Comme je n’étais pas allé au bout de « Veiller sur
elle », dernier Goncourt, car je trouvais que les personnages manquaient
d’intériorité, j’ai été d’autant plus transporté par Ian Mc
Evan qui sait, lui, insérer les destins individuels dans l’Histoire.
Une foule de personnages s’abandonnent au déterminisme ou le
contestent, depuis la seconde guerre mondiale jusqu’au Covid, avec crise autour
du canal de Suez, missiles à Cuba, Tchernobyl, chute du mur, Brexit ...
Bien des péripéties sont singulières : une femme abuse
d’un garçon et une mère abandonne son bébé, cependant nous nous sentons
concernés.
Roland Baines et toutes celles qu’il va rencontrer, ses
ancêtres et ses descendants nous émeuvent, riches de leurs ambigüités.
Devant le siège en ruine de la Gestapo à Berlin :
« Sa propre
cellule carrelée de blanc - une leçon de piano, une histoire d’amour
prématurée, des études ratées, une femme disparue - était une suite luxueuse en
comparaison. »
Pour ce roman dense, bien agencé où l’émotion stimule la
réflexion, l’auteur a puisé dans sa propre vie des éléments qui en font toute
la profondeur.
Il parle du style de celle qui a quitté sa famille pour la
littérature :
« La prose était
magnifique, limpide, souple, le ton empreint d’autorité et d’intelligence dès
les premières phrases. Le regard semblait à la fois d’une impitoyable
exactitude et plein de compassion. Dans certaines scènes les plus crues, il y avait
un sens presque comique de l’impuissance et du courage des humains. »
C’est de lui dont il est question.
Oui, je vois que McEwan est très... LUCIDE sur lu-même et ses talents. Je ne sais pas si j'ai lu plus d'un roman de lui : "Samedi", qui était un vrai tour de force, construit autour du poème de "Dover Beach", chef d'oeuvre de Matthew Arnold, à la toute fin du 19ème siècle, et le début du 20ème.
RépondreSupprimerJ'accorderai pour Ian McEwan qu'il écrit très très bien, pour une écriture... lucide, clinique, et je ne l'insulterai pas en parlant d'une performance littéraire virtuose, car il est au-dessus de cela. Je laisse la performance pour le one man show que tu as critiqué il y a quelques jours sur ton blog...
Mais j'ai refermé "Samedi" en restant sur ma faim. Le livre représente le meilleur de ce que notre siècle ?, avec sa mentalité assez désenchantée, se targuant de lucidité clinique, est capable de... créer, mais cela ne me satisfait pas. Je trouve que ça manque de souffle maintenant que j'arrive à la fin.
Cela se comprend, je crois. Avons-nous vraiment envie de sortir du jeu dans un gémissement étouffé, même si c'est... raisonnable ?