mercredi 27 septembre 2023

La grande galerie de l’évolution au Muséum de Paris.

Dans le vaste et beau jardin des plantes, dans un immense hall, une muséographie récente permet aux petits et aux grands de s’émerveiller de la richesse du vivant, tout en nous interrogeant.
Sous une vaste verrière où éclatent de temps en temps des orages,
depuis les abysses marins au rez-de-chaussée avec baleine, rorqual et calmar géant,
nous passons aux espèces terrestres de la savane et des déserts  africains ou ceux de l’Arctique ou de l’Antarctique, des forêts tropicales d’Amérique du Sud.
Au balcon supérieur, l’histoire de la recherche des organismes vivants avec l’évocation de Lamarck, Darwin, Mendel est plus trapue, mais les enfants peuvent profiter d’espaces dédiés.
Ils sont sensibilisés depuis le berceau aux questions de préservation de la nature, à l’amenuisement de la diversité biologique montrée dans une salle consacrée aux espèces menacées ou disparues.
D’autres dimensions historiques sont pédagogiquement évoquées depuis le passage de la chasse à l’agriculture.
La modification des paysages, c’est de la géographie, quant aux pollutions, de la chimie.
Les regretteurs des bocaux de formol et squelettes étranges et poussiéreux retrouveront même l’émerveillement des découvertes dans des allusions complices aux calligraphies soignées dans une évocation des transformations de l’institution depuis sa création en 1889.
Les espaces aérés d’aujourd’hui, aux éclairages soignés bannissent la nostalgie.
Cette galerie qui mérite plusieurs jours de visite appartient au Muséum de Paris
qui emploie plus de 2000 personnes sur différents sites.
9 500 mammifères, oiseaux, insectes y sont exposés à partir d’ « un ensemble de 75 millions de spécimens
( 40 millions d'insectes, 17 millions de pages d'herbier, 1 million de poissons et 80 000 oiseaux et mammifères ainsi que des reptiles, amphibiens, fossiles, minéraux et roches ».

mardi 26 septembre 2023

La rafle du Vel d’hiv. Cabu Laurent Joly.

Les dessins du créateur du Grand Duduche assassiné en 2015 sont mis en valeur dans cet album retraçant un des épisodes les plus dramatiques de la collaboration du régime de Vichy en 1942.
En 1967, le dessinateur, dont les traits précis contrastent avec de sombres aplats, avait illustré pour le journal à sensation « Le nouveau Candide », les bonnes feuilles du livre de Claude Lévy et Paul Tillard : «  La grande rafle du Vel d’hiv ». 
Sur plus de cinquante pages, les textes remis à jour font face aux dessins dont les lumières émergent comme chez Rembrandt. Ils apportent des informations que les rares documents photographiques n’ont pu fournir.
13 000 personnes dont 4000 enfants ont été dirigées vers les camps de la mort.
Des récits de destins individuels rappellent  la responsabilité de la police française dans l’arrestation des familles mais aussi comment certains juifs étrangers échappèrent à un destin funeste.
Les policiers ont renoncé à emmener Wigdor Fajnzylberg engagé volontaire couvert de médailles ayant perdu une jambe en 1939 mais lors d’une deuxième rafle en 1944, il partira pour Auschwitz, laissant deux orphelins qu’il avait envoyés à la campagne.
Cette page de notre histoire peut paraître aussi lointaine que la saint Barthélémy des guerres de religions. Pourtant le rappel des mécanismes qui ont pu amener à ces crimes contre l’humanité sont plus que jamais nécessaires tant l’antisémitisme encore présent parait encore plus inconcevable aujourd’hui après la mort de six millions de juifs pendant cette seconde guerre mondiale.  

lundi 25 septembre 2023

Un métier sérieux. Thomas Lilti.

Film juste concernant les profs aux vies privées touchées par un métier exigeant.
Nous avons une idée de leur histoire personnelle et suivons leur chaleureuse existence en groupe dans un collège qui n’est pas réduit en machine à reproduction sociale devenu le B.A. BA du discours obligé contre l’Education Nationale.
Il s’agit d’un hommage à des consciences professionnelles ordinaires et non à d’exceptionnelles personnalités, pas plus qu’à de caricaturaux spécimens souvent sujets à railleries cinématographiques.
Vincent Lacoste, François Cluzet, Louise Bourgoin, Adèle Exarchopoulos, William Lebghil et quelques ados sont excellents sous les ordres d’un réalisateur humaniste qui a déjà ausculté le monde médical
Les fenêtres qui ferment mal, les alertes, le conseil de discipline, tant de notations fines évoquent sans s’appesantir le « pas de vague » ou comment placer les limites, mais aussi comment intéresser les élèves. 
Ce film sérieux non dépourvu d’humour peut accueillir au bout d’une heure quarante, 
les tendres paroles de Francis Lemarque sur une musique d'origine russe : 
« Le iemps du muguet ne dure jamais
Plus longtemps que le mois de mai
Quand tous ses bouquets déjà seront fanés
Pour nous deux, rien n'aura changé
Aussi belle qu'avant
Notre chanson d'amour
Chantera comme au premier jour »

dimanche 24 septembre 2023

Age of content. (La) Horde.

Je venais de lever le nez d’un article faisant part des problèmes de management de la part du directeur de l’institution culturelle phare de la ville de Grenoble, attentif, disait-il, à la qualité de vie au travail mais se retrouvant comme son prédécesseur en face de personnels « épuisés », « infantilisés », ne siégeant plus au C.A. par crainte de représailles.
La saison des spectacles s’ouvrait sous de contrariants auspices. 
Et la feuille de salle laissait craindre le pire : 
avec « espace-temps totalement déconstruit » 
et « autre manière de déconstruire notre rapport à ces représentations volatiles ».
Après que furent distribués des bouchons d’oreille laissant prévoir quelque puissant son,
ceux-ci s’avéraient inutiles dans un début interminable avec voiture électrique télécommandée dépouillée de sa carrosserie avançant et reculant sur fond de quelques aboiements.
Et puis arrivent les danseurs et quand ils sont tous là, les vrombissements de la musique nous font vibrer et le propos devient clair : les rivalités virtuelles nous atteignent. 
Des bagarres chorégraphiées magnifiquement expriment parfaitement les harcèlements Internet.
Les uniformes sous cagoule disent bien l’anonymat toxique et la recherche de notoriété précaire.
Plus tard il sera question de jeux vidéo où se brouillent les identités jusqu’à un final époustouflant où la didactique s’oublie dans les étreintes. 
La cohésion du groupe de seize danseurs excellents, puissant, dynamique, respecte les diverses personnalités.
Le limpide projet, bien qu’aucun mot de français ne soit prononcé, confronte réel et virtuel sous l’abondance des images. Un spectacle beau et original.
Nous espérons voir cette année d’autres salles, comme ce soir, entièrement debout pour applaudir.    

 

samedi 23 septembre 2023

Les vertueux. Yasmina Khadra.

Le singulier aurait mieux convenu au titre, car les méchants, les tordus ne manquent pas, qui mettent en valeur le narrateur en héros sans grand mérite puisqu’il ne fait que suivre, en bon fidèle, le destin tracé par Dieu. 
« On ne peut pas être trop près du bon Dieu sans se mettre à la merci du diable. » 
Certes les péripéties ne manquent pas et comme on dirait d’une clairette qui aurait perdu de sa fraîcheur : il faut bien finir la bouteille ! 
« J’avais fait une guerre à laquelle je n’étais pas convoqué pour défendre l’honneur d’un ingrat qui ne songeait qu’à me faire disparaître ; j’étais recherché par la police pour avoir défendu l’intégrité d’une femme qui avait abusé de mon amour pour elle, et maintenant, on allait me lyncher pour avoir protégé un bien qui n’était pas à moi… » 
De la guerre de 14 au bagne, de la misère la plus noire à la quiétude la plus douce, de Verdun au désert le plus aride, le jeune homme a l’occasion d’exposer une certaine sagesse alors que les horreurs, les amours l’effleurent, il en parle mais sans jamais vibrer ni entreprendre de son propre chef, toujours guidé. 
«  … tu nous fatigues avec tes humeurs de coq qui a mal au cul pendant que sa poule pond. » 
La lecture des 540 pages est confortable dans cette édition Miallet Barrault avec circuit touristique en Algérie et sa palette de métiers de là bas.
« C’était un beau jour de septembre, chaud comme le ventre d’un chiot. »
Et si les images ne sont pas toujours aussi originales, l’on pardonnera quelques expressions anachroniques pour des conversations se situant dans l’entre deux guerres dans un langage qui ne varie pas suffisamment au gré des diverses conditions sociales aperçues.

vendredi 22 septembre 2023

Rocard, l’enchanteur désenchanté. Jean-Michel Djian.

Venu à Grenoble présenter son documentaire « J’irai dormir en Corse » sur la vie de l’ancien premier ministre disparu il y a six ans, Jean-Michel Djian dédicaçait son livre au titre parfait pour résumer l’apport de Rocard à la vie politique français et amorcer une réponse à la question : 
« Par quelle injustice alors sa pensée survit-elle moins que sa caricature, qu’entrés en scène au mitan du siècle dernier ses épigones l’escamotent ? ». 
J’en avais profité pour regretter qu’il reprenne trop dans le film la critique malencontreuse envers la complexité du verbe de l’ancien maire de Conflans Saint Honorine ; les 150 pages du livre ont permis de détromper cette impression. 
« Qui au sein des nouvelles générations nées en ce début du troisième millénaire sait que ce gros fumeur fut aussi l’instigateur de la loi anti-tabac, de la CSG, de la paix en Nouvelle Calédonie, du compte individuel de formation, de la réforme d’air France et des PTT, du livre blanc des retraites, du revenu minimum d’insertion surtout ? » 
L’intitulé du film extrait d’une lettre testament est également significatif de la richesse de sa personnalité qui au moment du dépôt de son urne funéraire avait valu de Jacques Dutronc habitant de Monticello, la formule : « Un Rocard sinon rien ! »  
« Je n’ai pas une goutte de sang corse, et n’avais jamais mis les pieds sur l’île avant 1968. Le mois de mai de cette année-là avait échauffé les esprits. Je ressentis puissamment le besoin de rassembler pour une bonne semaine, la quarantaine la plus active d’étudiants et de cadres du PSU. La mutuelle étudiante rendit cela possible en Corse. »
L’ouvrage acquis comme consolation de voir en une ville qui fut jadis « rocardienne » seulement une cinquantaine de personnes blanchies sous le harnois à l’invitation de Michel Destot,  ancien maire, est comme son objet, tranchant, honnête, stimulant. 
« Comment voulez-vous éclairer les électeurs avec des gens qui cherchent sans cesse à attiser les peurs, déformer vos propos, les décontextualiser, les tirer vers le bas. »

jeudi 21 septembre 2023

Les rencontres photographiques. Arles 2023.

 
« Etat de conscience » était le thème de cette année, tellement général qu’il ne dit pas grand-chose de plus que bien des titres de festival qui souvent tirent par les cheveux un fil conducteur.
Et  comme il s’agit de l’état de la planète, le mot «  inconscience » aurait d’avantage convenu.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2022/09/les-rencontres-de-la-photographie-arles.html
Malgré quelques lieux d’exposition fermés  les propositions sont tellement variées que les occasions de « rencontres » ne manquent pas.
les mises en scènes angoissantes de Gregory Crewdson jettent des ponts vers le cinéma 
et le facétieux et poétique Saul Leiter se rappelle de la peinture.
« Tout au loin, d'une couleur autre, dans le velouté d'une lumière interposée, la petite phrase apparaissait, dansante, pastorale, intercalée, épisodique, appartenant à un autre monde. »Marcel Proust.
Près de 500 photos de Diane Arbus présentées de telle étourdissante façon effacent  les frontières entre les portraits de personnes hors normes et « nous ».
Les Cryptoportiques sous la mairie d’Arles étaient le lieu parfait pour présenter des photos de grottes préhistoriques : « La main de l’enfant ».
Les styles varient pour faire connaître les femmes d’une communauté au Mexique,
des travestis américains,
des personnages indiens, ou la recherche de traces d’un exilé iranien d’avant Khomeiny, 
d’un Vénézuélien ou en Palestine...
Au bord du Rhône « Les enfants du fleuve » sont saisis dans leur diversité
et les couleurs mêlées d’ « Insolare » éclatent
autant que quelques poussières magnifiées en leur retour depuis le fond des âges au musée des antiques.
Il a fallu quelques années pour qu’Agnès Varda sorte de l’ordinaire et les polaroids de Wenders apparaissent moins remarquables que d’autres scrapbooks de réalisateurs moins célèbres.
Si aucun photographe nordique n’impressionne, la découverte de Jacques Léonard du temps des humanistes Doisneau, Ronis… nous ancre dans la nostalgie
comme les archives du Studio Rex dans le quartier Belsunce de Marseille et ses « photos pour portefeuilles » de ceux qui avaient quitté leurs pays.
Lorsqu’une artiste sino-malaisienne s’interroge « Simplement parce que vous avez appuyé sur l’obturateur ? » sa question rappelle l’histoire des clic-clac Kodak  et va au-delà des problèmes posés par l’Intelligence Artificielle.
Les innovations qui furent la marque du journal Libération exposées à proximité dans l’abbaye de Montmajour paraissent datées : 50 ans de bons mots et de papier jauni.