mercredi 14 janvier 2009
Orthographe. Faire classe # 17
C’est le saint suaire qui fait pleurer les amoureux de la langue.
Hénorme apparaît encore plus énorme, en effet.
Est-ce que le soumis au SMS et les désinvoltes peuvent percevoir les subtilités ?
Pour aller vers les nuances, c’est une affaire de chaque instant sans drame avec rendez-vous hebdomadaire :
- Pour l’orthographe d’usage, travail au long cours : une feuille de classeur couleur intitulée « mes mots » recueille les erreurs relevées dans les textes, dans les copies. Oh ! Pas une liste interminable : le faible comptabilisera 80 expressions incontournables à la fin de l’année avec lesquels il se sera entraîné pour pouvoir écrire : « monsieur », « est-ce que », « aujourd’hui », correctement, pour constituer un socle personnalisé.
Je vérifiais si ceux-ci étaient correctement recopiés avec le déterminant pour les noms, le sujet pour les verbes afin d’éviter toute confusion quand le voisin, lors d’une dictée mutuelle, l’interrogera sur les mots de son répertoire.
S’il a droit au feu vert, il rayera l'importun de la liste ; s’il est rouge : il devra y revenir.
- Pour les difficultés ciblées, leçon frontale :
Par exemple éclairage sur les mots en - té et en - tié : «’ berté, ‘galité, pitié » :
Quelques spécimens agrémentés de dessins si possible humoristiques sont présentés ; petit théâtre ; règle (exceptions) ; application ; vérification. Désormais un nouveau panneau pense-bête sera installé. Ardoise, livret, cahier, soutien.
- Les résumés du livre aideront à la révision pour le contrôle trimestriel.
- Les autodictées proviennent d’une série d’une quinzaine de textes courts, simples, retraçant une situation insolite, genre blague de papillotes.
Au tableau d’affichage style stade vélodrome, le C.M. 2 rencontre le rival « autodictée ».
Nous nous proclamions champions quand nous infligions 22 à 0 à cette reine de l’embrouille (22 élèves sur 26 avaient réussi un « sans - faute »)
Wouai ! Le coach avait entraîné son équipe avec l’ancestrale méthode de la reconstitution de texte propice à solliciter la mémoire, pour observer l’orthographe et l’appliquer en s’imprégnant des structures de phrases. Les vertus de cette technique valent aussi pour installer des habitudes d’écriture qui soient un peu réfléchies.
Lecture du texte au tableau. Repérage des difficultés. Vocabulaire. Les phrases apparaissent, disparaissent. Restent à la vue des élèves, la trace de la ponctuation, les contours des groupes grammaticaux,des petits rappels mnémotechniques avec des dessins. Répétitions. Vérifications, tableau ouvert. Travail sur la syntaxe. La mémorisation par effacement prouve aussi son efficacité.
- Les dictées à l’ancienne sont réservées au mois de juin. On saute une ligne, un élève derrière le tableau : on le corrige, on se corrige( ½ point pour les fautes d’usage, 1 pour les grammaticales). Nous aurions pu les écrire à la plume comme nous l’avions expérimenté avec des encres de couleurs en expression artistique, et il y aurait eu du plaisir. C’était aux moments chauds, où dit-on les C.M. 2 sont démotivés. Eh bien la torture scolastique leur semblait douce, en général, entre les illustrations et la frappe sur ordinateur de leurs romans, avant un tour à la piscine. Efficace, ce moment d'apprentissage ne mérite pas l’honneur d’un débat sociétal. Cette survivance a de l’impact pour ceux qui ont une occasion qui leur conviendra peut être pour apprendre à s’interroger sur les difficultés, comme l’élève qui y était convié se questionnait à haute voix pendant que tous écrivaient, s’appliquaient.
« … je recopiai ma trop belle lettre, en supprimant la phrase spirituelle qui se moquait de son tendre mensonge. Je supprimai aussi au passage les « s » paternels ; j’ajoutai quelques fautes d’orthographe, que je choisis parmi les siennes : les orthollans, les perdrots… » M. Pagnol
Je ne me sens pas visé quand la dictée doit être réhabilitée dans les amphis pour minimiser les carences des étudiants. La distinction entre un infinitif et un participe est accessible à la plupart des enfants : mordre/mordu pour remplacer un verbe du premier groupe, cette mécanique s’élucidera petit à petit.
Je joins en contrepoint, un extrait d’un texte de Paul Le Bohec (83 ans) militant Freinet qui replace l’obsession orthographique dans sa dimension politique et historique. Je ne suis pas persuadé que les enjeux d’aujourd’hui soient du même ordre, j’ai essayé d’être léger sur le sujet, voici plus dramatique, mais nourrissant :
« Dès 12 ans, pour les Bourses Nationales et le CEP, on exigeait moins de cinq fautes dans la dictée, sinon c'était l'élimination. Que de souffrances pour les enfants et les familles, que d'angoisses pour les maîtres, que de drames, que d'humiliations, que de coups même, et en nombre ! Ainsi, parce qu'au jour fixé, des dizaines de millions de personnes n'avaient pas eu la possibilité ou la chance de franchir l'obstacle, elles s'étaient trouvées déconsidérées aux yeux de tous et à leurs propres yeux pour le restant de leur vie. Quel crime, cette obligation prématurée de la maîtrise de l'orthographe !
Mais pour la classe bourgeoise, c'était bien joué. Comme dans cette matière, on n'était jamais assuré de réussir, il fallait y consacrer beaucoup de temps. Et cela empêchait de faire autre chose. À l'approche de l'examen, les maîtres organisaient gratuitement des études le matin et le soir. Et si on entrait à l'École Normale d'Instituteurs, ce n'était pas pour des raisons de justesse des idées, d'excellence de la pensée, mais à la suite de la réussite à l'épreuve de la dictée qui avait un fort coefficient. »
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