dimanche 13 septembre 2015

Comme vider la mer avec une cuiller. Yannick Jaulin.

Le conteur de Pougne-Hérisson (Vendée) joue avec les accents sous un titre qui vient de Nietzsche :
« Comment avons-nous pu vider la mer?
 Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon tout entier? »
 Si Yannick Jaulin enchaine les citations d’emblée dans une salle encore éclairée, il reste lui-même.
Il n’a pas prononcé la phrase : « Au commencement était le verbe » mais celle-ci a résonné pour moi tout au long du spectacle. C’est la moindre des choses pour un diseur qui pose rien moins que la question du sens de nos vies, avec la phrase complète qui annonce
« le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Et ce besoin de croire.
Ce sera du lourd, traité avec un humour qui ne masque pas la profondeur.
D’une ambition folle et d’une proximité émouvante, il rebrasse les grands récits collectifs des trois religions du livre, nous donne des aperçus de son érudition et de sa fantaisie ; son histoire personnelle très présente rencontrant l’universel.
Il évoque aussi des contes et légendes contenus dans l’Histoire, transmis dans l’école de jadis, développe une réflexion foisonnante à partir  de « L’annonciation » de Fra Angelico qui est bien plus qu’une version amusante d’une PMA (procréation médicalement assistée), elle annonce la Renaissance.
Il reprend, parmi tant d’autres, cette fable attribuée à Péguy, dont je ne sais plus où je l’avais entendue et qui dit tant de choses sur la conscience professionnelle, notre place dans la société, du sens de nos vies.
«Il s’agit de trois casseurs des cailloux : 
 Au premier :
- Que faites-vous, Monsieur ?
- Vous voyez bien, lui répond l’homme, je casse des pierres. J’ai mal au dos, j’ai soif, j’ai faim. Mais je n’ai trouvé que ce travail pénible et stupide.
Au second :
- Que faites-vous, Monsieur ?
- Je suis casseur de pierre. C’est un travail dur, vous savez, mais il me permet de nourrir ma femme et mes enfants. Et puis allons bon, je suis au grand air, il y a sans doute des situations pire que la mienne.
Au troisième :
- Que faites-vous ? 
- Moi, répond l’homme, je bâtis une cathédrale ! »
Tout est là.
Une comparse joue du violon, lui s’exprime en nous tournant le dos parfois, carrément dans le noir ou  bien apparaissant dans une belle lumière, il nous parle personnellement et nous fait rire, chante du Bob Marley.
Je reviendrai au théâtre pour des rencontres comme celle de ce soir là.

1 commentaire:

  1. Merci. Je regrette d'avoir loupé cette soirée qui devait être remarquable.

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