samedi 3 juin 2023

Requiem pour la classe moyenne. Aurélien Delsaux.

Les premières phrases mettent en appétit.
« Les vacances étaient terminées, jusque-là tout s’était bien passé. Je me souviens des chiffres d’alors, je voudrais les saluer : il allait bientôt être dix-huit heures, Blanche, ma femme chérie, somnolait à mon côté, nos deux enfants dormaient à l’arrière, je roulais sur la flambant neuve A89, j’avais quarante-cinq ans, j’avais enregistré sur le régulateur la vitesse maximale autorisée, le tableau de bord annonçait quarante et un degrés à l’extérieur.
Ce que les chiffres mesuraient, le temps et la vitesse, la température ou le prix, j’étais depuis longtemps persuadé de ne pas savoir l’évaluer, de n’être plus capable de le ressentir vraiment. Les chiffres fixaient tout et tenaient tout en respect, ils épinglaient calmement en moi des papillons morts. Ils rendaient la vie saisissable, ils étaient les sigles de mon bonheur. »
 
Le style original rend ces 220 pages puissantes, car comme l’annonce le titre, il s’agit de la fin d’un monde, depuis que celui qui conduit la voiture a appris la mort de Jean-Jacques Goldman.
Bien des formules frappent juste : 
«  …les rêves ne sont que des perroquets malades, des miroirs dépolis. Preuve qu’il faut s’être saoulé d’illusions pour les prendre pour des devins et des sages. »
L’existence tellement normale de cette famille dans la moyenne dérape vers des dysfonctionnements surprenants d’où les délires du narrateur dont l’humour permet de garder les distances. 
Le décor lyonnais qui m’est familier a ajouté au plaisir d’une écriture ouvrant à des réflexions loin de la frivolité ambiante ou des lourdes leçons. 
«  Mais qu’allait-il nous arriver maintenant si comme le vieux Souchon nous nous mettions à oublier nos paroles. Si nos chants s’étiolaient. Si la musique disparaissait de nous. »

1 commentaire:

  1. Un auteur, on dirait, avec un style percutant. Je le lirais bien...

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