jeudi 6 février 2025

Le Havre # 1

Subjugués comme des gosses par le super écran, nous rangeons et déjeunons devant Télématin. Nous décollons quand même à 9h direction LE HAVRE. Nous traversons une partie d’Alençon hors centre-ville, plus étendu qu’envisagé et qui révèle des activités professionnelles et commerciales peu apparentes dans le centre : entre dimanche et magasins  inoccupés, Alençon ressemblait hier à une ville endormie. 

https://blog-de-guy.blogspot.com/2025/01/alencon.html

Nous choisissons d’éviter les autoroutes pour les 200 km à parcourir. Pour la pause-café, nous faisons halte à Gacé choisi au hasard, assez surpris cependant par l’annonce d’un musée dédié à la dame aux camélias, loin d’être anecdotique parait-il. Il se situe tout comme la mairie dans un château médiéval classé monument historique très bien restauré. Mais il aurait fallu réserver une semaine à l’avance pour pouvoir le visiter.

Donc sans regret, nous repartons, par l’autoroute cette fois, en passant par le pont de Tancarville.
Nous atteignons le Havre vers midi et garons la voiture au parking couvert de l’Hôtel de ville. Il nous faut bien 20 minutes de marche pour rejoindre l’Office du tourisme, près de la plage, ouvert jusqu’à 13h.
Nous tentons de récolter quelques dépliants, peu, cependant la jeune employée nous materne pour arriver à retenir une visite guidée par téléphone et nous évite de courir à un autre bureau près de la mairie. Nous réservons seuls cette fois-ci un bateau pour une découverte instructive du port prévue mercredi à 11h.

Avant de partir à l’assaut de la ville, et avant la fin du service, nous trouvons une brasserie proche où nous commandons des moules marinières, une aile de raie à la crème, avec un verre de muscadet.

Il nous suffit de traverser la rue pour longer la plage ; des petits restaus pullulent d’un côté de la promenade, de l’autre des caillebottes blanches s’alignent, peu investies pour l’instant malgré le beau temps.

Curieusement leurs portes ne s’ouvrent pas face à la mer, pas plus face à la terre mais tournées toutes dans le même sens latéralement.

Nous quittons la plage, traversons la route.  20 minutes de grimpette nous hissent vers les jardins suspendus implantés dans un ancien fort militaire désaffecté du XIX°. 

Au centre sur ce qui avait dû être la place d’armes, s’étendent  des rectangles de verdure  et un mât sans drapeau.
Sur leurs bords, 2 serres compriment des plantes tropicales ou cactées qui s’écrasent contre les vitres.
Nous n’irons pas jusqu’ à la roseraie, les quelques fleurs entrevues parmi lesquelles « souvenir du Havre » ne se présentent plus sous leur meilleurs jours (« cueillez cueillez votre jeunesse...)
Nous sillonnons vite fait les jardins d’Amérique, d’Asie
et des "Robinsons" composées d’espèces ne dévoilant plus rien d’exotique aujourd’hui.
Par contre nous cherchons sérieusement les deux points de vue plongeant sur la ville  son port et sa plage.
Une table d’orientation précise et nomme les bâtiments au cas où nous aurions des doutes. Comment ne pas voir un énorme paquebot de croisière amarré, rendant  négligeable la taille de l’église et de l’hôtel de ville ?

Sous le ciel bleu sans nuage, nous redescendons pour terminer notre approche de la ville par une œuvre emblématique : l’église Saint Joseph d’Auguste Perret.

Toute en béton comme celle de Royan, éclairée pareillement  par des vitraux très colorés, son architecture intérieure s’éloigne des critères habituels. L’autel siège au centre entouré par des fauteuils utilisés autrefois dans les théâtres ou des cinémas.
En lieu et place d’un dôme, Auguste Perret érige une tour de 105 m tel un phare dans la ville, percée de vitraux. Outre l’utilisation de béton et des vitraux, ce qui rapproche les deux églises « modernes »  Notre Dame de Royan et Saint Joseph touche aussi à leur histoire commune de destruction par les bombardements des alliés pendant la seconde guerre mondiale et le besoin de reconstruction rapide.

Nous allons  récupérer Gédéon (la voiture) au  parking souterrain qui nous réserve une bonne surprise: nous ne débourserons que 3€ 90 pour  4 heures …. Loin des prix pratiqués dans nombre de villes ! Nous gagnons notre nouveau gîte sur les hauteurs du Havre. Une fois arrivés, notre logeuse en vacances nous ouvre avec son téléphone le portail du garage mal placé dans un virage, du coup nous obstruons un peu la circulation le temps de la manœuvre. L’opération sera plus simple lorsque nous aurons pris possession d’un bip et des clés. Le AirB& B baptisé le « chalet »,  se situe au fond de la cour  après le garage/hangar encombré de 3 grosses voitures. Des voisins hollandais occupent un autre logement donnant aussi sur la cour, ils arrivent de leur promenade en même temps que nous, nous taillons une petite bavette en anglais.

Nous partons aux commissions à Intermarché avant de cocooner: salades, gâteaux bretons et concombre composeront notre repas du soir, à manger sur la petite terrasse en bois, alors que le soleil joue à cache-cache derrière les maisons. L’environnement sonore change, aux chants des tourterelles a succédé le cri des mouettes.

Et  comme les soirs précédents, nous regardons les JO : au programme, athlétisme et foot France/Egypte (demi-finale).

mercredi 5 février 2025

Phèdre. Jean Racine Matthieu Cruciani.

J’accorde souvent une importance déterminante aux en-têtes de films, de livres, et ce soir une
première image de flèches et d’une cible, laissant pressentir drames et fulgurances, m’a mis dans de bonnes dispositions.  
« Le dessein en est pris, je pars, cher Théramène,
Et quitte le séjour de l'aimable Trézène. » 
Après une phase d’adaptation à la métrique alexandrine et malgré quelques références oubliées, l’excellente actrice Hélène Vivès dans le rôle titre nous acclimate aux passions démesurées auxquelles les dieux ajoutent leur grain de sel.
 « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler,
Je sentis tout mon corps et transir brûler.
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D'un sang qu'elle poursuit, tourments inévitables. » 
Dans le cadre de mes repentances de potache plutôt amateur de San Antonio, j’ai apprécié cette pièce de 1677 pour laquelle le metteur en scène a évité tout « dépoussiérage » genre semelles compensées et panonceau contre la réforme des retraites : sobriété, clarté, respect. La puissance du récit se suffit à elle même lors de la mort d’Hippolyte : 
« J'ai vu, Seigneur, j'ai vu votre malheureux fils
Traîné par les chevaux que sa main a nourris.
Il veut les rappeler, et sa voix les effraie.
Ils courent. Tout son corps n'est bientôt qu'une plaie.
De nos cris douloureux la plaine retentit. »
Bien sûr des commentateurs.es après #MeToo ne voient les femmes qu’en victimes, alors que l’incestueuse Phèdre se montre toxique et que les jugements de Thésée ont quand même été manipulés par la gent féminine qui avait déjà quelque pouvoir #HeToo.  

mardi 4 février 2025

Les amants d’Hérouville. Yann Le Quellec. Romain Ronzeau.

Mausolée de plus de 200 pages en hommage au château du Val d’Oise qui servit de lieu d’enregistrement pour Eddy Mitchell, Johnny , Nougaro, Higelin…
« Bien sûr que j'avais raison ! Les Grateful Dead, Polnareff, Bill Wyman des Stones, Pink Floyd, Magma, Gong, qui peut faire mieux ? » 
C'est l'histoire du destin de Michel Magne le propriétaire, cancre irréductible qui composa plus de 70 musiques de films dans les années 60/70, se maria avec la toute jeune baby-sitter de ses enfants, organisa des fêtes somptueuses ; ruiné, il se suicida. 
Il avait surmonté  la destruction de ses bandes originales de musique concrète et de variété.
Des photographies s’insèrent dans le récit dessiné abondamment documenté pour mieux attester que ces rêves furent réalité, comme lors d’un concert gratuit de Grateful Dead au château où : 
« Le temps d'une nuit, les paysans, les groupies, les pompiers, les dames du monde, tous unis dans un grand moment de communion. Du luxe démocratique, du ciel bon marché, un véritable paradis ! »

lundi 3 février 2025

Château Rouge. Hélène Milano.

Un aperçu d'une heure trois quart de la vie du collège Clémenceau pour un tournage qui a pris un an, dans le quartier de la Goutte d’or à Paris desservi par le métro « Château rouge ». 
Encore un film à propos de l’école pour une constance des mêmes constats depuis des décennies. Certains accuseront bien entendu le système, alors que sont mis en évidence la compétence, le dévouement des personnels, et la pertinence du regard de certains adolescents. 
Mais l’accablement peut gagner le retraité de l’éducation nationale même guetté par le gagâtisme qui fait trouver beaux ces jeunes quand pourtant leur intelligence ne les amène pas à surmonter leurs pulsions, ni leur surdité. Ils tentent d’embrouiller les adultes pourtant bienveillants, positifs, évitant toute démagogie, réassurant certains élèves.
Bien monté, ce documentaire consacré au problème crucial de l’orientation invoque le mot « rêve », sans que la conscience de la responsabilité personnelle ne paraisse évidente à chacun. 
La violence entre jeunes et contre eux-mêmes affleure, elle pourrait fournir le sujet d’autres recueils de témoignages, sans doute plus périlleux à montrer.

samedi 1 février 2025

Prends soin de moi. Jean-Paul Dubois.

Je n’éviterai pas la formule « humour politesse du désespoir » tant l’écriture donne l’illusion d’une grande lucidité alors que le narrateur est le jouet de deux femmes.   
Il vit à côté de l’une en mal de maternité et accourt quand une autre, s’amusant avec les mâles, l’appelle.
Avec San Francisco en toile de fond, Paul Osterman se réfugie dans l’observation des phoques et des écureuils, fils mal remis de son enfance, ne voulant pas de fils. 
« Au fil des réimpressions, les relevés de ma banque et la façon dont j'y étais traité m'ont convaincu que je pouvais prendre mes distances avec le monde des actifs pour me consacrer à d'autres occupations autrement gratifiantes telles que la névrose, la dépression, la dépréciation de moi-même et la migraine ophtalmique ».
Les personnages pittoresques rendent agréable la lecture des 210 pages mais ne contredisent pas une atmosphère mélancolique où complaisamment, avec élégance, le narrateur étale ses faiblesses. 
« Julia de Quincey concevait la sexualité comme un dérivé de la gymnastique corrective ».
Rebecca à la riche imagination convoque Karl Lewis pour des jeux érotiques où la conclusion doit survenir en dessous des dix secondes, alors qu’une autre fois, un pistolet chargé interdit toute précipitation.
« L’absence est à l’amour ce qu’est le feu au vent. Il éteint le petit et attise le grand. » 
La formule du libertin Bussy-Rabutin est mise au crédit d’un pasteur partant en tournée apostolique.
Il fait bon retrouver cet auteur habile dans une dérision n’abolissant pas la profondeur.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2024/06/lorigine-des-larmes-jean-paul-dubois.html
« Ce soir-là, nous dînions chez ses amis. C'étaient des gens généreux, sympathiques mais catholiques. Si j'émets cette dernière réserve c'est qu'ils proclamaient leur foi comme on affiche des ristournes ».

vendredi 31 janvier 2025

Schnock. N° 46.

« J’ai connu une époque où les gens pleuraient, maintenant ils pleurnichent,
J’ai connu une époque où on riait, maintenant on ricane. »  
Claude Lelouch
Oui, le trimestriel ne cesse de convoquer la nostalgie, c’est sa raison d’être, quand il évoque  des publicités de l’année 83 rappellant le goût de l’aventure avec Wrangler, au son des claviers Bontempi.
Ce numéro consacré à l’inusable présentateur Michel Drucker, le gendre préféré de nos arrières-grands-mères, camarade de Ferrat et de Johnny, admirateur de Pelé, mari de Dany Saval, ne pouvait se passer de son avis sur quelques « schnocks » qu’il a bien connu : 
Salvador, Aznavour, Mitchell… avec une rubrique spéciale « punk à chien » où la laisse est lâchée à propos de Jacques Martin, Guillaume Durand, Dick Rivers ou Cauet…
Parmi les tops 10 des moments forts de sa carrière télé en dehors de l’inévitable rencontre entre Gainsbourg et Whitney Houston, les interventions des Nuls ou de Desproges à Champs Elysées lui valurent quelques mots de sa mère sur son répondeur : 
« Je ne te le pardonnerai jamais. Inutile de me rappeler. »
Elle avait eu d’autres occasions de s’offusquer lorsque sœur Emmanuelle ne saisissait pas l’humour de Geluck parce qu'il lui avait lancé : 
« Vous avez dit un jour : moi les pauvres j’en ai rien à foutre, 
ce qui m’intéresse dans la vie c’est l’alcool et les voitures de luxe. » 
Contrastant avec l’immense célébrité de l’hypocondriaque notoire apparu à l’écran pour la première fois en 1964, les autres personnalités auxquelles sont consacrés des articles font figure d’inconnus ou pas loin pour Gérard Hernandez aperçu dans « scènes de ménage » qui n’a « jamais été inquiet pour sa carrière puisque je n’en ai jamais eu ! » 
Et il faut bien des connaissances en disco pour avoir retenu que l’on doit à Daniel Vangarde : « Il est OK, il est bath, il est in » ou « vive le douanier Rousseau »
II convient d’être pop et in, pour situer le designer Pierre Paulin à qui l’on doit des fauteuils « Mushroom » ou « Orange slice ».
J’étais passé complètement à côté de la carrière d’actrice de Myriam Bru épouse de Horst Buchols devenue agente de Godard après une signature sur une nappe de restaurant.
Des découvertes sont possibles : si j’ai lu un de ses amis, Pierre Bayard, je ne savais rien du brillant dandy Frédéric Berthet  auteur de « Daimler s’en va » qui s’est donné la mort à 49 ans. 
« On ne badine pas  avec l’humour » mais celui-ci semble tout à fait adapté  pour traiter de la drôle de guerre avec «  Les godillots sont lourds »  de Maurice Fombeure, le poète. 

jeudi 30 janvier 2025

Le Lorrain. Damien Capelazzi.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble a tracé le portrait de Claude Gelée (Gellée) dit « Le Lorrain » ou tout simplement Lorrain, Claude tout court pour les anglais. « Autoportrait » du graveur, peintre, dessinateur né vers 1600 dans un village des Vosges, en Lorraine, province rattachée alors au Saint Empire romain germanique.
« Port de mer au soleil couchant ». Le Lorrain « a su dompter la fougue de la puissance mythologique et de la combative religion et de l’acclimater dans de vastes paysages où l’histoire se fait lumière. »
« Maison natale »
A la mort de ses parents, il se réfugie chez son frère ainé en Suisse, artiste en marqueterie, puis rejoint l’Italie avec des confrères pâtissiers (il aurait inventé la pâte feuilletée). 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2018/01/le-voyage-des-artistes-en-italie-claire.html
Les ruines antiques émergent encore dans Rome et inspirent les artistes :  
« Vue du Campo Vaccino » Cornelis van Poelenburgh
Les commandes pontificales sont importantes et les mécènes peuvent se montrer généreux.
Fragonard
«Les Cascatelles de Tivoli» ou Hubert Robert tendront quelques lessives entre les antiques sculptures.
Remarqué par Tassi qui l’a employé comme valet, il devient son assistant,
influencé par
le flamand Paul Bril connu pour ses « vedute », « Vue de Bracciano »
ou l’allemand Adam Elsheimer « La fuite en Égypte » 
avec une représentation inédite d’un ciel nocturne au ténébrisme déchaîné. 
La nature, domaine des scientifiques, ne sera désormais plus inféodée à la religion.
« Capriccio avec ruines
du forum romain »  Le Lorrain
L’homme passe, la vie est là, la nature demeure.
Son geste est calligraphique dans « Arbre et rochers près d’un ruisseau ».
La « Vue du Tibre à Rome » offre un bel exemple de feuilletage 
où les teintes claires alternent avec les sombres.
Dans son Liber Veritatis (Livre de Vérité),
pour se protéger des imitations, il reproduit 200 de ses tableaux parmi lesquels figure la « Vue du Campo Vaccino »
qui faisait pendant  à la « Vue d’un port » avec le Capitole transposé en bord de mer.
A l’époque baroque, Le Bernin joua un rôle déterminant 
sous le règne de deux papes rénovateurs de la ville éternelle. 
Le ciel est tombé sur la terre, Galilée a remis en cause le monde d’Aristote.
Claude Lorrain est devenu célèbre grâce à ses peintures de paysage où la nature apparaît   
« toute simple, sans fard et sans artifice » dans la lignée de Poussin, son ami. La lumière ruisselle dans « La tentation de Saint Antoine » commandée par Philippe IV roi d’Espagne.
Au musée de Grenoble, « Campagne romaine, effet du matin » : un jeune berger joue de la flûte à sa compagne alors que des  troupeaux passent sur le pont Milvius.
A mettre en face de « Vue de la campagne romaine, le soir, depuis Tivoli » 
(Buckingham Palace, Londres).
« Port de mer avec l'embarquement de sainte Ursule »
; celle-ci, partie avec 11 autres vierges, se retrouvèrent 11 000 après une faute de traduction au moyen âge, 
mais la légende est restée.
Dans  l'« Embarquement de la reine de Saba » avec le soleil au centre, il idéalise   
le passé  comme sa vision de la nature qui inspirera les paysagistes anglais.
« Berges boisées »
.
 « Paysage pastoral » Il a donné toute sa légitimité à la peinture de paysage, ses tableaux bien vendus l'amènent à dire que ses personnages étaient offerts de surcroit.
Il s’éteignit en 1682, sa sépulture peut se voir en l’église Saint-Louis des Français à Rome. 
« Paysage avec Enée à Délos»
 « J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques » 
Baudelaire.