Cette fois Alain Bonnet aux amis du musée nous a présenté le
néo classique Ingres en face du romantique Delacroix au XIX° siècle.
Quand Delacroix pénétrait dans la même pièce que l’auteur du
portrait de monsieur Bertin, celui-ci disait sentir d’emblée des effluves de
soufre.
La rigueur contrarie la séduction, l’institution académique affronte
l’indépendance, le moderne défie l’antique, l’éclat des couleurs réplique à la
sculpture, la sobriété et la fougue sont antithétiques, comme le calme et
l’élan, la force et l’expression, la tradition et la modernité, l’esprit et la
chair, Platon et Epicure, les Romains et les Flamands.
Dans une caricature du « Diable à Paris », Delacroix
est muni d’une très large brosse alors qu’Ingres brandit sa pancarte : « Il n’y a que le gris et M. Ingres est
son prophète. »
Mais l’opposition du réalisme et de l’idéalisme, de l’ordre vis-à-vis
de la liberté, se complique parfois.
Parmi les critiques qui animèrent les débats, Adolphe
Thiers, le bourreau de la Commune
est du côté de celui qui peignit « La liberté guidant le peuple » :
« Aucun tableau
ne révèle mieux à mon avis l’avenir d’un grand peintre, que celui de M.
Delacroix, représentant le Dante et Virgile aux enfers. C’est là surtout qu’on
peut remarquer ce jet de talent, cet élan de la supériorité naissante qui ranime
les espérances un peu découragées par le mérite trop modéré de tout le
reste. »
En pleine Restauration catholique, le tableau représentant « Le vœu de Louis XIII », par Ingres,
le successeur de David, célébrant l’alliance du trône et de l’autel, sera mis
en place avec toute la pompe nécessaire dans la cathédrale de Montauban.
L’évènement historique a des intentions mythiques, la célébration est lyrique.
Par contre la toile, manifeste du romantisme, « Les massacres de Scio ; familles grecques attendant la mort ou
l'esclavage » appelle l’émotion en mettant en scène un
évènement contemporain : de nombreux grecs viennent d’être massacrés par
les ottomans. Les victimes souffrantes sont au premier plan, la guerre n’est
pas glorieuse.
Nous sommes aux alentours du salon de 1824 où des cimaises jusqu’aux
cintres, les peintres essayaient d’acquérir sinon renforcer leur notoriété ne
dépassant pas parfois le seuil des boutiques de matériel de peinture plus
nombreuses alors que les galeries.
Aujourd’hui dans le journal Libération à propos du photographe
Cartier-Bresson, le commissaire de l’exposition explique:
« Il y a, dans
l’histoire de la peinture, une fameuse opposition entre la couleur et la ligne,
qui, au XIXe siècle, s’incarne dans le débat entre Ingres et
Delacroix. Cartier-Bresson était définitivement du côté de Delacroix, il
préférait composer ses images en s’appuyant sur des lignes de force, plutôt que
sur des masses colorées. S’il a pratiqué la couleur, c’est seulement parce que
l’économie de la presse illustrée, à partir des années 50, l’exigeait.
Dans les années 70, lorsqu’il arrête de travailler pour les magazines, il
commence à exprimer son aversion pour la couleur. Elle symbolise alors pour lui
une pratique contrainte, alors qu’au même moment, pour toute une génération de
jeunes photographes, elle offre au contraire de nouvelles perspectives
créatives. »
Il aurait dû dire du côté d’Ingres et non de Delacroix.
Il y de quoi en perdre son latin, hein ?
RépondreSupprimerTous ces couples d'opposition.
A croire qu'on raffole de l'opposition, hein ?
Pourquoi ne pourrait-on imaginer pour une fois avoir le beurre ET l'argent du beurre ?
A force de voir le monde comme un pugilat, on introduit du pugilat partout.
Perso, je serais la première à admettre mon énorme agressivité.
Mais de là à voir le pugilat partout, il y a un monde...
J'adore Delacroix ET Ingres. Un tableau de Madame Moitessier devant lequel je restais en adoration pendant des heures, tellement la sensualité de l'art d'Ingrès me séduisait.
Mais ça ne m'empêche pas d'aimer Delacroix AUSSI, et sa... sensualité.
Pas "La liberté guidant le peuple", tout de même... Plutôt des tableaux aux thèmes orientales.