«… la terre…
c’est elle dont la Russie a besoin. Pas des gens : eux on peut simplement
les tuer ou les expulser du pays. Le territoire est une chose très importante
pour mon pays, il n’en a jamais assez. Les gens veulent remplir leur vide
intérieur au moins avec des terres… »
La troupe de théâtre de Komsomolsk-sur-Amour exilée en
France sait de quoi elle parle avec humour et désespoir sous des lumières
magnifiques pas du tout artificielles.
Nous révisons et apprenons : 20 millions de victimes
d’un stalinisme qui irradie encore, et cet enfant si curieux engagé volontaire
dans l’armée quand il a eu 18 ans, et puis le marteau collé à la faucille dans le logo P.C.,
remplacé par une masse comme celle qui a fracassé le crâne d’un déserteur.
Les acteur
de la troupe ont mis, dans une petite valise, quelques objets:
un cahier de chansons, « Grand-père Gel », un mignon
petit ours …
Tout est limpide et profond, sans chichi, sentimental et
puissant. Mireille Mathieu est de la partie, la vie et la mort, l’absurde et la
résistance, le courage et la modestie.
Pour ne cesser de regretter qu’on nous serve sur les
plateaux essentiellement des déclamations et si peu de dialogues, je me suis
senti cette fois destinataire des interpellations, peut-être aussi que le sujet
de la guerre suggéré lors d’autres spectacles est très directement développé
avec inventivité pendant une heure vingt.
Ce théâtre documentaire nous empoigne
sans nous étouffer quand le dévoiement des mots nous concerne comme la
définition de la liberté à remettre sans cesse en question.
Dans le désert critique du Net en matière de théâtre, Jean
Pierre Thibaudat tranche avec son blog de Médiapart :
il a bien vu les
trois points de suspension du titre permettant une pointe d’espoir,
se montre
très juste lorsqu’il souligne que la troupe est partie de la partie orientale
de la Russie, « la mort dans l’âme »,
et instructif quand il précise
que KnAM est le sigle de la ville de Komsomolsk-sur-Amour à 8700 km de Moscou.
Les Komsomol étaient l’organisation des jeunesses communistes, mais les bâtisseurs
furent surtout des prisonniers.