Le charmant Eros, dernière image de l’exposé précédent
consacré aux amours des dieux par le même conférencier devant les amis du musée
de Grenoble, ouvrait cette deuxième séance dédiée aux monstres. C’est que les
passages de l’ombre à la lumière dans la mythologie classique sont réversibles,
les péripéties nombreuses, les destins surprenants, les passions tellement
humaines.
« Psyché recevant le premier baiser de l’amour » de François Gérard
représente l’âme humaine qui ne peut voir le divin : cette histoire
d’amour courant depuis si longtemps dans le bassin méditerranéen, recueillie par
l'écrivain latin Apulée, résonne avec le monde chrétien.
Les aventures de la belle, si belle qu’elle offense Aphrodite,
sont développées par Natoire en huit tableaux au plafond de l’hôtel
de Soubise dans un environnement rococo rare par chez nous.
Luca Giordano dit « fa presto » a
peint « Psyché honorée par le peuple ». Sa
beauté trop parfaite fait pourtant peur à d’éventuels prétendants, mais Eros
chargé de venger sa mère jalouse va tomber amoureux d’elle. Elle doit être
abandonnée au sommet d'une colline pour attendre un monstre, c’est l’oracle qui
l’a dit.
Zéphir réalise alors « L’enlèvement de Psyché » que traduit Pierre-Paul Prud'hon. Le vent doux
l’emporte plutôt près d’un palais où elle est servie sans voir les personnages.
Elle s'endort ensuite dans une chambre fastueuse où vient la rejoindre un
mystérieux amant qu’elle ne doit pas voir non plus. Ses deux sœurs sont
jalouses de tant de bonheur.
Le tableau pourtant coupé de Fragonard « Psyché montrant à ses sœurs les présents de Cupidon (l’Eros romain) » laisse deviner l’éclat des cadeaux du visiteur nocturne.
« Ce doit être un être hideux ! » ont suggéré
les aînées ; pour le vérifier, l’imprudente allume une lampe à huile et
découvre que le monstre redouté est l’amour en personne qui s’enfuit dès qu’il
est vu. Ce moment dramatique est saisi par Giuseppe Maria Crespi.
Pour
le reconquérir, elle surmontera les épreuves imposées par sa future belle mère,
mais tombera dans un sommeil éternel comme le comprend John
William Waterhouse quand elle ouvre la boite où
elle a recueilli une parcelle de la beauté de Perséphone la reine des enfers. Ainsi que « La Belle au bois dormant »
elle sera ranimée d’un baiser et tout se terminera par un mariage comme dans
les contes qui nous reviennent alors : Blanche Neige et la méchante reine,
la Belle et la bête, Barbe bleue …
« Psyché » et le mot « papillon »
signifient « âme » et « souffle » en grec ancien.
Le passage de la terre au paradis est au cœur des
mystères des religions fussent-elles devenues monothéistes.
La mort, l’amour, les récits et les mots :
ainsi « médusée » fut la gorgone Méduse représentée en mosaïque à
Sousse, pétrifiée par son propre regard reflété dans le
bouclier de Persée. En cours de route, pour libérer Andromède destinée aussi à
un monstre, Persée avait fait tomber la tête de Méduse dont le sang va
transformer des algues en corail.
Charles-Antoine
Coypel montre les Néréides qui enchaînèrent la belle, dans « Persée délivrant Andromède » avec le héros portant le
casque, les sandales ailées d’Hermès et l’épée d’Ephaïstos, près de la promise,
le serpent marin et Cassiopée la mère implorante mais coupable d’avoir trop
vanté la beauté de sa fille.Hermès avait déposé le mal aimé Héraclès dans le lit d’Héra, afin qu’il la tête pour gagner la vie éternelle. Mais réveillée en sursaut, elle repousse l’enfant et son lait qui gicle donne naissance à la voie lactée. « L'Origine de la Voie lactée » Le Tintoret.
Héra qui poursuit Héraclès de sa haine va le rendre fou
puisqu’elle l’amènera à tuer sa femme et ses enfants. Pour assouvir sa douleur,
il devra, comme lui a conseillé la Pythie, se mettre au service d’Eurysthée son
plus vieil ennemi qui lui ordonne dix travaux impossibles à effectuer. Leur
nombre ira jusqu’à douze car il s’est fait rémunérer pour nettoyer les écuries
d’Augias et aider par Iolaos pour tuer, avec des flèches trempées dans son
propre sang , « l’Hydre de l’Herne », à l’haleine pestilentielle dont les têtes repoussaient sans cesse.
« Hercule étouffant le lion de Némée » par Rubens
est notoire, la dépouille du fauve ne le quittera plus comme sa massue.
Lorsque Le Moyne saisit
« Hercule et Omphale », l’énamouré
tient quenouille et fuseau en main, elle, la peau de la bête.
A Versailles le plafond d’un salon est consacré uniquement à « l’Apothéose
d’Hercule » qui regroupe 142 personnages, c’est le sommet de la
carrière de Le
Moyne qui se suicide peu après l’inauguration triomphale.
Si tu n'as pas lu "Les Métamorphoses", Guy, un plaisir immense t'attend. Il y a une édition relativement récente chez Actes Sud qui m'a été recommandée..
RépondreSupprimerEt merci pour ton rappel de la richesse de notre passé artistique et littéraire.