langage texto, de l’écriture de l’école, comme le langage familier se différencie du langage élaboré.
- Profiter de l’impassibilité de la machine pour des soutiens personnalisés.
- Valoriser la vivacité des jeunes, une occasion d’écoute réciproque, preuve de curiosité, d’adaptation à la nouveauté qui rend plus attrayants les apprentissages. Ne pas perdre une occasion de se mettre dans la peau de l’apprenti pour aiguiser ses stratégies d’appreneur.
- Mutualiser les démarches personnelles, les digressions permises, par l’utilisation d’un vidéo projecteur.
L’usage de l’ordinateur se banalise, mais il serait illusoire de penser qu’il offre un outil décisif vers plus de savoirs. Parfois l’inverse se joue quand un élève rétorque : « à quoi bon apprendre, puisque c’est sur internet », il est vrai que lors des manifestations anti-C.P.E. une banderole portait : « A quoi bon travailler pour se retrouver au chômage ». Je me sens bien peu malin avec mes incantations : et si justement le pouvoir résidait dans les savoirs, dans le travail ! Qui le leur fait savoir ?
Dans les premiers pas de « l’informatique pour tous », un engouement naquit pour le langage Logo dont la fortune fut aussi brève que brillante fut sa gloire. Comme une butte témoin dans l’histoire speedée de ce moyen pédagogique, j’en conservai quelques séances pour retrouver les rigueurs d’une programmation, la concrétisation immédiate d’une démarche, pour soulever un peu le couvercle de la boîte noire de ces engins magiques. Nous anticipons en construisant des figures géométriques dont la définition des propriétés va être validée à l’écran.
- Eviter les exercices à trous qui s’effectuent aussi bien à la main.
- Utiliser l’outil pour ce qu’il apporte de particulier : programmation en Logo
- Recherche rapide, tri d’informations. Cartes et vues aériennes
- Recherche d’adresses
- Complément ou amorce de thèmes abordés en classe, actualité à l’usage des enfants.
- Traitement de textes et correcteur orthographique.
Dans un premier temps je me montrai réservé quant à l’usage du correcteur orthographique qui se substituait à la réflexion personnelle et puis il m’apparut au contraire qu’il étayait les recherches. En outre, cette option relativise l’omniscience de l’ordinateur. L’élève a sa part dans le choix. Ce dispositif permet de surmonter bien des difficultés à conduire une autocorrection qui ne soit pas bâclée.
L’école n’ignore pas ce formidable levier d’une révolution en cours : concernant l’information aussi le rapport à l’humain. Après guerre, l’imprimerie à l’école ouvrait la chapelle laïque vers la cité : l’enfant prenait la parole. Que de chemin parcouru avec l’accès au réseau universel ! L’ordinounou, marqueur de la tribu djeun, protège du voisin agressif ou muet. Il cuirasse contre le monde en se disant mondial. Le grand cliquetis où chacun joue sa partition en blogs à la queue leu leu accentue l’illusion de la démocratie. J’ai posé ma bouteille à la mer, elle accostera exceptionnellement. La profusion crée la confusion, difficile de garder les pieds sur terre, sans s’enliser.
En payant de leur personne, les enseignants ont accompagné le mouvement. Leurs capacités d’adaptation n’ont pas été moindres que celles des paysans maintenant exploitants gestionnaires de paysage, hors sol.
Le successeur de l’occupant de l’appartement au-dessus de la classe, ne va pas recracher un cours formaté.
Il ne mutera pas en répétiteur mécanique libéré d’avoir à inventer comme dans ces formations d’aérobic avec moniteur labellisé où le vendeur de méthode n’autorise pas un pas de côté.
"On peut apprendre à un ordinateur à dire: "je t'aime" mais on ne peut pas lui apprendre à aimer." A. Jacquard
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