Sous la vue cavalière de « Venise » par Jacopo de
Barbari, saisissante de précision, le conférencier devant les amis
du Musée de Grenoble pouvait situer l’atelier de la famille Bellini,
haut lieu de la Renaissance. Si en d’autres contrées la modernité s’inventa, Giotto
avait rompu avec les manières byzantines bien avant 1500, mais les fresques du
Florentin n’eurent pas d’écho à Venise en milieu quelque peu humide. La
peinture alors n’était pas un art aussi prestigieux que la mosaïque ou
l’architecture.« La Vierge d'humilité adorée par un prince de la
Maison d'Este » (1440) par le père, Jacopo Bellini, respecte la
hiérarchie des grandeurs et le donateur est plus petit que les divinités, mais
plutôt qu’un fond doré représentant la lumière céleste, sous un ciel bleu, un
paysage raffiné s’offre à nous.
Sa « Flagellation du Christ » se
préoccupe surtout de perspective.
Gentile Bellini, un des fils, était devenu peintre officiel
des doges, il a travaillé à Constantinople lorsque la paix fut signée avec
l’empire ottoman (1480).
Sa « Procession sur la place Saint-Marc » d’une longueur de
7 mètres,
nous renseigne sur la magnificence de la basilique, plus sobre aujourd’hui
après les travaux du XIX° siècle.Vittore
Carpaccio fréquentait l’atelier http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/05/les-confreries-venise-fabrice-conan.html.
« Le Miracle de la relique de la Croix au pont du
Rialto » dont la partie supérieure s’enlevait pour le passage des
bateaux à voile se déroule parmi la multitude.
« La Fuite en
Egypte » advient dans la lumière douce de la Vénétie sur fond de
verdure humaniste.
« La Crucifixion » aux personnages alignés a été réalisée par Giovanni Bellini,
le plus célèbre de la famille, à l’âge de 15 ans au début d’une carrière de 70
ans.
La comparaison avec Mantegna (M)
qui épousa la sœur Nicolosia Bellini va de soi,
« Le Christ au jardin des oliviers » du passionné
d’archéologie (M) connu pour ses raccourcis est plus minéral que celui de G.Bellini (GB)
qui privilégie l’atmosphère.Le « Christ bénissant » de ce
dernier, d’une grande humanité, est bien sur terre.
« La Pietà » derrière la margelle où se présentent
des demi-corps, dont le prix de la représentation était divisé par deux, est
expressive et tendre jusque dans les mains.
Le « Polyptique de Saint Vincent
Ferrier » est une œuvre considérable, Saint Christophe traverse le
siècle.
La figure centrale du « Retable de Pesaro » figure
un discret couronnement de la vierge parmi les hommes.
Une autre « Pietà » qui le
surmontait avec une belle relation entre les personnages réserve une place modeste
à Jésus.Le sommeil de l’enfant sur les genoux de la « Madone
des prés » présage le sacrifice à venir. Antonello de Messine après des démonstrations
de peinture à l’huile de lin, convertit l’atelier à cette nouvelle technologie
pour laquelle l’apport de Van Eyck avait été capital.
« Le Calvaire » (G.B) avec la mer au loin et ses personnages à
l’arrière plan est influencé par les Flamands.
« Le retable de San Cassiano » s’il ne comporte plus
que le panneau central, introduisait le décor d’une voûte à caissons devenu un
topos de la peinture vénitienne.
Pour la « Basilique de Santa Maria Gloriosa dei
Frari », San Benedetto grandeur nature impressionne par son regard
et le « Retable
de San Giobbe » est comme « une extension virtuelle de l'espace réel de
l'allée ». Si le maître s’est méfié de Léonard de Vinci, il a accueilli Dürer
sans réserve ;dans sa « Vierge au serin » le
christ tient une sucette vénitienne, du sucre contenu dans un tissu.
Le Titien terminera le dernier tableau de G.Bellini
«
Le festin des Dieux » (1514/1529) dans lequel Priape est empêché d’aller plus loin avec la
nymphe réveillée par les braiments d’un âne. Ce festin animé mesure le chemin parcouru depuis les
primitifs jusqu’à la lumière renaissante à l’image de l’atelier Bellini au cœur
de la Sérénissime, qui a permis à tant d’artistes notoires d’échanger, de
s’enrichir.
Giorgione son élève a réalisé «
La tempête » où le paysage prend toute la place, si bien que les
interprétations sont très variées
concernant le sujet de ce tableau, important repère dans l’histoire de l’art.
« Le Concert champêtre » attribué alternativement à Giorgione ou
au Titien,
nous fait penser au déjeuner sur l’herbe de Manet alors que la «
Jeune Femme à sa toilette » ultime tableau de l’octogénaire annonce
Ingres.
Mais je ne résiste pas à publier à nouveau le lumineux portrait du « Doge Leonardo Loredan » qui sait
la nuit à venir.
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