samedi 1 mars 2025

Je reste roi de mes chagrins. Philippe Forest.

Le portrait de Churchill par Graham Sutherland n’apparaît pas en couverture du livre, alors que l’élaboration du portrait de l’invincible et fragile premier ministre occupe les 300 pages. 
« La peinture met le monde à nu. Elle exhibe la réalité dans son plus simple appareil. L’étonnant est qu’il faille déployer tant de travail et d’ingéniosité, d’intelligence et d’art pour en faire apparaître l’insignifiante et brutale obscénité, révélant ce pur spectacle se suffisant à lui-même, dont nul ne sait ce qu’il veut dire, qui sidère le regard, abasourdit l’esprit et dont l’on ne parvient à se protéger qu’à la condition d’en rire aussitôt et de tenir toute l’affaire pour une pure plaisanterie. » 
L’homme cigare au bec, avec à la main un verre de whisky, avait de l’humour.
Une lecture au début étirée dans le temps, autorisée par un découpage en scènes comme au théâtre, m’avait laissé à distance, alors qu’ elle m'a enchanté dès que j'ai enchainé les pages.
« Vous pouvez me retirer ma gloire et ma puissance, dit la voix, mais non mes chagrins dont je resterai toujours le roi. » 
S’élabore le bilan d’une vie au cours d’un dialogue articulé au-delà du temps d’une représentation où se peuplent poétiquement les silences. 
Le peintre et son modèle qui use aussi des pinceaux, à la recherche de leur vérité et de celle qui se tente sur une toile, avouent avoir perdu  tous deux un enfant. 
«- Quelque chose vous manque, disiez-vous. Peut-être est- ce : quelqu’un.
- Quelqu’un ?
- Vous êtes le seul à savoir qui. Un autre qui est davantage vous que vous ne l’êtes vous-même. Quelqu’un qui vous attendrait auprès de l’étang où vous vous rendez. Avec qui vous avez un rendez-vous que vous ne voudriez manquer à aucun prix. Même si la personne ne se présente jamais. » 
Voilà le tableau :