J’ai modifié le titre initial de l’exposé de Damien
Capelazzi aux amis du musée qui devait initialement nous entretenir des saints
baroques en leur chaire jusqu’à nos chers chaudrons stéphanois et puis les pardalides
des prêtres égyptiens ont tendu leurs draps, alors l’antique était aussi au
programme de la soirée.
Les taches des peaux de léopard des costumes sacerdotaux représentent
les étoiles.
Par ailleurs, venus des bords de la
civilisation, les satyres dansent, bondissent, nous prennent par la main pour
qu’on rejoigne leur sarabande.
Les fêtes autour de celui qui
sortait de la cuisse de Jupiter, Dionysos, le dieu deux fois né, sont de bonnes occasions pour montrer de beaux
corps qui se meuvent avec élégance et énergie.
Jusqu’à présent je ne connaissais qu’un seul roi :
Pelé, le meilleur joueur de tous les temps, de son vrai nom Edson Arentès Do
Nascimento, le doux brésilien au drible chaloupé, à la frappe fulgurante.
Il y eut un autre roi, Pélée, un mortel qui épousa la déesse
Thétis. Achille au tendon vulnérable fut le seul de ses enfants à survivre. Des
traces guillerettes de ces amours olympiques subsistent sur des vases, et des
statues se déhanchent avec grâce dans les plis expressifs des chitons. Si la
belle déesse avait dans un premier temps refusé d’apporter son éternité à
l’humanité, ses représentations, où elle chevauche un hippocampe spiralé ou
entourée d’autres néréides, témoignent d’une vitalité qui ne s’est pas éteinte.
Les déhanchements (contrapposto), la fluidité des corps qui se retournent, annoncent
la venue de la Vénus de Botticelli
sortie vivante des fonds marins où les attributs virils d’Ouranos avaient été
jetés après amputation.
Avec toutes ces formes retravaillées par les artistes, tant
de beauté issue du chaos, au détour d’une remarque, comme en blaguant, le
conférencier nous donne envie d’aller chercher Baudelaire qui nous
prend dans Les phares:
« Ces
malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes;
C'est pour les cœurs mortels un divin opium !
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes;
C'est pour les cœurs mortels un divin opium !
C'est
un cri répété par mille sentinelles;
Un ordre renvoyé par mille porte-voix;
C'est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grand bois !
Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité ! »
Un ordre renvoyé par mille porte-voix;
C'est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grand bois !
Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité ! »
Tous ces enlèvements : Europe,
Ganymède, Déjanire, Proserpine, Sabines!
Les hommes enlèvent les femmes, le
corps rencontre l’esprit.
Rubens offre la chair et parle à
l’esprit, il donne la vie à des poses classiques, les visages s’extasient. L’extase
serait ce lien énigmatique entre douleur et plaisir.
Je n’ai pas tout saisi de la
différence entre commentaire sur les images et discours sur l’art, mais j’ai
apprécié : « son art caché
derrière l’épiderme du tableau ».
Le mécréant Canard Enchaîné mit le
terme épectase sur la place publique lorsque le cardinal Daniélou
qui avait travaillé le sujet, mourut dans le lit d’une prostituée :
il n’a pas été proposé sur la liste des
bienheureux, pourtant…
Le Bernin était incontournable dans
cette affaire où consentement et refus sont proches avec Proserpine raptée par
Pluton. Jamais le marbre ne fut plus chaud : les plis de la peau se
forment sous la pression ferme et légère du dieu de l’enfer. Sa Sainte Thérèse
écrivait : « La douleur était si grande qu'elle me
faisait gémir; et pourtant la douceur de cette douleur excessive était telle,
qu'il m'était impossible de vouloir en être débarrassée. » Il l’a
sculptée divinement.
Les baroques ont pris la beauté à bras le corps et au XXI°
siècle, il se trouverait bien quelque égaré pour avoir à redire à tant
d’exaltation de la création. Quand Lio
dans les bras d’un nuage tord son pied, le Corrège enflamme une église dans
sa douce lumière. Avec l’esclave de Michel Ange sur le tombeau de Jules II et
pour tous les Saint Sébastien qu’en est-il de la souffrance et du plaisir ?
Matisse et Carpeaux ferment la danse.
Depuis ce XVII° décomplexé, nous avons compris le langage du
marbre d’où les corps accèdent à la résurrection mais nous mesurons nos
difficultés d’aujourd’hui avec le vivant.
Roger Milla, lion indomptable, esquisse quelques pas devant
le poteau de corner, il vient de marquer, je jaillis du fauteuil.
Danser... se déhancher, se laisser prendre par le rythme de la musique... se laisser séduire...toucher le corps de l'autre (sexe...)
RépondreSupprimerTu me rends nostalgique, là, Guy...
Je ne m'incline pas devant les dieux du stade. Leur.. "musique" ? leur rythme ne sont pas les miens.