lundi 22 novembre 2010
Lost person area
Les titres de film sont désormais en anglais, celui-ci convient tout à fait à la description d'un no man’s land. Allure de western sur un chantier où s’achemine l’électricité vers nos villes pour ce film belge de Caroline Strubbe. Seuls des pylônes ponctuent un paysage absent, la lumière des baraques signale un brin de vie, de bruit, de chaleur furtive. La violence du travail électrise les rapports familiaux où les adultes en déplacement ne trouvent pas leur place. Une enfant dispose ses petites pierres poétiques mais elle est abandonnée des grands. Un sentiment de malaise m’a poursuivi une fois le drame accompli. « Tape-la, tord-lui le cou, et dis-lui au revoir » chante la petite.
dimanche 21 novembre 2010
Les"pains-coings"
Elisabeth avait contribué à ce blog avec la recette d ‘une terrine de lapin qui est une des pages des plus visitées; elle suggère cette recette pour utiliser ces fruits qui sont le parfum de l’automne :
« On prend des coings parfaitement sains, on les lave, on ne les épluche pas, on coupe un peu le haut et le bas, pour qu'ils tiennent debout, on prépare une pâte à tarte, on la découpe en carrés - ou ronds ou ovales - on pose un coing entier sur chaque morceau de pâte, on referme bien en " collant la pâte " pour que ce soit pas hermétique, mais presque et on met au four pendant 40 à 45 minutes. Et on déguste tiède. On n'ajoute pas de sucre, le coing en contient assez. Bon appétit ! A bientôt. Elisabeth. »
« On prend des coings parfaitement sains, on les lave, on ne les épluche pas, on coupe un peu le haut et le bas, pour qu'ils tiennent debout, on prépare une pâte à tarte, on la découpe en carrés - ou ronds ou ovales - on pose un coing entier sur chaque morceau de pâte, on referme bien en " collant la pâte " pour que ce soit pas hermétique, mais presque et on met au four pendant 40 à 45 minutes. Et on déguste tiède. On n'ajoute pas de sucre, le coing en contient assez. Bon appétit ! A bientôt. Elisabeth. »
samedi 20 novembre 2010
Vous dites grandir. Albert Thierry.
Sous sa couverture de papier cristal, avec des bords de page irréguliers, ce livre offert, édité par la maison « L’amitié par le livre », a tous les charmes. Il s’agit d’un recueil d’écrits pédagogiques, de contes, de poèmes parus dans des revues, celles de Péguy ou « La Vie Ouvrière » de Monatte, voire extraits d’un ouvrage intitulé « l’homme en proie aux enfants » ou « le sourire blessé » qui ne positionnent pas cette compilation dans la bibliothèque rose ni au rayon rigolade. Bien que l’humour affleure parfois : « Ce misérable mange donc du papier ? Il parle comme une affiche ». Mais en tous cas c’est un bel ouvrage où la présence de la nature est forte. « Seuls les sapins demeuraient impénétrables : leurs pyramides opaques faisaient des torches de ténèbres ; et l’on pensait involontairement, puisqu’ils noircissaient déjà le jour, que c’étaient eux qui devaient répandre la nuit. »
Et lorsque l’instituteur syndicaliste caractérise un de ses élèves en « regardeur de nuages », sûrement en était-il, lui, de cet enfant qu’il recherche avec application dans sa vérité d’enseignant. Si ses poèmes, où il se voit« assaillis par les hyènes », me semblent trop exaltés, il est intéressant de mesurer le temps qui nous a éloignés de ces fratries penchées sous la lampe, avec des enfants qui parlent comme des livres. La proclamation de l’amour dans la relation pédagogique est incongrue aujourd’hui où le mot pédophile est plus usité que celui de pédagogue. Les souffrances d’Albert Thierry peuvent paraître surjouées alors que ses écrits depuis les tranchées de la première boucherie mondiale sont distanciés. Il mourra au front. Les dilemmes de celui qui risque de sortir de sa classe sociale en paraissant obsolètes, confirment la perte de dignité des classes populaires : l’arrivisme individuel serait l’autre nom de l’ascenseur social. Les parfums du passé ont des séductions faciles dans les décombres présents mais une fois refermé l’ouvrage moelleux et parcourant un article du Libé du jour concernant une danseuse, Germaine Acogny : « la pédagogue ne forme pas des petits Acogny mais des personnalités », j’avais compris qu’il en était de même pour Albert Thierry, fiévreusement. " Je consens que des idéaux de ma jeunesse vous fassiez un fumier pour les vôtres."
Et lorsque l’instituteur syndicaliste caractérise un de ses élèves en « regardeur de nuages », sûrement en était-il, lui, de cet enfant qu’il recherche avec application dans sa vérité d’enseignant. Si ses poèmes, où il se voit« assaillis par les hyènes », me semblent trop exaltés, il est intéressant de mesurer le temps qui nous a éloignés de ces fratries penchées sous la lampe, avec des enfants qui parlent comme des livres. La proclamation de l’amour dans la relation pédagogique est incongrue aujourd’hui où le mot pédophile est plus usité que celui de pédagogue. Les souffrances d’Albert Thierry peuvent paraître surjouées alors que ses écrits depuis les tranchées de la première boucherie mondiale sont distanciés. Il mourra au front. Les dilemmes de celui qui risque de sortir de sa classe sociale en paraissant obsolètes, confirment la perte de dignité des classes populaires : l’arrivisme individuel serait l’autre nom de l’ascenseur social. Les parfums du passé ont des séductions faciles dans les décombres présents mais une fois refermé l’ouvrage moelleux et parcourant un article du Libé du jour concernant une danseuse, Germaine Acogny : « la pédagogue ne forme pas des petits Acogny mais des personnalités », j’avais compris qu’il en était de même pour Albert Thierry, fiévreusement. " Je consens que des idéaux de ma jeunesse vous fassiez un fumier pour les vôtres."
vendredi 19 novembre 2010
Culture, qu’attendre du numérique ?
Le meneur de jeu au forum Libération en interpelant Bruno Racine le président de la BNF(Bibliothèque Nationale de France) sur la numérisation des œuvres écrites risquait de restreindre le débat, mais la finesse du débatteur partagée avec JL Martinelli directeur du théâtre des Amandiers, permettait d’aller au-delà de cette question.
La fréquentation des œuvres rares est décuplée par Internet et le spectacle vivant recherché encore plus par les spectateurs les plus connectés. La pérennité des productions sur support numérique est problématique, pourtant ce mode préserve les ressources de la planète.Le jour où les chinois atteindront la même consommation de papier que les japonais, la production mondiale n’y suffira pas.
Autre chiffre vertigineux : Google c’est 14 million de clics par seconde.
Il est indéniable que la révolution d’Internet est un progrès capital, sa diffusion est instantanée et universelle, et le pari sur l’intelligence collective a été une avancée fondamentale.
Pas plus que la radio, la télévision n’a annulé les formes culturelles précédentes, reste la hiérarchisation des biens de la pensée qui ne sera pas décrétée du haut d’une chaire.
Les critiques de théâtre en particulier ou celles des romans sont assez conformistes, à mon avis, contrairement au cinéma où les commentaires prospèrent;un symptôme préoccupant qui attesterait que ces domaines ne sont plus l’objet d’enjeux essentiels.
La mise en commun tourne parfois à la banalité et le grand nombre ne fait pas émerger forcément l’originalité, le singulier ; encore que sur le plan musical, des pépites courent le web - parait-il.
Les producteurs généralistes de pensée que sont les journaux sont menacés et spécialement les pages culturelles et les critiques.
Est-ce que le contenu est défini par l’outil ?
Comment garder l’autonomie de production quand ils dépendent des moyens de diffusion ? Comment vivre de son activité intellectuelle ?
Nous participons à un autre monde. Un dessin du "Canard" de cette semaine.
La fréquentation des œuvres rares est décuplée par Internet et le spectacle vivant recherché encore plus par les spectateurs les plus connectés. La pérennité des productions sur support numérique est problématique, pourtant ce mode préserve les ressources de la planète.Le jour où les chinois atteindront la même consommation de papier que les japonais, la production mondiale n’y suffira pas.
Autre chiffre vertigineux : Google c’est 14 million de clics par seconde.
Il est indéniable que la révolution d’Internet est un progrès capital, sa diffusion est instantanée et universelle, et le pari sur l’intelligence collective a été une avancée fondamentale.
Pas plus que la radio, la télévision n’a annulé les formes culturelles précédentes, reste la hiérarchisation des biens de la pensée qui ne sera pas décrétée du haut d’une chaire.
Les critiques de théâtre en particulier ou celles des romans sont assez conformistes, à mon avis, contrairement au cinéma où les commentaires prospèrent;un symptôme préoccupant qui attesterait que ces domaines ne sont plus l’objet d’enjeux essentiels.
La mise en commun tourne parfois à la banalité et le grand nombre ne fait pas émerger forcément l’originalité, le singulier ; encore que sur le plan musical, des pépites courent le web - parait-il.
Les producteurs généralistes de pensée que sont les journaux sont menacés et spécialement les pages culturelles et les critiques.
Est-ce que le contenu est défini par l’outil ?
Comment garder l’autonomie de production quand ils dépendent des moyens de diffusion ? Comment vivre de son activité intellectuelle ?
Nous participons à un autre monde. Un dessin du "Canard" de cette semaine.
jeudi 18 novembre 2010
Jean Dieuzaide
Jean « Dieu z » comme dit Michel Tournier dans la préface du livre consacré au photographe gascon : « Un regard, une vie ». L’octogénaire disparu en 2003 a contribué à sortir la photographie des arts mineurs : « école du regard, qui redouble le monde sous nos yeux pour mieux le faire comprendre ». Si sa gitane au regard fier qui donne le sein était accrochée à ma mémoire, c’est la diversité de ses productions qui est remarquable. Ses reportages, ses paysages du Lauragais avant les « vus du ciel » d’Arthus Bertrand, ses portraits, ses images industrielles et ses architectures jouent avec la géométrie par des cadrages inédits et rigoureux. Ses natures mortes élégantes et mélancoliques recèlent quelques pépites colorées d’autant plus éclatantes que le noir et blanc fut sa couleur tout au long de sa traversée du siècle.
mercredi 17 novembre 2010
Par avion. Sempé
A New York Jean Paul Martineau pose son regard, loin des nappes à carreaux du bistrot où monsieur Lambert le parisien avait ses habitudes : dans Manhattan, on mange sur ses genoux ou alors on se fait livrer des repas chinois à domicile. Et pourtant sur la couverture c’est un french cuistot avec sa toque et son petit vélo, le panier de légumes sur le porte-bagages qui est le seul vivant au milieu des gratte-ciels plongés encore dans la nuit. Les chapitres mettent en scène des précieux ridicules du côté de central Park « il existe encore des femmes comme ça ! », la convivialité artificielle à coup de « keep in touch » (Garder le contact), ou l’esprit positif surjoué des américains fussent-ils bobos
« C’est dans la poche ! »
Sempé garde son vélo pour saisir cette humanité qu’il regarde toujours avec tendresse.
Aussi pertinent au pied des buildings qu’au bord des murettes des pavillons de banlieue.
« C’est dans la poche ! »
Sempé garde son vélo pour saisir cette humanité qu’il regarde toujours avec tendresse.
Aussi pertinent au pied des buildings qu’au bord des murettes des pavillons de banlieue.
mardi 16 novembre 2010
La vie d’Augustine.#2
Et puis il y a eu les bombardements des mines. Le plus affreux c’était la nuit. Un jour, il est tombé un obus en haut de notre rue en plein milieu. Les vitres et portes ont volé en éclats. Comme les maisons du coron se soutiennent les unes les autres, elles ne sont pas tombées. Une petite fille qui était assise devant sa porte a disparu : on n’a jamais retrouvé son corps.
Les obus tombaient dans les jardins. Sitôt l’alerte, mon frère Arthur nous prenait, une sur son dos, l’autre devant et on partait se mettre à l’abri. Mon père n’a jamais quitté la maison. Il ne voulait pas non plus que l’on emmène Lucienne qui couchait dans la chambre de nos parents. Lui, étouffait dans les abris ! Pauvre père ! C’est lui qui gérait tout car notre mère ne savait ni lire ni écrire et chez les commerçants elle se faisait toujours avoir. Mon père l’appelait « sans bile » ce qui signifiait sans responsabilité.
Elle nous tenait bien propres : une fois par semaine, aidée par mes aînées, elle nous donnait un bain dans un demi tonneau. On faisait chauffer l’eau dans de grandes lessiveuses. C’était la même chose pour mes frères quand ils rentraient de la mine. Ils étaient si noirs et il n’y avait pas de douches à la mine. On avait une réserve d’eau dans un grand tonneau pour récupérer l’eau de pluie avec laquelle on faisait la lessive ce qui nécessitait moins de savon.
On avait une petite remise dans le jardin. C’est là que qu’on se nettoyait comme beaucoup de grandes familles. Il y avait un petit poêle à charbon.
Pour se chauffer, les mineurs avaient droit à du poussier c'est-à-dire des débris et poussières de charbon. L’hiver on était livré par quinzaine et l’été chaque mois. Un tombereau tiré par un cheval déversait le poussier devant la maison. Nous le poussions vers le trou de la cave. Il fallait le faire dans les deux heures qui suivaient la livraison. Pour nous éclairer nous avions les lampes à pétrole.
Les corons étaient construits en briques rouges qui devenaient marron puis noires avec le temps. On mouillait le poussier pour en faire des sortes de briquettes. Il fallait une bonne braise pour que le poussier s’enflamme : on perçait un trou au milieu de la briquette pour faciliter. Nous avions des poêles adaptés à ce genre de combustion.
On les importait de Belgique. Ils étaient larges devant avec une grille plus bas pour poser et chauffer les pieds. Mon père s’occupait d’entretenir le poêle l’hiver.
On était tous réunis et heureux d’être ensemble : c’était quand même une belle vie. On appréciait les bons moments de la vie quand il y en avait !
L’électricité n’était pas pour nous..
Les obus tombaient dans les jardins. Sitôt l’alerte, mon frère Arthur nous prenait, une sur son dos, l’autre devant et on partait se mettre à l’abri. Mon père n’a jamais quitté la maison. Il ne voulait pas non plus que l’on emmène Lucienne qui couchait dans la chambre de nos parents. Lui, étouffait dans les abris ! Pauvre père ! C’est lui qui gérait tout car notre mère ne savait ni lire ni écrire et chez les commerçants elle se faisait toujours avoir. Mon père l’appelait « sans bile » ce qui signifiait sans responsabilité.
Elle nous tenait bien propres : une fois par semaine, aidée par mes aînées, elle nous donnait un bain dans un demi tonneau. On faisait chauffer l’eau dans de grandes lessiveuses. C’était la même chose pour mes frères quand ils rentraient de la mine. Ils étaient si noirs et il n’y avait pas de douches à la mine. On avait une réserve d’eau dans un grand tonneau pour récupérer l’eau de pluie avec laquelle on faisait la lessive ce qui nécessitait moins de savon.
On avait une petite remise dans le jardin. C’est là que qu’on se nettoyait comme beaucoup de grandes familles. Il y avait un petit poêle à charbon.
Pour se chauffer, les mineurs avaient droit à du poussier c'est-à-dire des débris et poussières de charbon. L’hiver on était livré par quinzaine et l’été chaque mois. Un tombereau tiré par un cheval déversait le poussier devant la maison. Nous le poussions vers le trou de la cave. Il fallait le faire dans les deux heures qui suivaient la livraison. Pour nous éclairer nous avions les lampes à pétrole.
Les corons étaient construits en briques rouges qui devenaient marron puis noires avec le temps. On mouillait le poussier pour en faire des sortes de briquettes. Il fallait une bonne braise pour que le poussier s’enflamme : on perçait un trou au milieu de la briquette pour faciliter. Nous avions des poêles adaptés à ce genre de combustion.
On les importait de Belgique. Ils étaient larges devant avec une grille plus bas pour poser et chauffer les pieds. Mon père s’occupait d’entretenir le poêle l’hiver.
On était tous réunis et heureux d’être ensemble : c’était quand même une belle vie. On appréciait les bons moments de la vie quand il y en avait !
L’électricité n’était pas pour nous..
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