« Les vacances
étaient terminées, jusque-là tout s’était bien passé. Je me souviens des
chiffres d’alors, je voudrais les saluer : il allait bientôt être dix-huit heures,
Blanche, ma femme chérie, somnolait à mon côté, nos deux enfants dormaient à
l’arrière, je roulais sur la flambant neuve A89, j’avais quarante-cinq ans,
j’avais enregistré sur le régulateur la vitesse maximale autorisée, le tableau
de bord annonçait quarante et un degrés à l’extérieur.
Ce que les chiffres mesuraient, le temps et la vitesse, la température ou le prix, j’étais depuis longtemps persuadé de ne pas savoir l’évaluer, de n’être plus capable de le ressentir vraiment. Les chiffres fixaient tout et tenaient tout en respect, ils épinglaient calmement en moi des papillons morts. Ils rendaient la vie saisissable, ils étaient les sigles de mon bonheur. »
Ce que les chiffres mesuraient, le temps et la vitesse, la température ou le prix, j’étais depuis longtemps persuadé de ne pas savoir l’évaluer, de n’être plus capable de le ressentir vraiment. Les chiffres fixaient tout et tenaient tout en respect, ils épinglaient calmement en moi des papillons morts. Ils rendaient la vie saisissable, ils étaient les sigles de mon bonheur. »
Le style original rend ces 220 pages puissantes, car comme
l’annonce le titre, il s’agit de la fin d’un monde, depuis que celui qui
conduit la voiture a appris la mort de Jean-Jacques Goldman.
Bien des formules frappent juste :
« …les rêves ne
sont que des perroquets malades, des miroirs dépolis. Preuve qu’il faut s’être
saoulé d’illusions pour les prendre pour des devins et des sages. »
L’existence tellement normale de cette famille dans la
moyenne dérape vers des dysfonctionnements surprenants d’où les délires du
narrateur dont l’humour permet de garder les distances.
Le décor lyonnais qui
m’est familier a ajouté au plaisir d’une écriture ouvrant à des réflexions loin
de la frivolité ambiante ou des lourdes leçons.
« Mais
qu’allait-il nous arriver maintenant si comme le vieux Souchon nous nous
mettions à oublier nos paroles. Si nos chants s’étiolaient. Si la musique
disparaissait de nous. »
Un auteur, on dirait, avec un style percutant. Je le lirais bien...
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