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dimanche 19 janvier 2020

Jour et nuit. Catherine Diverrès.

Bien qu’il ait été difficile parfois de discerner le jour et la nuit, ce kaléidoscope d’images qui nous chavire pendant une heure quarante est enchanteur et nous fournit en rêves.
Depuis que ceux-ci on déserté nos jours, que viennent ceux de la nuit !
Quand tant de créateurs se contentent d’étirer une idée ou deux lors d’un spectacle voire tout au long d’une carrière - et c’est aussi pour ça qu’on aime les retrouver- la diversité des propositions de cette soirée est étourdissante.
Les musiques se mêlent aux bruits épais et parmi les langues se confondant, la voix ténue d’un enfant pour saluer le matin réveille un romantisme qui aurait tendance chez moi à prendre de la brioche.
La beauté se promène nue sous une bande de tissu, s’habille de pampilles, se met dans la peau d’un ours, porte bois de cerf, chuchote, marche lentement, se jette à terre, entend la mer métallique, danse devant un mur doré, s’éclaire aux lumignons, en appelle  à Georges de La Tour sous une ampoule portée à bout de bras qui menace et fait vivre.
Elle est énigmatique, évidente, chichiteuse, furtive, éclatante, sensuelle, rigolote et grave, puissante et délicate, indifférente aux catégories qui s’annoncent baroques ou expressionnistes.

dimanche 12 janvier 2020

La Péricole. Offenbach. Minkowski.

Curieux de l’art lyrique, mais en ignorant les codes, je redoutais l’ennui, d’autant plus que l’orchestre occupait une scène sans décor : hé bien les deux heures vingt sont passées comme un rêve.
Les chanteurs et le chœur de l’Opéra de Bordeaux jouent au milieu des musiciens du Louvre. http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/12/le-crocodile-trompeur-samuel-achache.html
Le journal de salle a été utile pour présenter le synopsis d’une histoire d’amour compliquée, qui se révèle limpide lors de la représentation. Les contrariétés sont légères quand la musique pétille.
Ça picole autour de la Péricole :
« Il n’est pas dans tout le Pérou
Ni dans les nations voisines
Il n’est pas de cabaret où
L’on fasse plus gaiment glouglou
Qu’au cabaret des Trois Cousines »
Enivrés, les amants vont dépasser leur condition. J’aime bien l’appellation « opéra bouffe » : les rivalités sont résolues après des rebondissements incessants ; l’amour ne fait pas de vaincu. Les solistes sont solides et la mise en scène légère ne met pas la musique dans la fosse, elle  installe une cohésion de tous les artistes au service d’un divertissement jadis populaire mais ne séduisant  plus aujourd’hui qu’un public âgé.      
Oui les rapports homme femme sont ceux du second empire, genre : « les femmes, il n’y a que ça ! » et « mon Dieu que les hommes sont bêtes » mais ça passe avec une narration à rebonds incessants, un prétexte pour sourire. Le chœur comme représentation d' une opinion générale revêche sous le présent empire des réseaux, ce soir, est enjoué .
Marc Minkowski, http://blog-de-guy.blogspot.com/2010/04/la-passion-selon-saint-jean.html  dirige son orchestre d’une main de maître : du travail bien fait.
Mais pourquoi une seule représentation ?


dimanche 5 janvier 2020

Linda vista. Letts. Pitoiset.

Linda vista est un quartier de San Diégo où un quinqua vient de divorcer. Des amis essayent de l’aider. Une spécialiste en développement personnel arrivera-t-elle à l’aider à passer cette étape?
Dialogues mordants, acteurs excellents, sujet éternel, objet intéressant à discuter entre ceux qui voient à travers ces portraits une dénonciation de l’Amérique de Trump et Weinstein et ceux qui méprisent les affres d’hétéros blancs.
Le président et le producteur reflets de la brutalité du temps sont des cibles tellement faciles qu’elles n’ont pas besoin d’être explicitement nommées. La barbarie que nous redoutions, comme le réchauffement climatique sont dans nos murs. Sous l’omniprésence du mot bienveillance, la férocité se déploie, impitoyable.
J’ai apprécié ce vaudeville cruel sobrement mis en scène. En abordant septante ans, je me sens pourtant concerné par les décalages avec leur temps de jeunes quinquagénaires.
Des critiques interdiraient volontiers de tels sujets pour ne voir présenter que les transes d’anciens colonisés, ne concédant à ma communauté que la seule relecture du vieil homme et l’amer, rejetant toute pièce qui pourrait se dérouler au XIX° en Russie ou à Vérone entre jouvenceaux.
Enraciner une pièce dans un milieu et une époque vivement décrite rend les enjeux crédibles : la lucidité fait de bonnes répliques mais conduit à la solitude. L’urbanité, la politesse certes émollientes, ne sont-elles devenues que des constructions chimériques dépassées ?
Pitoiset, une bonne adresse :   
http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/04/cyrano-de-bergerac-edmond-rostand.html

dimanche 29 décembre 2019

Spectacles 2019.


Cinq  représentations pour cette année qui viennent s’ajouter à des titres retenus au tournant de l’année dernière pour leur originalité, le souvenir d'émotions dans des domaines variés : cirque, danse, comédie, tragédie, classique ou novateur.
Jamais seul. Intense.
Plastique. Dérision.
Campana. Elémentaire.
Un instant. Patrimoine.
Vertikal. Une autre dimension.
 

dimanche 22 décembre 2019

Jeudi, c’est rugby.


Pour n’aller plus que rarement au stade, je me mêle  bien volontiers aux 10 000 spectateurs qui étaient là ce soir tout en évitant un compte-rendu de plus du match FCG/ Oyonnax (28 à 13) dont la vérité se périmera très vite dans le flot affolé des informations. 
Je remarque que les commentaires à propos des classements n’attendent pas que toutes les équipes aient le même nombre de matchs : Grenoble est leader… jusqu’à demain peut être.
Il en est de même des interprétations à jet continu de toute péripétie en politique où il n’y a plus d’expert depuis que tout le monde est sélectionneur et que le préposé à insulter l’arbitre est le seul à se faire entendre.
Le spectacle de ce jeudi 19 décembre porte l’étiquette « Boxing day », vocable venu du Royaume Uni, équivalent du « Black Friday » américain : soldes après Noël, foot anglais,  derbies et chasse au renard pendant les fêtes.
L’occasion est à saisir de retrouver des potes et l’événement immédiat réveille un temps long qui nous voit avancer dans la vie : « et tes enfants et tes petits ? »
Nous remontons inévitablement jusqu’au temps des Mammouths, surnom donné à l’équipe de Grenoble de 93, celle de la finale contre Castres.
Maintenant ce n’est plus dans l’élite que se joue le derby, depuis que Bourgoin a chuté jusqu’en fédérale alors que Grenoble est en deuxième division. C’était alors la ville contre la campagne, le nord Isère contre la préfecture ;  l’affrontement avec Oyonnax la cité du plastique fera l’affaire. Une autre rivalité particulière avec Toulon était vive quand Le FCG et le RCT étaient les seules équipes à concourir dans la même catégorie en dehors du Sud Ouest. Le stade est aussi le lieu des nostalgies.
Comme lors d’un opéra sur-titré, s’affichent désormais aux quatre coins de la pelouse toujours aussi lumineuse en nocturne, les explications des gestes de l’arbitre et de ses décisions, bien utiles quand il est difficile de déceler si le pilier a tiré ou poussé son adversaire. Et le numéro 7 a-t-il voulu ou pas pu lâcher le ballon ? Le spectacle vivant ne se passe plus d’écrans.
L’an prochain il faudra que je me fasse réexpliquer le système des bonus parce qu’il aura peut être encore changé. http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/01/fcgubb.html
L’expression « en même temps » a fait florès en politique, mais cette volonté de dépassement des antagonismes a pu s’apprendre sur un terrain sportif tout aussi sérieux. Dans mon histoire personnelle le trajet de l’ovale à la ronde a coïncidé avec une délocalisation d’ancêtres et je sais bien les connotations culturelles et sociales qui distinguent rugby et foot en m’emmitouflant ce soir dans une écharpe rouge et bleue du FCG (Football club de Grenoble, c’est le rugby) après avoir agité il y a quelques années le fanion bleu et blanc du GF 38, (c’est le foot foot).
Les frontières se sont brouillées, les amateurs aristocrates se sont professionnalisés, les télévisions ont starifiés des joueurs, mais en diffusant chaque jour un match, ont désacralisé le dimanche, même si une défaite ou une victoire de nos favoris continuent à colorer différemment nos week-end.

dimanche 15 décembre 2019

Campana. Cirque Trottola.

On va revoir des artistes parce qu’on les a appréciés
parfois avec un  brin d’appréhension quand on n’est pas sûr de la bonne dose de renouvellement.
Eh bien ce soir, pas l’ombre d’un doute, nous sommes en territoire familier et sous le charme dès les premières minutes, quand se retire le tissu qui recouvrait le cercle magique, comme une eau douce serait absorbée par le sol. C’est de là que vont surgir et disparaître les acrobates, les clowns, des cordes, brouette et échelle, un éléphant. Maintenant que les animaux deviennent indésirables sur la piste, le pachyderme gonflable a des légèretés sublimes.     
La troupe a le chic pour jouer de l’exigüité des lieux en des transitions originales, jouant avec les images fortes d’un trou au dessus des bas fonds jusqu’au faite du chapiteau où se laisse deviner que la trapéziste aurait pu aller encore plus haut. Il y a bien plus, à s’émouvoir, à penser, qu’en bien des représentations théâtrales aux références flatteuses.
Ce type de spectacle en insistant sur la lenteur met en évidence que nous ne sommes pas épargnés par les frénésies des écrans : au fait quel serait le contraire de spectacle vivant, de musique vivante ? Les deux musiciens sollicités aussi comme porteurs, nous entrainent avec leurs clochettes et leurs violons et une belle chanson italienne. Trottola c’est la toupie.
Tant d’énergie et d’inventivité déployées pour que sonne enfin une belle cloche tiennent le public enthousiaste en haleine. Tant de beauté, de poésie pour un son, font revenir des émotions primaires, et convoquent pour moi, l’Angelus de Millet pour sa ferveur archaïque.
Des silhouettes de clowns étaient gravées sur les flancs de la « Campana ». Ces clowns ont fait tellement rire un simple d’esprit parmi les spectateurs qu’on s’est dit que cette soirée était décidément une bonne soirée. Alors que le mot « simple » convient aux plantes et leur assure une certaine distinction, je ne sais plus s’il est correct de le dire pour un homme pour lequel aujourd’hui pullulent les qualificatifs, en tous cas j’ai ri également : « Voilà voilà voilà ». Il y a tant d’importants qui abusent de cette expression machinale qu’un clown en extrayant tout le ridicule, nous a amené  à l’essentiel avec ici une accolade, là une balourdise, une pirouette,  jouant de sa force pour propulser sa moitié vers les étoiles. Le beau barbu fait bien son travail, avec un violon dans ses grosses papattes et lorsqu’il houspille la foule  pour ne l’avoir pas empêché de  malmener sa partenaire, touche à l’absurde et va à l’essentiel de notre condition.
   

dimanche 8 décembre 2019

Voyage en Italie. Montaigne. Michel Didyn.

Difficile d’échapper pour cette représentation à la qualification de « scolaire », qui ne peut pourtant être péjorative de ma part. Ce n’est pas à tous coups que les jeunes présents à la MC 2 rencontrent matière au programme pédagogiquement amenée.
Cette heure et demie tient plus du récit, du racontage, que du théâtre.
Le sympathique philosophe est vivement campé mais n’affronte aucune contradiction, ce qui nuit à la dialectique et à une dynamique scénique.
« Je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche. »
Le voyage avec son secrétaire et son palefrenier passant par la Lorraine avant l’Italie est matérialisé par des pierres disposées autour d’un feu autour duquel tournent une poule et un cheval plus distrayants que poétiques.
La séquence où le cheval se soumet à la bride, peut-elle appeler une réflexion sur la sagesse qui viendrait de la maîtrise de soi ? Alors que son maître avoue ne pas combattre quelques habitudes dont il ne veut se défaire à son âge, quarante-sept ans.
Ils parlent comme des livres et nous retrouvons des formules familières dans une langue savoureuse qui demande cependant un petit temps d’adaptation:
« Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »
« Rien de ce qui est humain ne m’est étranger.»
Je regrette souvent une hystérisation des débats sur les plateaux des salles de spectacle, mais après avoir appris que cette année 1580 se situait en pleine guerre de religions, je trouve que le parti pris touristique se nourrissant d’anecdotes, passe à côté de l’objectif fixé au moment des attentats contre Charlie.

dimanche 1 décembre 2019

Héritiers. Nasser Djemaï.

Nous avons retrouvé avec un plaisir augmenté de surprises, l’auteur bien de chez nous http://blog-de-guy.blogspot.com/2017/01/vertiges-nasser-djemai.html
Il avait apporté sur un plateau, « Les invisibles », il y a huit ans déjà, et aurait pu continuer dans cette veine « documentaire », mais bien que le décor soit différent, il continue à fouiller du côté de la transmission, de l’héritage, de l’exil ou de l’assignation à résidence, de nos aveuglements, avec une façon de faire qui concerne chacun.
Une famille dans une grande maison au bord d’un lac évoque Tchekhov dont les dilemmes traversent les siècles et supportent les évolutions, d’autant plus qu’un glissement poétique est apporté avec cette création et amène à douter de la réalité ; celle-ci en est augmentée.  
Ces demeures envahies de racines coûtent cher. Déchirer les factures, fuir dans le rêve ne peuvent constituer des réponses. Entre temps se jouent de douces démences qui comportent chacune une part de raison : celle de la vieille mère qui fait partie des murs n’est pas plus délirante que celle de son fils qui ne cesse de se jouer un film ou celle de sa fille qui ne peut que gérer le chaos.
Les acteurs sont excellents entre le fils exubérant, la fille de bonne volonté et son mari raisonnable, la tante des bois et la mère prête à embarquer. Le gardien a une belle voix même si son monologue trop surligné « poétique » est le seul bémol que j’apporterai dans cet excellent spectacle de près de deux heures.

dimanche 24 novembre 2019

Un instant. D’après Marcel Proust. Jean Bellorini.

J’ai le souvenir dans le Off d’Avignon de la mention « d’après… un auteur prestigieux » qui  avait le don d’attirer l’attention parmi des sollicitations nombreuses mais s’avérait parfois décevante.
Cette fois à la MC 2, dans la grande salle qui se prête plutôt aux mises en scènes spectaculaires, j’ai été ému et trouvé pleinement réussie cette approche d’un géant de la littérature dont la précision va au cœur de notre intimité.
Les souvenirs d’une grand-mère vietnamienne prennent une dimension universelle quand ils s’entrecroisent avec les mots attentifs de Marcel P. Le morceau qui aurait pu être de « bravoure » concernant la madeleine est habilement contourné : après avoir englouti « un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint- Jacques » l’acteur se sent des envies d’écrire.
Mais il sera plutôt question d’un porc au caramel  dont les saveurs permettent de se rappeler : 
« … quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. »
Pendant une heure trois quarts nous pouvons déguster les mots qui expriment l’intensité de vivre, et une ardente « présence au monde » à travers le rappel de la vibration d’un instant passé. Nous prenons le droit d’aller faire un tour vers les territoires de nos mémoires et de cet amour absolu, tyrannique accompagnant souvent l’enfance, qui avec la mort omniprésente pourraient se mettre en triptyque pour composer un titre Lelouchien : la mémoire, l’amour, la mort.
Ce serait to mutch, mais ces absolus vont bien à l’essentiel de nos vies, non ?
Des chaises encombrent la scène, grenier de la mémoire, surplombée par une pièce silencieuse d’où les mots proviennent. A défaut de faire revivre la grand-mère et la mère tant aimées, la subtilité des longues phrases nous aide cent ans après à mieux vivre avec nos fantômes, avec nous mêmes.
« … depuis peu de temps, je recommence à très bien percevoir si je prête l’oreille, les sanglots que j’eus la force de contenir devant mon père et qui n’éclatèrent que quand je me retrouvai seul avec maman. En réalité ils n’ont jamais cessé ; et c’est seulement parce que la vie se tait maintenant davantage autour de moi que je les entends de nouveau, comme ces cloches de couvents que couvrent si bien les bruits de la ville pendant le jour qu’on les croirait arrêtées mais qui se remettent à sonner dans le silence du soir. »

dimanche 17 novembre 2019

L’important c’est la tempête. D’après Thomas Bernhard. Dominique Léandri.

C’est de « La tempête » de Shakespeare dont il est un peu question: «  Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil. »
Nous arrivons dans la salle alors que les comédiens nous tournent le dos  et devant de grands tissus agités par un ventilateur, reçoivent des applaudissements enregistrés pour une représentation qui vient de s’achever.
C’est le seul moment auquel j’ai accroché bien que les paroles m’aient parues confuses.
Je me suis ennuyé pendant toute l’heure et demie qui a suivi.
Dans une saynète, un  dramaturge voudrait rassembler toute l’œuvre de Shakespeare en une seule représentation, ainsi fait la compagnie de « La chaudière intime » venue en voisine depuis Le Trièves, en rassemblant des « dramuscules » de Thomas Bernhard.
Le terrible Viennois, est pourtant quelqu’un de reconnu, mais j’aurai dû me relire
et c’est peut être bien de cet auteur honoré en France que vient mon incompréhension et non des acteurs qui font de leur mieux. Nicolas Bouchaud  avait dit de lui :
« Bernhard, c'est un poseur de bombes, un provocateur, un terroriste de l'art ».
Il dénonce parait-il les nazis mais ses insultes envers l’Autriche m’ont semblées vaines, et mêlées à des interrogations pertinentes autour de la fonction du théâtre, se retournent contre le message de vigilance qui était dans l’intention de la metteuse en scène.
Les acteurs seraient à ranger dans la même valise que les chaussettes: les rires pourtant rares dans le petit théâtre me consternent.
Beaucoup de répétitions : « pauvre crétin » rabâche un bonhomme devant son téléviseur alors que sa femme vient de croiser une manifestation d’étudiants : « ils feraient mieux de travailler » dit-elle à plusieurs reprises. « Naturellement » répond invariablement le directeur de théâtre à son dramaturge. 
Les deux figurent en clowns pathétiques dans ce théâtre dans le théâtre, appelé « mise en abymes », on écrit aussi en abîme (« le chapeau de la cime est tombé dans l’abîme » disait-on dans les temps orthographiques).
Quand aucun personnage n’est aimable, ce type de représentation entre soi ne peut être entendu par une société méprisée à ce point.

dimanche 10 novembre 2019

Ils n’avaient pas prévu qu’on allait gagner. C. Citti. J.L. Martinelli.

Il y a plus de 10 ans Jean Louis Martinelli nous avait emmenés dans un hôpital psychiatrique. http://blog-de-guy.blogspot.com/2008/11/kliniken.html
Dans la pièce de cette année, ce n’est pas moins de déraison, de violence qui sont mises en scène pour représenter la vie dans un foyer qui reçoit en urgence des mineurs. Les acteurs sont crédibles et la représentation ponctuée de brèves chorégraphies boxées est intéressante.   
Mais après cette heure et demie, je goûte au retour les silences de Christian Bobin choisissant ses mots sur France Culture, pour souligner le complet décalage avec ces jeunes de banlieue exacerbant une violence reçue et restituée.
«Les gens comme toi, des blancs, ils viennent jamais dans ce coin»
Je suis à côté de la plaque comme les éducateurs présentés pourtant d’une façon quelque peu appuyée :
« Quel est ton projet de vie ? » demandent-ils entre une provocation et une bouffée de violence douloureuse.
La hargne se déchainant contre ceux qui sont là pour les aider, donne certes du rythme à la pièce, mais elle est intimidante et laisse peu d’espoir quant à l’avenir de ces ados.
«T’as pas de travail, c’est pour ça que tu viens ici».
La comédienne venue avec un projet de théâtre ne le mènera pas à bout, elle est notre représentante sur le plateau et ne peut qu’observer.
« Tu es venue avec un gâteau pour nous acheter »
Le propos est vraiment sans angélisme mais si la tirade finale autour du verbe « être » m’a parue quelque peu déclamatoire, je me suis dit que bien des mots du rap, qui plaisent tant, étaient souvent démesurés, comme ceux repris dans le titre qui doivent signifier le contraire de ce qu’ils disent. C’est pas gagné ! 

dimanche 20 octobre 2019

Vertikal. Mourad Merzouki.

Dans un commentaire en matière de spectacle, il est plus facile d’exprimer son mécontentement que son contentement, alors, allons pour la difficulté.
Tous ceux que j’ai rencontrés ont aimé.
Le chorégraphe, le musicien, l’éclairagiste sont au top, raccords, comme les dix danseurs aux mouvements parfaitement réglés.
Merzouki parmi d’autres nous a amené sur un plateau le hip hop qui a mis la danse cul par-dessus tête. Cette fois sa troupe grimpe après les murs, se joue de la pesanteur.
La musique douce parfois, ajoute à l’atmosphère irréelle, aquatique, de certains tableaux où par la délicatesse des éclairages, les acteurs aux positions incroyables semblent des hologrammes. La techno participe à la montée en tension amenant à un bouquet final splendide faisant même taire les turbulentes lycéennes du voisinage.
Les connotations acrobatiques ajoutent à la beauté des chorégraphies une touche d’appréhension lorsque se multiplient les chutes, mais les rebonds viennent immédiatement après.
J’ai préféré les escalades rythmées et synchronisées aux balancements du début, mais les silhouettes très graphiques sont souvent magnifiques et la touche humoristique avec élastiques jouant entre les structures, si elle nuit à la cohérence, peut passer, tant on peut comprendre qu’une pause soit nécessaire dans cette débauche d’énergie, de virtuosité, de poésie, de maîtrise et d’inventivité.

dimanche 13 octobre 2019

Dom Juan. Molière. Malis.

« Toutes……………. les belles…………….. ont………. droitdenouscharmeret l’avantage d’être rencontrée………………………. la première, nedoitpoint…………………………………………….. dérober………. aux autres lesjustes prétenTions qu’elles ont TOUTES sur nos cœurs. »
Des amis m’avaient averti, ils n’avaient tenu qu’une demi-heure. J’ai résisté 3 h et demie sur les quatre heures 45 promises, m’appliquant à peser les mots criés ou avalés avec une lenteur tellement excessive que le sens, au lieu d’être exhausté, se perd souvent.
La démonteuse en scène (inoccupée) arrive à dépeupler aussi la salle : ceux qui partent dérangeant ceux qui se sont endormis.
Dom Juan tape de temps en temps du pied, impuissant. Sganarelle soupire.
Les insertions de multiples «  voilà » ou d’adresses au public dignes d’un stand up n’arrivent pas à nous dérider. « Grenoble » est cité(e) et le valet a dégoté un rouleau de PQ pour signifier la farce, mais ajoute de la lourdeur à la longueur en nous l’expliquant comme il enfilera des banalités concernant l’art figuratif face à la statue du commandeur.
Il y avait de quoi faire avec cette pièce, à l’heure de #Me too, et pas seulement, l’affrontement de l’homme et du ciel étant plus que jamais d’actualité.
Molière n’en parait que plus grand, après cette trissotine purge, les trucs plaqués pour plaire aux Inrocks vieilliront plus vite que le texte de 1665 dont je n’avais pas perçu auparavant la distance de classe qui séparait le courtisan des paysans et paysannes.
Les pantomimes du serviteur du XXI° siècle ont effacé l’audace du XVII°.
J’aurai dû me relire, même si j’avais été moins sévère avec Marie-José Malis http://blog-de-guy.blogspot.com/2016/11/la-volupte-de-lhonneur-luigi-pirandello.html et passer cette fois mon samedi soir devant la télé jusqu’à point d’heure.

dimanche 1 septembre 2019

Le Grand Bornand 2019.

Avant la rentrée, le rendez-vous au festival international de spectacles jeune public intitulé «  Au bonheur des mômes, le festival le plus tendre de l’été » est devenu rituel pour mes deux accompagnateurs de 6 et 8 ans, l’ainée en étant à sa 6° participation.
Un petit tour de poneys ou les délices du toboggan à la piscine permettent de se reposer de toutes les sollicitations diverses qui attirent des dizaines de milliers de familles dans la belle station de Haute Savoie: argile tournée auprès d’une potière ou partie acharnée de hockey sur table… Nous croisons des dodos, des oies en fanfare, un dragon et des amateurs de musique pop sur échasses, Bébé Charli qui n’en finit pas d’en « remettre une couche » entrainant une petite troupe derrière son landau motorisé : «  nous voulons des bonbons ! »
La programmation toujours remarquable ne fait pas oublier leur esprit critique à certains adultes quand la démagogie des interventions d’un directeur du festival très investi mais quelque peu pathétique est trop manifeste :
«  Alors les enfants, les parents n’ont pas été trop pénibles hier au soir ? »
voire prend une tonalité crépusculaire lorsqu’est reprise à l’envie la formule d’Alphonse Allais: « Pourquoi prendre la vie au sérieux puisque de toute façon nous n’en sortirons pas vivants ? »
Les clowns présents dans un tiers des 95 spectacles présentés n’ont justement pas besoin de sur-titrage pour exprimer le tragique de la condition humaine. Il vaut mieux rire quand les corps empêtrés, sont en prise désormais à tant de branchements énigmatiques.
Le nez rouge de Nicolas Ferré a noirci suite à ses tentatives pour faire décoller son Frigo. Ses relations avec un public comblé courent sur un fil subtil générateur d’émotions. La surprise était d’autant plus belle, que nous nous ne sommes pas attardés au Tricot de Denise qui était à notre programme : le présentateur étant bien peu investi dans le partage des secrets d’une grand-mère à travers des objets présentés aux flancs d’une caravane.
La compagnie des « Nouveaux nez » était présente et madame Françoise a beau être seule en scène, son énergie, qualité de tant de ses confrères, est communicative : la maîtresse d’école joue sur les mots et enchaîne les explications drôles et poétiques depuis l’origine des bébés jusqu’aux caractéristiques des planètes : L’Alpha bête.
Klonk et Lelonk, le petit et le grand, dissemblables sont inséparables.
Ils se sont produits au Forum toujours bondé où un autre matin les jonglages d’apprentis circassiens de l’association Oval nous ont embarqués aux sons de Santiano. Une autre fois nous y avons aperçu une main nue au dessus d’un castelet improbable : c’était Guignol qui prenait des vacances à la montagne sans ses habits.
Gogol et Max font entrer L’humour in concert : le plus sérieux des concertistes peut se révéler le plus dingue des acrobates et son partenaire ingérable le plus virtuose des musiciens.
La musique permet de surmonter Les bruits du noir quand elle les transfigure.
Sacré silence bien entendu joue des sons et du goût de la répétition familière aux enfants, des écrans venant poétiquement habiller les mots en écho lors des apprentissages.
En maitrisant merveilleusement de si fragiles bulles de savon, Clinc ! est fidèle à ses intentions, pourtant ambitieuses, de traduire «  le changement qui se produit chez les gens lorsqu’ils cessent de voir la vie avec pessimisme, lorsqu’ils décident de contempler la beauté qui les entoure et de commencer à prendre les autres en compte au lieu de vivre isolés. »
A partir d’argile, l’univers plus intime de Soon évoque la séparation d’avec les parents.
Que les contes proviennent de tous les continents dans  La lettre perdue de tonton Léo ou rythmant une visite de La maison du patrimoine, ils sont à la base de notre mémoire, un vecteur de notre relation au vivant, au spectacle vivant, à mon semblable, mon petit frère, ma grande sœur.

dimanche 2 juin 2019

Summerspace & Exchange. Ballet de l’Opéra de Lyon.

Les stéréotypes permettent des raccourcis confortables : par exemple qui dit danse classique voit rappliquer « Le lac des cygnes ».
Cette image s’est imposée une nouvelle fois avec cette troupe où décidément les danseurs m’ont paru d’un autre genre que nous pauvres arthritiques. D’une beauté inhumaine, ils marchent, saluent, courent, se tiennent, sautent, se soulèvent comme des cygnes.
Mais le spectacle qui clôt notre saison à la MC 2, ne nous laissera pas un souvenir impérissable contrairement à l’an dernier : http://blog-de-guy.blogspot.com/2012/09/william-forsythe-ballet-de-lopera-lyon.html
Les recherches de  Merce Cunningham datant de 1958 qui gardent bien des éléments de la grammaire classique, s’inscrivent dans les déstructurations d’alors concernant la peinture qui retournait à ses pots, le roman à ses mots, la musique au silence, les gestes à l’interruption.
Lors de la première partie, les danseurs sont plus proches des couleurs pointillistes d’un Signac que d’un tableau annoncé de Rauschenberg que j’ai connu plus dynamique et déstructuré.
Le bruit des pas sur le parquet contrarie les notes ténues de la partition de Feldman, minimaliste, comme le plaisir minimum que nous avons à l’écouter. Les apparitions, disparitions sont bien réglées, les postures sont magnifiques mais l’émotion est absente.
La deuxième partie sur fond de bruitage est plus cohérente mais reste froide avec costumes et décor de Jasper Johns qui ont pu étonner jadis mais ne se remarquent plus guère. 

dimanche 26 mai 2019

Tous des oiseaux. Wajdi Mouawad.

Eitan et Wahida en Roméo et Juliette, joué en anglais, allemand, arabe, hébreu, sur-titré pour une durée de 4 heures : vers quelle présomptueuse aventure nous allions ce soir à la MC 2 ?
Il faut quand même dire que l’auteur n’est pas un inconnu 
Il  a répondu au-delà de nos attentes : la durée est indispensable pour entrer dans la complexité, la diversité des langues constitue un élément essentiel de la dramaturgie, et le mythe shakespearien revisité brillamment demeure primordial.
La fable oxygénée par une tension constante est mise en scène d’une façon limpide permettant de se consacrer à la complexité des choix : la vérité peut-elle advenir ? Les identités se réinventer ?
« Tout conflit fratricide cache un labyrinthe où va, effroyable, le monstre aveugle des héritages oubliés »
Les acteurs époustouflants au service de dialogues puissants dégagent des pistes qui fouillent au cœur d’un conflit éternel, tout en nous rappelant que ces murs et ces massacres ne sont pas si lointains.
Les dispositifs sobres sont bien éclairés, la sonorisation est efficace : la pièce est juste.
Histoire, géo, psycho et boite à chaussure, humour et humanité, violence des sentiments et de l’intelligence : le public n’a pas profité de la pause pour se sauver, il est debout pour les applaudissements, comme rarement à Grenoble.
 

dimanche 19 mai 2019

Le misanthrope. Molière. Alain Françon.

« Intègre » est le premier mot qui vient pour qualifier cette mise en scène qui nous a ravi une fois encore. http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/02/un-mois-la-campagne-tourgueniev-francon.html
Pas d’écran, de musique tapageuse, de clin d’œil à l’actualité.
L’amitié et la sincérité, la cour ou le désert, sont toujours au menu de nos dilemmes.
343 ans après la première représentation, le propos, porté par une langue superbe, interroge toutes nos contradictions.
On peut certes s’agacer de « l’euphémisation » contemporaine qui nomme « frappe chirurgicale » un bombardement, mais Alceste peut continuer à se mettre en fureur, il le dit si bien.
« J’entre en une humeur noire, en un chagrin profond,
Quand je vois vivre entre eux, les hommes comme ils font ;
Je ne trouve, partout, que lâche flatterie,
Qu’injustice, intérêt, trahison, fourberie »
Cet homme, ne peut être entièrement mauvais: il est amoureux d’une coquette.
« Je confesse mon faible, elle a l’art de me plaire :
J’ai beau voir ses défauts et j’ai beau l’en blâmer,
En dépit qu’on en ait, elle se fait aimer »
 
Si dans le journal de salle, le metteur en scène abuse d’expressions contemporaines :
«  la main invisible du marché des courtisans », il honore son projet et :
« prend le théâtre pour vecteur pour déployer opinions et comportements contradictoires ».
Le décor sobre et élégant, les costumes intemporels, les lumières justes, la finesse des acteurs mettent en valeur Molière qui n’a pas besoin d’être rafraîchi : il est respecté.
On rit, on réfléchit, on déguste, et même l’écrivaillon de blog peut s’interroger sur sa propre écriture :
« Je disais, en voyant des vers de sa façon
 Qu’il faut qu’un galant homme ait toujours grand empire
Sur les démangeaisons qui nous prennent d’écrire »

dimanche 12 mai 2019

Tout va s’arranger. Grégory Faive.

Une troupe de théâtre doit monter La Mouette de Tchekhov en comédie musicale.
L’ambition peut être louable et les soucis qui s’accumulent lors des répétitions une bonne source comique, mais les deux heures à l’Heure bleue m’ont semblé longues.
L'entame est laborieuse dans le genre très fréquenté du one man show avec adjonction d'un  Kévin vissé au téléphone, d'une actrice obsédée par son âge,  et d'une régisseuse qui n’a pas le sens de l’orientation… L’option théâtre dans le théâtre peut être amusante parfois, comme est  bien ficelée la scène finale qui rachète de quelques errements.
Enfiler des vestes à paillettes et chanter en agitant les mains peut permettre d’évoquer Broadway, mais Tchekhov s’éloigne quand la sonnerie du téléphone du metteur en scène est un cri de mouette, l’ingénieur du son ayant par ailleurs confondu seagull (mouette) avec cigale. A un moment une actrice en fin de carrière qui ne veut pas décrocher apparaît dans la lumière, cette séquence aurait pu être touchante, mais s’avère trop insistante.
Et on peut se demander parfois si le manque de talent de certains acteurs partie inégrante des complications qui s’additionnent autour du drolatique collectif est vraiment joué ou si c’est naturel. 
L'enjeu ne m’a pas paru vraiment traité alors que la désespérance russe aurait pu s’affronter à la superficialité du music-hall.
Pour apprécier aussi bien Balotelli que Pirandello, j’ai toujours cultivé le mélange des genres, mais de cette pièce partant dans tous les sens, dont on peut aimer la modestie, il ne reste plus grand-chose.   

dimanche 5 mai 2019

Le jour du grand jour. Théâtre Dromesko.

La cabane montée aux alentours de la MC2 nous emmène ailleurs, le spectacle qui y est donné «Impromptu nuptial et turlututu funèbre» aux airs tziganes mêlant la mort et le marrant, nous surprend agréablement.
Les robes de marié(e)s prennent bien la lumière, les chorégraphies impeccables sont enjouées et tragiques, les discours du maire et du prêtre caricaturaux et burlesques, le marabout, l’oiseau, étonnant et poétique. Les acteurs, musiciens, chanteurs et danseurs sont excellents.
La poésie qui ne subsiste que dans les moments cérémonieux de nos vies est présente tout au long de cette heure et demie, mélancolique, comique, mordante, émouvante.
J’ai surtout apprécié les jeux avec l’attente, les ruptures de rythme,  et le hors champ, rare au théâtre, d’où nous arrivent des échos d’une fête d’où s’extirpent surtout des solitaires.
Ce jour du grand jour, nous a fait passer une bonne soirée, bien mieux que la dernière fois :