samedi 15 mars 2025

L’autre rive de la mer. Antonio Lobo Antunes.

La force de ce livre m’a conduit à interrompre ma lecture au bout de 265 pages : 
à chaque fois que je l’ouvrais, je redoutais de retrouver la litanie des solitudes et des douleurs.
Trois personnages différents, mais s’exprimant d’une même façon désespérée, rendent compte de leur pauvre vie dans un Angola en révolte contre le Portugal colonialiste. 
« L’Angola j’en avais plus que ma claque, toute cette confusion, cette misère, tout ce silence qui m’assourdissait parce que même les arbres on les entend pousser, même l’herbe, même les ongles, il n’y a rien qui ne grandisse en nous acculant à la mer de plus en plus distante nous empêchant de fuir, elle le soir
- Tu me fais pitié tu restes là sans solution remuant le sable et dissolvant le passé, le sourire de ma femme pendant un instant
- Au revoir au revoir » 
Les odeurs, les couleurs de là bas arrivent sous nos ampoules hivernales, dans un rythme obsédant scandé par des interruptions qui crient la vérité d’une transcription très «  nouveau roman ».
Les souvenirs cachent des situations d’une violence de dingue là bas et ici :   
« … et puis la neige et puis l’hiver neuf mois par an, et puis les brochettes de veuves rien que nez et mentons et ma grand-mère remontant la rue, dissimulée sous leur châle, dans une tempête de pantoufles jusqu’à la chapelle tout en haut pour rendre visite à un Dieu qui bien que plus petit et plus pauvre que celui de la place se démène comme un possédé pour l’accomplissement des vœux… » 
J’avais été enthousiaste après avoir vu au théâtre « Le cul de judas », voyage au bout de le nuit africaine, mais le temps d’une pause je vais chercher dans ma bibliothèque des volumes plus rose, tout en gardant le souvenir dans mon enfer de ces mots implacables, ces atmosphères lourdes, noires, désespérantes, poétiques. 
« L’Angola est là tout près là sur l’autre rive de la mer car ils appellent mer ce fleuve avec plus d’eau et plus d’écume que les autres, frottant ses rochers dans un sens puis dans l’autre en farfouillant dans les tiroirs, emportant ce qu’elle s’empresse de nous rendre, coquillages, cailloux, bouts de bois venus d’où mon Dieu, avec un moteur énorme, à moitié fichu, chevrotant là-dessous et quand elle se retire voilà les crabes de retour claudiquant vers nous avec cette détermination entêtée des estropiés et au-dessus le vide, des oiseaux, la feuille sans arbre d’une mouette réduite à un bec et des yeux, dans une attente éternelle, moi à Domingas, sans les mots
- Que faisons-nous ici ? Nous attendons qu’on nous ramène en Afrique … »  
Trop chochotte, je regrette de ne pas être à la hauteur pour faire valoir cet auteur, qu’il serait dommage de ne pas connaître.

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