samedi 17 juin 2023

Autour de ton cou. Chimamanda Ngozi Adichie.

Ce recueil de nouvelles permet de savourer la diversité des histoires à la mesure du pays le plus peuplé d’Afrique, le Nigéria, tout en décrivant de nombreuses situations d’émigrées aux Etats-Unis. 
Loin du lyrisme de beaucoup de ses compatriotes, l’écriture efficace de la quadragénaire rend ces 310 pages palpitantes. La violence éclate souvent dans un univers qui garde pourtant le souvenir de la douceur de vivre : 
« … elle sera frappée de constater qu’elle ne peut dire si cet homme en partie brûlé est ibo ou haoussa, chrétien ou musulman, en regardant cette chair calcinée. »
«  La tiède moiteur du jardin de Grandmama, un jardin aux arbres si nombreux que le câble du téléphone se prenait dans les feuilles, que les branches différentes se mêlaient et qu’on voyait parfois des mangues aux anacardiers et des goyaves aux manguiers. » 
Quelques formules imagées sont savoureuses, sans sacrifier au pittoresque : 
« … elle ne pouvait se plaindre de ne pas avoir de chaussures à quelqu’un qui n’a pas de jambes. » 
La vivacité du regard ne contredit pas une générosité certaine : 
« Les Américains avaient le temps d'avoir peur que leurs enfants aient une maladie rare sur laquelle ils venaient de lire un article, et ils pensaient qu'ils étaient en droit de protéger leurs enfants des déceptions, du besoin et de l'échec. Parce qu'ils avaient le ventre plein, les Américains pouvaient s'offrir le luxe de se féliciter d'être de bons parents, comme si s'occuper de son enfant était l'exception et non la règle. »
 Le rapprochement des civilisations, des genres et des races amène des réponses variées : 
« Tu voyais aux réactions des gens que vous formiez un couple anormal - les méchants qui étaient trop méchants et les gentils trop gentils. Les vieilles dames et vieux messieurs blancs qui le fusillaient du regard en marmonnant, les hommes noirs qui secouaient la tête, les femmes noires dont les yeux pleins de pitié déploraient ton manque d’amour-propre, ton mépris de soi. Les femmes noires qui te décochaient de rapides sourires de solidarité ; les hommes noirs qui se forçaient à te pardonner, qui lui lançaient un bonjour trop appuyé ; les Blancs, femmes et hommes, qui disaient « Quel beau couple » d’une voix trop forte et trop enthousiaste, comme pour se prouver leur propre ouverture d’esprit. » 
Le choix de quelques phrases pourrait laisser croire à de définitifs énoncés alors que les péripéties de la douzaine de tableaux souvent surprenantes, rendent la lecture aisée d’un univers où pourtant ne pénètrent ni l’amour ni quelque pittoresque rayon de soleil.

1 commentaire:

  1. C'est quoi, "normal" ? C'est n'avoir pas un cheveu qui dépasse de la... masse des cheveux. Cela ne cesse de me mystifier combien nous faisons l'éloge de la singularité en nous cramponnant à cet idéal de la "norme". J'ai réalisé il y a un certain temps que les gens ne réalisent pas que la norme... est une construction abstraite. Cela veut dire qu'il n'y a aucune personne en chair et en os qui puisse INCARNER LA NORME. La norme... est faite pour ne pas s'incarner, d'ailleurs. Quand on sait ça, et qu'on commence à méditer sur les conséquences de cela, on peut se dire "pauvre Homme qui sera toujours au plus mal avec son besoin d'incarnation, que ce soit la sienne, d'incarnation, ou l'incarnation des mots qui doivent trouver un sens... concret... pour Lui."
    La tyrannie de la norme : pire que la tyrannie d'un tyran en chair et en os ?

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