L’académicien illustre parfaitement la formule de
Bachelard :
« Qui enseigne
est enseigné, qui est enseigné enseigne », agréablement.
Devant notre merveilleuse machinerie, il convient de revenir
aux fondamentaux.
« Les relations
entre l’intestin et le cerveau font intervenir les mêmes acteurs que le
commerce planétaire. D’abord, la mer, sur laquelle passe comme tu sais, 80% des
échanges. Dans notre corps, ce liquide est le sang. Y circulent des « cargos » :
le cargo du cholestérol, le cargo des glucides, le cargo plein d’hormones…
Cette flotte n’arrête pas de monter du ventre vers la tête. »
Le souvenir d’« Il était une fois la vie », série
télévisée destinée aux scolaires, dans laquelle les virus étaient personnifiés, peut être
convoqué tant l’habileté de l’écrivain permet de mieux appréhender la
complexité et nous conduire vers des réflexions profondes.
L’évocation des légendes indiennes ou japonaises, la sagesse
des chercheurs antiques, leurs erreurs, excusent nos ignorances et stimulent la
curiosité.
Hildegarde de Bingen tient une place de choix dans ce rappel de l’histoire
des sciences.
La découverte des sources du Nil par Burton ne s’est pas
faite en un jour :
« Oui, vive ce
fou curieux né à Torquay deux jours avant la venue du printemps 1821 ! Il
prouve en était-il besoin ?, que ces fleuves qui coulent en nous ne sont
pas faits que d’eau mais aussi de mots et d’émois, d’histoires grandes et
petites, de vérités avérées comme autant de songes improbables, de légendes et
de mélodies. »
Plutôt que de livrer une bibliographie plantureuse, Orsenna
nous promène en 200 pages dans les rues de Paris pour aller d’un infectiologue
à un spécialiste de l’autisme ou une familière des moustiques, en notant au
passage quelques bonnes adresses de restaurants.
Il voit Robert Hue en tant qu'ancien rocker-
judoka, qui a créé une ONG pour
lutter contre la drépanocytose, la plus fréquente des maladies génétiques, née
de la mutation d’un gène codant l’hémoglobine (80 % en Afrique et 15 % en
Inde) : 260 000 décès d’enfants en bas âge.
L’écrivain compare cette maladie à l’embâcle quand les troncs
s’accumulaient dans les rivières canadiennes, et que les draveurs couraient sur
les radeaux mouvants.
« ça commence au
fond du lac Brûlé,
Alentour du huit ou dix de mai.
La mort à longues manches,
Vêtue d'écume blanche,
Fait rouler le billot
Pour que tombe Sylvio. »
Vêtue d'écume blanche,
Fait rouler le billot
Pour que tombe Sylvio. »
Félix Leclerc
Ça a l'air sympathique... mais, mais...
RépondreSupprimerErik Orsenna fait partie de ces personnes qui sont susceptibles de voir que dans un dictionnaire étymologique de la langue française, autour du 19ème, et les découvertes de... Pasteur, il s'opère un grand renversement (se souvenir que le mot "perversion" contient le latin "vertere", tourner, se retourner, aller sens dessus dessous, et dans "renversement" on trouve le "vertere" latin), avec le mot "germe", un mot très important, car avant le 19ème "on" tendait à y voir le principe (comme "principiat" ou "prince") de la vie, un moteur positif qui travaillait POUR la vie, et pas post-moderne, mais post Pasteur, le "germe" est devenu un ennemi qui risque de nous détruire de l'extérieur. Avec Pasteur, et son époque, nous sommes devenus des forteresses à défendre, à protéger des... "germes".
Il y a très peu de temps maintenant, nous avons vu les conséquences de cette manière de voir le monde, et le "germe". Et bien, le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas tout bénéfice. Il y a, je suppose, des gens qui voudraient croire qu'il s'agit là de la Vérité qui continue à se révéler progressivement dans nos existences, mais... l'existence des modes, en science, en médecine, en fringues, en nutrition, en sport... cela ponctionne ma foi dans une Vérité révélée progressivement, sans retour, sans régression possible, dans nos vies.
Mais, j'avoue que cela a l'air bien écrit, alléchant et jubilatoire avec le langage. C'est déjà beaucoup par les temps qui courent.