Nous devons à la civilisation grecque, mère de l'humanisme, la persistance de la représentation humaine jusqu’à l’époque de
l’abstraction, nous rappelle la conférencière devant les amis du musée de
Grenoble. Sur l’ « Amphore du Dipylon » dans une scène de prothesis (exposition du
corps) les pleureuses se frappent la tête. Et cela depuis la civilisation mycénienne 2000 ans av JC, « Masque funéraire mycénien en feuille
d'or », avant les «âges obscurs » d’un déclin largement
inexpliqué, alors que les égyptiens subsistaient et que la culture grecque persistait
dans des cités états jusqu’en Italie du Sud ou à Marseille.Le plus souvent, la
beauté idéalisée des hommes est mise en valeur, en hommage aux dieux.« Entraînement à la palestre », gymnase où la nudité était
familière.La gorgone, Méduse
est présentée de face et les héros de profil dans ce « Olpé à figures noires ».
Ces formes noires
incisées venaient d’une deuxième cuisson des vases après celle qui donnait une
couleur rouge. « Ajax et Achille
jouant aux dés » au lieu de combattre
renseigne sur la mythologie
d’une façon pédagogique comme la mise en scène de « la mort d’Ajax » qui se suicide sur son épée
après un moment de folie où il a pris un troupeau de moutons pour ses ennemis.Quand « Hypnos et Thanathos soulèvent
Sarpédon » lors de la guerre de Troie,
l’identité des personnages
est précisée et le corps magnifié.« Achille soigne Patrocle » sur un kylix (coupe à
boire) bien que les soins soient plutôt l’affaire des femmes
présentes dans le « Gynécée »
où sont élevés les enfants (lébès nuptial).Bien peu de peintures nous sont parvenues à l’exception de
la fresque de la tombe de Vergina, 340 av. J.-C. où « Hadès enlève
Perséphone » avec vigueur.Les influences égyptiennes sont présentes dans « Le
kouros dédalique »,
à la coiffure en trapèze, en rondes bosses,
annonçant les jumeaux « Cléobis
et Biton » symbole de la
pitié filiale. Ils avaient pris la place des bœufs qui devaient conduire leur
mère à Delphes et étaient morts d’épuisement. Autrement dit : arrivée
auprès d’Héra « la
mère prie la déesse d’accorder à ses fils la plus grande faveur que puisse
souhaiter un homme : ils s’endormirent dans le temple pour ne plus se
réveiller. »
comme « L’aurige
de Delphes » au sourire impassible et aux yeux de pâte de verre. « Le
Doryphore » (« Porte-lance ») de Polyclète dont l’original était
en métal devint un modèle de proportions pour beaucoup d’élèves :
compter trois têtes dans le buste et trois entre le
bassin et les pieds.Un des guerriers ou « bronzes de Riace » adopte la souplesse du « contraposto »
ou
« chiasme » ou « hanchement ».Le « Dieu du cap Artémision » est il Zeus ou
Poséïdon, a-t-il tenu la foudre ou un trident ?« L’Apoxyomène » du Vatican se racle la peau avec un strigile.« Les caryatides »
au bord du baldaquin s’intègrent à l’architecture de l'Érechthéion,
le plus sacré des temples de l’Acropole,
financé par le trésor ramené par
Périclès, une fois les Perses vaincus.Les femmes ne sont pas représentées nues, sauf Aphrodite,
mais « La
victoire de Samothrace » aux draperies plaquées par le vent de
l’atterrissage aurait pu participer à un concours de T-shirts mouillés. En marbre blanc de Paros, c’est la déesse de
la victoire (Nikè)
dont on retrouve une aile sur les chaussures d’une célèbre
marque à la virgule. La sauvage « Ménade » compagne de Dyonisos par Scopas est sensuelle.L’ « Aphrodite de Cnide » de Praxitèle a été l’objet de pèlerinages,
dès son
installation à Cnide, des hommes se sont laissé enfermer avec elle. Les copies
furent innombrables ainsi la Vénus de Médicis à la galerie
des offices. « La Vénus de Milo », du nom de l’île où elle a été
découverte, dissimule un socle qui ne l’a pas empêchée de perdre ses deux bras,
on dit qu’elle tiendrait la pomme du jugement de Pâris mais d’autres
interprétations ont été avancées.Par contre la « Vénus callipyge » soulevant son péplos pour admirer ses fesses
est sans
ambigüité. La « Vénus de
Vienne », plutôt de
Saint Romain en Gal, bien en chair,
a beau être un copie romaine, elle a de
belles formes qui contreviennent à l’idée habituelle de la beauté grecque, elle
n’avait pas les seins bandés, ni des chaussures trop étroites des femmes à la
mode.
« Aucun spectacle
de la nature, ni les flammes occidentales, ni la tempête dans les palmiers, ni
la foudre, ni le mirage, ni les grands soulèvements des eaux ne semblent dignes
d'étonnement à ceux qui ont vu dans leur bras la transfiguration de la femme. »
Pierre Louÿs
En bonne contestataire, je désapprouve maintenant cette volonté de glorifier la Grèce comme origine de l'humanisme occidental, car cela laisserait entendre que la Grèce, ses représentations, ses idéaux nous sont parvenus sans... conflits ou tensions au fil du temps. En même temps que cela laisse entendre que cet héritage grec serait exclusivement positif pour nous.
RépondreSupprimerPourtant, ce n'est pas le cas. J'estime que l'humanisme de Rome est tout aussi important pour l'Occident, et se distingue de l'humanisme grec, ne serait-ce que dans les attitudes envers... les femmes, leur place, la nudité masculine, le gymnase, par exemple. La patricienne romaine est mieux considérée, mieux traitée que la femme grecque, à place égale. Il y a comme un fantasme qui persiste en Occident jusqu'à nos jours que les Grecs étaient à l'aise dans et avec leurs corps, et que la honte n'était pas de la partie. Quelque chose me dit que ce fantasme est réducteur... de toute façon, il y a une distinction à faire entre honte et pudeur/modestie, des valeurs positives qui n'ont pas attendu l'église pour saisir les mentalités, et qui ne sont peut-être pas exclusivement des idéaux de et pour femmes...
Mais "L'aurige" de Delphes reste une de mes sculptures préférées de tous temps. Un chef d'oeuvre inoubliable.
Merci.