C’est ce qui figurait sur le billet de la conférence de Gilles Genty aux amis du musée, mais cette référence trop allusive à l’œuvre de Daumier ne rendait pas compte de la nature même du propos tourné vers la vie politique et les mœurs entre 1830 et 1900.
Les évolutions depuis les gravures sur cuivre ou bois de la révolution française ont permis grâce à la lithographie de dépasser les barrières techniques et de mettre au devant de la scène, les artistes. L’expressivité en est augmentée et l’interaction entre recueils et journaux pourra se déployer. Ainsi l’hebdomadaire intitulé « Le Monde Plaisant » accueille Lavrate qui ne manque pas de verve, mais le titre d’une autre feuille « La Caricature Provisoire » montre bien la fragilité de la liberté d’expression et Grandville qui met en scène des animaux trouve ainsi un moyen de jouer avec les limites.
« La liberté guidant le peuple », celle de Delacroix, elle-même, attendit dans les réserves du Louvre de 1830 à 1848 ; le bonnet phrygien de la belle dépoitraillée était jugé d’un rouge trop vif.
Après avoir collaboré à « La Silhouette », et « La Caricature », Daumier dessine pour « Le Charivari » une série inspirée par un personnage de théâtre très populaire : Robert Macaire. « L’incarnation de notre époque positive, égoïste, avare, menteuse, vantarde… essentiellement blagueuse. » L’acteur Frédéric Lemaître avait eu l’intuition géniale de transformer le mélodrame intitulé « l’auberge des Adrets » en comédie, et il improvisait chaque soir à partir de l’actualité.
La peinture classique est parodiée, et monsieur Thiers, en angelot écartant les branchages au dessus d’un Endymion plus enveloppé que l’original de Girodet, nous fait encore sourire.
La satire s’exerce directement à l’égard d’autres artistes : ainsi l’enterrement à Ornan de Courbet réduit à sa signature gigantesque devant quelques virgules blanches et un chien de la famille d’un Snoopy fatigué, en est la victime.
De « Grelot » en « Canard sauvage » les titres se multiplient. André Gill qui donnera son nom au cabaret « Le lapin agile » (là peint A. Gill) travaille pour « La Rue » de son ami Vallès qui l’égratigne par ailleurs.
Vallotton amateur de Daumier aimera les simplifications de celui dont Baudelaire disait qu’il était : « l'un des hommes les plus importants, je ne dirai pas seulement de la caricature, mais encore de l'art moderne. » Il travaillera lui aussi l’efficacité du trait, dans la frontalité vis-à-vis d’une humanité où le noir du fusain affronte un blanc de papier.
jeudi 31 mars 2011
mercredi 30 mars 2011
Touristes en chine 2007. # J 11. Pingyao
Nous prenons un expresso au petit déj’, et Marie, notre guide, nous propose son aide pour quelques visites dans la ville carrée des « confins calmes », inscrite au Patrimoine Mondial de l'Humanité qui fut le « Wall street de l’Asie » au XIX° siècle.
Nous montons sur les remparts enserrant les maisons traditionnelles sur six kilomètres.
Au début, nous sommes dans les foules autour de différentes machines protectrices d’une porte monumentale avec casse-têtes et instruments hérissés de pointes en tous genres, mais dès qu’on avance un peu, nous ne rencontrons plus personne. Les pavés sont marqués du sceau des Ming. Nous profitons tranquillement d’une vue dégagée sur l’ensemble de la vieille ville (XVI°- XVII°) dont les toits en terrasse sont entourés de parapets dentelés.
La visite de la maison du gouvernement Yamen atténue notre frustration d’hier de n’avoir pas pu prendre notre temps dans la maison Qiao, celle d’ « Epouses et concubines ». Dans les salles des objets de torture sont exposés : c’est le jour. Nous assistons à une reconstitution théâtrale d’un jugement d’époque qui fait beaucoup rire les Chinois. Il y a aussi une banque ancienne.Nous effectuons des repérages avant des achats dans une rue commerçante, tout en découvrant d’autres maisons comme celle d’un banquier avec lingots et coffre souterrain, et celle des arts martiaux. Cela nous change des temples. Nous prenons notre repas avec des brocolis dans la maison mitoyenne de notre guest house.Nous continuons en taxi électrique pour aller au monastère Shuanglin (« les deux forêts ») où nous sommes pratiquement seuls.
Plusieurs salles sont remplies de statues, avec des sortes de crèches remplies de santons, une salle est destinée aux prières pour la naissance d’enfants. Au pied de statues avec bébés, Bodhisattvas et Sakyamuni, la créativité est exubérante.
A la sortie, un artiste français nous conseille de voir le temple de Confucius. Sur le retour nous prenons quelques embruns car la chaussée en restauration est mouillée.En entrant dans l’enceinte de Pingyao, se déroule la procession d’un enterrement : des voitures électriques sont décorées et suivies de marcheurs vêtus de blanc, un catafalque est posé sur un brancard porté par des hommes, une fanfare joue. L’entrée de la ville est embouteillée.
Le temple de Confucius comporte une salle de classe mais ne nous paraît pas très intéressant avec ses statues un peu grossières. Certains d’entre nous apprécient la verdure alors que d’autres trouvent le parc trop calculé, raide et parcimonieux. Nous revenons dans les boutiques acheter un orgue à bouche, des lunettes, une serrure en forme de bœuf, des bracelets, et des papiers découpés.
Puis avec deux taxis, un pour les bagages et un pour nous, nous nous rendons à la gare.
Adieu Marie. Le train est à l’heure et beaucoup de monde s’y engouffre. Je m’exile dans un compartiment où mes voisins ont tendance à douter de l’heure d’arrivée, qui ne correspond pas à la nôtre.
Nous montons sur les remparts enserrant les maisons traditionnelles sur six kilomètres.
Au début, nous sommes dans les foules autour de différentes machines protectrices d’une porte monumentale avec casse-têtes et instruments hérissés de pointes en tous genres, mais dès qu’on avance un peu, nous ne rencontrons plus personne. Les pavés sont marqués du sceau des Ming. Nous profitons tranquillement d’une vue dégagée sur l’ensemble de la vieille ville (XVI°- XVII°) dont les toits en terrasse sont entourés de parapets dentelés.
La visite de la maison du gouvernement Yamen atténue notre frustration d’hier de n’avoir pas pu prendre notre temps dans la maison Qiao, celle d’ « Epouses et concubines ». Dans les salles des objets de torture sont exposés : c’est le jour. Nous assistons à une reconstitution théâtrale d’un jugement d’époque qui fait beaucoup rire les Chinois. Il y a aussi une banque ancienne.Nous effectuons des repérages avant des achats dans une rue commerçante, tout en découvrant d’autres maisons comme celle d’un banquier avec lingots et coffre souterrain, et celle des arts martiaux. Cela nous change des temples. Nous prenons notre repas avec des brocolis dans la maison mitoyenne de notre guest house.Nous continuons en taxi électrique pour aller au monastère Shuanglin (« les deux forêts ») où nous sommes pratiquement seuls.
Plusieurs salles sont remplies de statues, avec des sortes de crèches remplies de santons, une salle est destinée aux prières pour la naissance d’enfants. Au pied de statues avec bébés, Bodhisattvas et Sakyamuni, la créativité est exubérante.
A la sortie, un artiste français nous conseille de voir le temple de Confucius. Sur le retour nous prenons quelques embruns car la chaussée en restauration est mouillée.En entrant dans l’enceinte de Pingyao, se déroule la procession d’un enterrement : des voitures électriques sont décorées et suivies de marcheurs vêtus de blanc, un catafalque est posé sur un brancard porté par des hommes, une fanfare joue. L’entrée de la ville est embouteillée.
Le temple de Confucius comporte une salle de classe mais ne nous paraît pas très intéressant avec ses statues un peu grossières. Certains d’entre nous apprécient la verdure alors que d’autres trouvent le parc trop calculé, raide et parcimonieux. Nous revenons dans les boutiques acheter un orgue à bouche, des lunettes, une serrure en forme de bœuf, des bracelets, et des papiers découpés.
Puis avec deux taxis, un pour les bagages et un pour nous, nous nous rendons à la gare.
Adieu Marie. Le train est à l’heure et beaucoup de monde s’y engouffre. Je m’exile dans un compartiment où mes voisins ont tendance à douter de l’heure d’arrivée, qui ne correspond pas à la nôtre.
mardi 29 mars 2011
Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps. Florence Cestac. Jean Teulé.
La dessinatrice des gros nez et le « touche à tout » qui eut son temps de lucarne racontent la vie de Charlie Schlingo dessinateur de la bande d’Hara Kiri dont la vie de poliomyélitique s’arrêta à 50 ans minée par la drogue, l’alcool, le désespoir.
« Roi de la Lose, Bonheur des Soldeurs, Roi des Retours ».
Celui qui mena cette existence violente, spectaculaire, ponctuée de dégueulis, se fracassa sur un coin de table basse entrainé par son chien qui l’aimait de toutes ses forces, celui-ci s’appelait Méchanceté.
L’auteur de l’album « Patron, une cuite s'il vous plaît ! » dont l’amie s’appelait "Josette de rechange", mit sur le marché avec Choron « Grodada », un magazine pour enfants qui ne fit pas long feu. On pouvait tout craindre de cet auteur ingérable qui dédicassait ses rares albums vendus :
« Pour Laurent qui m’a l’air d’être un sacré connard »
ou « Pour Kévin, tes parents vont bientôt mourir ».
Années punk, il marchait sur les mains et se jetait sous les voitures.
Ces 96 pages rendent compte de sa dinguerie désespérée.
« Roi de la Lose, Bonheur des Soldeurs, Roi des Retours ».
Celui qui mena cette existence violente, spectaculaire, ponctuée de dégueulis, se fracassa sur un coin de table basse entrainé par son chien qui l’aimait de toutes ses forces, celui-ci s’appelait Méchanceté.
L’auteur de l’album « Patron, une cuite s'il vous plaît ! » dont l’amie s’appelait "Josette de rechange", mit sur le marché avec Choron « Grodada », un magazine pour enfants qui ne fit pas long feu. On pouvait tout craindre de cet auteur ingérable qui dédicassait ses rares albums vendus :
« Pour Laurent qui m’a l’air d’être un sacré connard »
ou « Pour Kévin, tes parents vont bientôt mourir ».
Années punk, il marchait sur les mains et se jetait sous les voitures.
Ces 96 pages rendent compte de sa dinguerie désespérée.
lundi 28 mars 2011
Lola Montès
Je viens de voir enfin ce film culte de Max Ophüls qui fut un échec commercial en 1955 malgré Martine Carol à l’affiche. Quelques épisodes de cette histoire vraie nous paraissent assez nunuches aujourd’hui, et un réalisateur branché de 2011 aurait plus insisté sur des coulisses de cirque sordides et mis plus de chair à l’encan.
La façon de filmer n’a pas pris une ride et avec l’épreuve du temps, la modernité du propos homologue ce film parmi les chefs d’œuvre du cinéma.
La mise en scène obscène d’une vie sous les flonflons d’un cirque est tellement contemporaine des excès des dévoilements de la télé réalité et des divulgations internétisées tout en restant habile et fascinante. Y compris le procédé de la fausse interactivité avec les spectateurs invités à poser des questions qui ne modifieront en rien le déroulement du spectacle.
Empêtrés dans nos contradictions de voyeur, nous regardons jusqu’au bout la tragédie d’un pouvoir déchu qui nous consolerait de n’y avoir pas accès. La une des journaux se nourrit essentiellement des malheurs ordinaires de ceux qui sous les feux de la rampe, nous fascinent et tombent. Il annonçait il y a un demi-siècle le règne du show-business et de la marchandisation des sentiments.
Ustinof en maître de cérémonie a inspiré sûrement le Savary qui me réjouissait jadis en bateleur du Magic Circus, la caricature et la drôlerie en moins. Il est odieux et en même temps il fait tenir debout sa marionnette. La belle est dans la sciure, elle n’a plus de voix mais son maquillage sourit.
La façon de filmer n’a pas pris une ride et avec l’épreuve du temps, la modernité du propos homologue ce film parmi les chefs d’œuvre du cinéma.
La mise en scène obscène d’une vie sous les flonflons d’un cirque est tellement contemporaine des excès des dévoilements de la télé réalité et des divulgations internétisées tout en restant habile et fascinante. Y compris le procédé de la fausse interactivité avec les spectateurs invités à poser des questions qui ne modifieront en rien le déroulement du spectacle.
Empêtrés dans nos contradictions de voyeur, nous regardons jusqu’au bout la tragédie d’un pouvoir déchu qui nous consolerait de n’y avoir pas accès. La une des journaux se nourrit essentiellement des malheurs ordinaires de ceux qui sous les feux de la rampe, nous fascinent et tombent. Il annonçait il y a un demi-siècle le règne du show-business et de la marchandisation des sentiments.
Ustinof en maître de cérémonie a inspiré sûrement le Savary qui me réjouissait jadis en bateleur du Magic Circus, la caricature et la drôlerie en moins. Il est odieux et en même temps il fait tenir debout sa marionnette. La belle est dans la sciure, elle n’a plus de voix mais son maquillage sourit.
dimanche 27 mars 2011
Leçon de jazz # 4. Keith Jarrett.
Si l’interprète compositeur goûte assez peu les claviers électroniques, il joue du saxo, du vibraphone, des percussions, de l’orgue, du clavecin, de la guitare, de ce que vous voulez, et il entre en fusion avec son piano.
Ses influences à 360° vont de la musique médiévale, au classique, au minimalisme, au jazz et au rock, aux musiques ethniques jusqu’à la transe.
Il a commencé à jouer à trois ans et après un arrêt de deux ans à la suite d’une grande fatigue - il faut dire que l’énergie qu’il dépense est colossale- il continue d’alterner une carrière solo et des participations à des trios. Il a reçu une haute distinction en musique classique que seul Milles Davis avait obtenue.
Moretti a utilisé sa musique dans son film « Carnets intimes » et depuis son concert de Cologne, le natif de Pennsylvanie a pu emmener l’improvisation vers un art de vivre grâce à une curiosité, une culture, une virtuosité exceptionnelle. Exigeant il a pris des éléments de toutes parts et les a emmenés plus loin.
Antoine Hervé à la MC2 nous a donné encore une belle leçon de jazz autour de ce phénomène et si j’ai mieux saisi ce que c’est qu’un phrasé, voilà que maintenant des "notes fantômes" s’invitent à la fête entre deux "vamps" et aggravent mon niveau préoccupant d’incompréhension vis-à-vis de la musique.
Ce que je perçois accroit mon admiration vis-à-vis des interprètes qui ont à marier émotions, rigueur, rythme, mémoire du cerveau et du corps en apportant une touche personnelle, je happe quelques bouffées, sursaute aux ruptures, me laisse envahir par les répétitions, suis les lignes striées et les surface lisses, les rythmes irréguliers, les bonds, les tensions, les climax approchés, les explosions, les douceurs envoutantes, et les situe au-delà de ce monde.
Ses influences à 360° vont de la musique médiévale, au classique, au minimalisme, au jazz et au rock, aux musiques ethniques jusqu’à la transe.
Il a commencé à jouer à trois ans et après un arrêt de deux ans à la suite d’une grande fatigue - il faut dire que l’énergie qu’il dépense est colossale- il continue d’alterner une carrière solo et des participations à des trios. Il a reçu une haute distinction en musique classique que seul Milles Davis avait obtenue.
Moretti a utilisé sa musique dans son film « Carnets intimes » et depuis son concert de Cologne, le natif de Pennsylvanie a pu emmener l’improvisation vers un art de vivre grâce à une curiosité, une culture, une virtuosité exceptionnelle. Exigeant il a pris des éléments de toutes parts et les a emmenés plus loin.
Antoine Hervé à la MC2 nous a donné encore une belle leçon de jazz autour de ce phénomène et si j’ai mieux saisi ce que c’est qu’un phrasé, voilà que maintenant des "notes fantômes" s’invitent à la fête entre deux "vamps" et aggravent mon niveau préoccupant d’incompréhension vis-à-vis de la musique.
Ce que je perçois accroit mon admiration vis-à-vis des interprètes qui ont à marier émotions, rigueur, rythme, mémoire du cerveau et du corps en apportant une touche personnelle, je happe quelques bouffées, sursaute aux ruptures, me laisse envahir par les répétitions, suis les lignes striées et les surface lisses, les rythmes irréguliers, les bonds, les tensions, les climax approchés, les explosions, les douceurs envoutantes, et les situe au-delà de ce monde.
samedi 26 mars 2011
Tombeaux pour la gauche. Jean Pierre Rioux.
Au cours du forum de Libé, une amie a glissé dans mon petit panier, le dernier livre de l’auteur de « La France perd la mémoire » qu’elle venait d’apprécier dans un débat à propos de Jean Jaurès. L’historien avait introduit la discussion en écrivant dans le journal:
« Malheur à nous, les politiques, si nous devenons des rentiers du suffrage universel ou des luttes, car « il faut que la démocratie sente que nous la demandons pour elle et non pour nous, que nous y cherchons seulement la force nécessaire pour de nouveaux combats moins stériles, et que nous n’attendons le salaire, c'est-à-dire la reconnaissance profonde et durable du peuple, que lorsque nous aurons remis en ses mains les fruits de la justice ».
A mille milles de tout canton en voie de renouvellement.
Le point de vue de son livre, au format léger, est intéressant puisqu’il permet de mesurer le devenir des souvenirs à partir des cérémonies des adieux que la gauche a toujours goûtées.
Ainsi de 1914 à 1996 : les hommages ou les silences autour de ma mort de Jean Jaurès, Léon Blum, Guy Mollet, Pierre Mendès France et François Mitterrand.
Instructif pour la postérité et ses facéties, quand les échecs en ressortent grandis.
Ce n’est pas ce spécialiste de l’élu de Carmaux à qui risque de s’appliquer sa formule : « La révérence en émoi a asphyxié la référence en pensée », ses propos énoncés avec un style tout en nuances ramènent sans cesse aux préoccupations présentes.
Quand Jaurès est mortellement atteint par Villain, le pharmacien voisin refuse une ampoule à « cette crapule », alors un officier en tenue dépose sur sa poitrine sa propre légion d’honneur. Il y a des circonstances où les médailles ont de la gueule.
Blum, le juste, dit : « j’ai toujours cherché dans la vie et dans l’œuvre de Jaurès, non pas des arguments, mais une leçon. » Lui qui pensait que le socialisme « fournit la seule conciliation valable entre les nécessités de l’ordre collectif et les exigences de la conscience personnelle. » Les échos de sa fougue lors d’un congrès de 1946 sonnent jusqu’à nous quand il parle aux mollétistes : « le mal est en vous : c’est le manque d’ardeur, le manque de courage, le manque de foi… » J’en connais.
L’oublié de notre Panthéon bien garni, Guy Mollet, a droit à son chapitre. Le camarade d’Arras n’était pas ressorti la tête haute de l’épreuve du pouvoir, mais sa trajectoire justement nous interroge encore: le dire et le faire.
Le mentor PMF- qui ne fut pas mendésiste - fut bien silencieux après 81, mais ce qu’il disait de De Gaulle dès sa disparition s’applique à lui : « Tous ces éléments contradictoires, on ne peut plus les dissocier à l’heure où la conclusion doit s’écrire, à la fois pour dégager un bilan et pour faire ressortir les traits profonds d’une personnalité à laquelle l’histoire demande nécessairement des comptes, après un si grand rôle tenu… » Entre grands.
Plus énigmatique fut le sphinx, Mitterrand. Le droit d’inventaire instantané, en ces années où l’audimat commençait à brouiller la durée, remit sur le tapis les années de jeunesse et éloigna la nécessité d’un bilan politique et moral. Vinrent les hommages de monsieur D’Ormesson et deux messes à la fin. Restent ces mots de Paul Thibaud qui donnent suffisamment de matière à réflexion : « ce paradoxe d’être un homme politique qui refuse l’identification à un sujet collectif, incapable de sortir de soi, pour qui l’héritage n’implique aucune fidélité. »
« Malheur à nous, les politiques, si nous devenons des rentiers du suffrage universel ou des luttes, car « il faut que la démocratie sente que nous la demandons pour elle et non pour nous, que nous y cherchons seulement la force nécessaire pour de nouveaux combats moins stériles, et que nous n’attendons le salaire, c'est-à-dire la reconnaissance profonde et durable du peuple, que lorsque nous aurons remis en ses mains les fruits de la justice ».
A mille milles de tout canton en voie de renouvellement.
Le point de vue de son livre, au format léger, est intéressant puisqu’il permet de mesurer le devenir des souvenirs à partir des cérémonies des adieux que la gauche a toujours goûtées.
Ainsi de 1914 à 1996 : les hommages ou les silences autour de ma mort de Jean Jaurès, Léon Blum, Guy Mollet, Pierre Mendès France et François Mitterrand.
Instructif pour la postérité et ses facéties, quand les échecs en ressortent grandis.
Ce n’est pas ce spécialiste de l’élu de Carmaux à qui risque de s’appliquer sa formule : « La révérence en émoi a asphyxié la référence en pensée », ses propos énoncés avec un style tout en nuances ramènent sans cesse aux préoccupations présentes.
Quand Jaurès est mortellement atteint par Villain, le pharmacien voisin refuse une ampoule à « cette crapule », alors un officier en tenue dépose sur sa poitrine sa propre légion d’honneur. Il y a des circonstances où les médailles ont de la gueule.
Blum, le juste, dit : « j’ai toujours cherché dans la vie et dans l’œuvre de Jaurès, non pas des arguments, mais une leçon. » Lui qui pensait que le socialisme « fournit la seule conciliation valable entre les nécessités de l’ordre collectif et les exigences de la conscience personnelle. » Les échos de sa fougue lors d’un congrès de 1946 sonnent jusqu’à nous quand il parle aux mollétistes : « le mal est en vous : c’est le manque d’ardeur, le manque de courage, le manque de foi… » J’en connais.
L’oublié de notre Panthéon bien garni, Guy Mollet, a droit à son chapitre. Le camarade d’Arras n’était pas ressorti la tête haute de l’épreuve du pouvoir, mais sa trajectoire justement nous interroge encore: le dire et le faire.
Le mentor PMF- qui ne fut pas mendésiste - fut bien silencieux après 81, mais ce qu’il disait de De Gaulle dès sa disparition s’applique à lui : « Tous ces éléments contradictoires, on ne peut plus les dissocier à l’heure où la conclusion doit s’écrire, à la fois pour dégager un bilan et pour faire ressortir les traits profonds d’une personnalité à laquelle l’histoire demande nécessairement des comptes, après un si grand rôle tenu… » Entre grands.
Plus énigmatique fut le sphinx, Mitterrand. Le droit d’inventaire instantané, en ces années où l’audimat commençait à brouiller la durée, remit sur le tapis les années de jeunesse et éloigna la nécessité d’un bilan politique et moral. Vinrent les hommages de monsieur D’Ormesson et deux messes à la fin. Restent ces mots de Paul Thibaud qui donnent suffisamment de matière à réflexion : « ce paradoxe d’être un homme politique qui refuse l’identification à un sujet collectif, incapable de sortir de soi, pour qui l’héritage n’implique aucune fidélité. »
vendredi 25 mars 2011
Le progrès à quel prix ?
Le titre de ce débat de Libé à Lyon de cet automne peut sembler d’actualité.
Becquerels en fuite, propos de comptoirs de ministres en fin de course, de ce que de la Libye on fait, des cantonales front contre front, où ça ?
La question était aguicheuse, mais il n’y a pas eu de réponse d’après mon souvenir.
J’ai plus retenu des histoires de filles et de garçons et à l’heure où des dames se voilent la face, difficile de parler du progrès. Celui-ci n’emprunte plus guère les spirales de béton armé qui s’entrelaçaient sous nos yeux d’après guerre et c’est tout le monde qui se voile la face.
C’était avant le feu à Fukushima.
Reste un point d’interrogation de ces beaux débats d’antan sous la tente de la place des Terreaux.
Il fallait pouvoir exister face à Boris Cyrulnik, brillant et drôle qui termine son introduction au forum: « vous aviez les idées claires, j’espère qu’elles sont confuses ».
J’aime « cette qualité qui vient de l’avant guerre » avec laquelle nous rions pour ne pas nous effondrer.
Jean Claude Kaufmann qui se trouvait à côté de lui sur l’estrade ne manque pas de finesse, et ce débat fut un exercice agréable car le pape de la résilience nous booste.
L’approche par les chromosomes qui font des filles (X) plus stables et précoces que les garçons (XY) n’a pas manqué de bousculer quelques certitudes. Elles bénéficient davantage de l’école mais avec la mixité, les garçons accélèrent leur décrochage, sauf en EPS, car les pubertés se déclarant de plus en plus tôt, elles deviennent aussi de plus en plus anxieuses. Dans ce domaine où la biologie et l’environnement renforcent les évolutions culturelles, les changements deviennent majeurs.
Nous passons d’un roman où le progrès fut linéaire, tout d’un bloc, aux déceptions d’un éclatement : les améliorations matérielles n’entrainent pas la morale, le social ne suit pas l’économique. Les savoirs sont fragmentés et « chaque clan se clôt » quand « le luxe c’est l’espace ».
Nous sommes à la fin d’une civilisation ; sourions nous sommes filmés.
..........
Dessin du Canard de la semaine:
Spécialistes vs rigolos par franceinter
Becquerels en fuite, propos de comptoirs de ministres en fin de course, de ce que de la Libye on fait, des cantonales front contre front, où ça ?
La question était aguicheuse, mais il n’y a pas eu de réponse d’après mon souvenir.
J’ai plus retenu des histoires de filles et de garçons et à l’heure où des dames se voilent la face, difficile de parler du progrès. Celui-ci n’emprunte plus guère les spirales de béton armé qui s’entrelaçaient sous nos yeux d’après guerre et c’est tout le monde qui se voile la face.
C’était avant le feu à Fukushima.
Reste un point d’interrogation de ces beaux débats d’antan sous la tente de la place des Terreaux.
Il fallait pouvoir exister face à Boris Cyrulnik, brillant et drôle qui termine son introduction au forum: « vous aviez les idées claires, j’espère qu’elles sont confuses ».
J’aime « cette qualité qui vient de l’avant guerre » avec laquelle nous rions pour ne pas nous effondrer.
Jean Claude Kaufmann qui se trouvait à côté de lui sur l’estrade ne manque pas de finesse, et ce débat fut un exercice agréable car le pape de la résilience nous booste.
L’approche par les chromosomes qui font des filles (X) plus stables et précoces que les garçons (XY) n’a pas manqué de bousculer quelques certitudes. Elles bénéficient davantage de l’école mais avec la mixité, les garçons accélèrent leur décrochage, sauf en EPS, car les pubertés se déclarant de plus en plus tôt, elles deviennent aussi de plus en plus anxieuses. Dans ce domaine où la biologie et l’environnement renforcent les évolutions culturelles, les changements deviennent majeurs.
Nous passons d’un roman où le progrès fut linéaire, tout d’un bloc, aux déceptions d’un éclatement : les améliorations matérielles n’entrainent pas la morale, le social ne suit pas l’économique. Les savoirs sont fragmentés et « chaque clan se clôt » quand « le luxe c’est l’espace ».
Nous sommes à la fin d’une civilisation ; sourions nous sommes filmés.
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Dessin du Canard de la semaine:
Spécialistes vs rigolos par franceinter
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