jeudi 21 février 2013

Edgar Degas et le nu : des coulisses à la chair.


Degas a été « complice de sa formation » selon les mots choisis par Damien Capelazzi aux amis du musée, pas comme Manet son ami, qui invité à copier les maîtres, a peint les quais de la Seine depuis une fenêtre du Louvre. 
L’impressionniste précieux n’a pas chanté la nature, il a quitté  les sphères académiques pour saisir « les instants fragiles», à l’intérieur. Son regard nous transperce comme « une icône au temps d’un monde groupé ».
Il fut influencé par Ingres qui demandait de « faire des lignes, beaucoup de lignes » dans un univers où le marbre se donnait pour de la chair, pourtant sa « Grande baigneuse »  dite de Valpinçon est d’une sensualité qui choqua.
Valpinçon était l’ami du père De Gas banquier et collectionneur comme son fils.
La mère était créole de la Nouvelle Orléans.
Edgar va s’enrichir de la pensée graphique de Raphaël, des chorégraphies du corps de Poussin.
Il va devenir un des virtuoses de l’instant.
« Peinture audacieuse et singulière s'attaquant à l'impondérable, au souffle qui soulève les maillots, au vent qui monte et feuillette les tulles superposés des jupes » Huysmans.
Le travail des couleurs ne se prémédite pas, le roi du pastel les fait s’ « iriser au bord de l’opalescence », ici et maintenant. Le siècle a pris des couleurs depuis Delacroix.
Il voyage, en revenant d’Italie, gonflé d’histoire, comme Gustave Moreau dont il dit qu’ « il veut que les dieux portent des chaines de montre », il va réveiller le genre de la peinture d’histoire.
Les « Petites filles spartiates provoquant des garçons »ne sont pas soumises et  leur tenue m’a fait envisager la sobriété spartiate sous un autre jour.
Dans « Scène de guerre au Moyen Age » les femmes subissent la violence des hommes.
Une femme est repliée sur elle même dans la scène qui s’intitulait «L’intérieur » dont les murs,  la lumière, l’homme sombre aux jambes écartées, son chapeau posé sur le lit, la boite des dentelles ouverte, disent tellement la violence que cette œuvre est désormais dénommée « Le viol ».
Degas a été du camp antisémite lors de l’affaire Dreyfus, mais bien que conservateur, il va porter un regard critique sur sa classe sociale. Deux mâles « scopophiles » avachis sur leur chaise apparaissent dans toute leur vulgarité au bord de la scène où des jeunesses palissent sous les lumières.
Il va dans les fosses d’orchestre, dans les loges, multiplie les points de vue différents.
Il voit les filles dans les coulisses,  au moment où elles attendent, répètent, s’étirent. Leurs corps se tordent, fatiguent ; la mélancolie se pose devant une absinthe.
Dans "L'orchestre de l'Opéra" les plans se superposent, les musiciens sombres au premier plan contrastent avec une ribambelle de jambes qui s’agitent sous les feux de la rampe à l’arrière.
Sa sculpture  de « La grande danseuse » est très réaliste avec son tutu de tulle,  son visage attira des critiques très violentes :" où tous les vices impriment leurs détestables promesses ».
Ses lingères, ses repasseuses sont saisies instantanément comme la chanteuse  dont le corps est au paroxysme, l’une crie, l’autre appuie sur son fer dans une tension des corps très graphique.
Saisies au moment du bain, les femmes nues se lavent, se sèchent, les couleurs peuvent s’aviver à l’occasion de « La coiffure ».
Classique et innovant, il  a fait se côtoyer la beauté et la mort ; contradiction ou réconciliation ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire