jeudi 15 octobre 2020

Venise. L’atelier de Giovanni Bellini. Gilbert Croué.

Sous la vue cavalière de « Venise » par Jacopo de Barbari, saisissante de précision, le conférencier devant les amis du Musée de Grenoble pouvait situer l’atelier de la famille Bellini, haut lieu de la Renaissance. Si en d’autres contrées la modernité s’inventa, Giotto avait rompu avec les manières byzantines bien avant 1500, mais les fresques du Florentin n’eurent pas d’écho à Venise en milieu quelque peu humide. La peinture alors n’était pas un art aussi prestigieux que la mosaïque ou l’architecture.
« La Vierge d'humilité adorée par un prince de la Maison d'Este » (1440) par le père, Jacopo Bellini, respecte la hiérarchie des grandeurs et le donateur est plus petit que les divinités, mais plutôt qu’un fond doré représentant la lumière céleste, sous un ciel bleu, un paysage raffiné s’offre à nous.
Sa « Flagellation du Christ » se préoccupe surtout de perspective. 
Gentile Bellini, un des fils, était devenu peintre officiel des doges, il a travaillé à Constantinople lorsque la paix fut signée avec l’empire ottoman (1480). 
Sa « Procession sur la place Saint-Marc » d’une longueur de 7 mètres, nous renseigne sur la magnificence de la basilique, plus sobre aujourd’hui après les travaux du XIX° siècle.
Vittore Carpaccio
fréquentait l’atelier http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/05/les-confreries-venise-fabrice-conan.html. « Le Miracle de la relique de la Croix au pont du Rialto » dont la partie supérieure s’enlevait pour le passage des bateaux à voile se déroule parmi la multitude.
« La Fuite en Egypte » advient dans la lumière douce de la Vénétie sur fond de verdure humaniste. 
« La Crucifixion »
 aux personnages alignés a été réalisée par Giovanni Bellini, le plus célèbre de la famille, à l’âge de 15 ans au début d’une carrière de 70 ans.
La comparaison avec Mantegna (M) qui épousa la sœur Nicolosia Bellini va de soi, 
« Le Christ au jardin des oliviers » du passionné d’archéologie (M) connu pour ses raccourcis est plus minéral que celui de G.Bellini (GB) qui privilégie l’atmosphère.
Le « Christ bénissant » de ce dernier, d’une grande humanité, est bien sur terre. 
« La Pietà »
derrière la margelle où se présentent des demi-corps, dont le prix de la représentation était divisé par deux, est expressive et tendre jusque dans les mains.
Le « Polyptique de Saint Vincent Ferrier » est une œuvre considérable, Saint Christophe traverse le siècle.
La figure centrale du « Retable de Pesaro » figure un discret couronnement de la vierge parmi les hommes.
Une autre « Pietà » qui le surmontait avec une belle relation entre les personnages réserve une place modeste à Jésus.
Le sommeil de l’enfant sur les genoux de la « Madone des prés » présage le sacrifice à venir. Antonello de Messine après des démonstrations de peinture à l’huile de lin, convertit l’atelier à cette nouvelle technologie pour laquelle l’apport de Van Eyck avait été capital.
« Le Calvaire » (G.B)  avec la mer au loin et ses personnages à l’arrière plan est influencé par les Flamands.
« Le retable de San Cassiano » s’il ne comporte plus que le panneau central, introduisait le décor d’une voûte à caissons devenu un topos de la peinture vénitienne.
Pour la « Basilique de Santa Maria Gloriosa dei Frari », San Benedetto grandeur nature   impressionne par son regard
et le « Retable de San Giobbe » est comme « une extension virtuelle de l'espace réel de l'allée ». Si le maître s’est méfié de Léonard de Vinci, il a accueilli Dürer sans réserve ;
dans sa « Vierge au serin » le christ tient une sucette vénitienne, du sucre contenu dans un tissu.
Le Titien terminera le dernier tableau de G.Bellini «  Le festin des Dieux » (1514/1529) dans lequel  Priape est empêché d’aller plus loin avec la nymphe réveillée par les braiments d’un âne. Ce festin animé mesure le chemin parcouru depuis les primitifs jusqu’à la lumière renaissante à l’image de l’atelier Bellini au cœur de la Sérénissime, qui a permis à tant d’artistes notoires d’échanger, de s’enrichir.
Giorgione son élève a réalisé «  La tempête » où le paysage prend toute la place, si bien que les interprétations sont  très variées concernant le sujet de ce tableau, important repère dans l’histoire de l’art.
«  Le Concert champêtre » attribué alternativement à Giorgione ou au Titien, nous fait penser au déjeuner sur l’herbe de Manet 
alors que la « Jeune Femme à sa toilette » ultime tableau de l’octogénaire annonce Ingres.
Mais je ne résiste pas à publier à nouveau le lumineux portrait du  « Doge Leonardo Loredan » qui sait la nuit à venir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire