vendredi 31 mars 2023

Mettre les pendules à l’heure.

Au clocher d’une l’église sensée siéger au centre du village, bouger les aiguilles du cadran de l’horloge signifie symboliquement la volonté de clarifier les enjeux, de se ressaisir.
Mais pratiquement avancer ou reculer d’une heure ne dépend plus de nous, ordis et fours obéissent à des ordres hors de portée de mains.
L’expression : « remonté comme un coucou suisse » n’évoquera plus grand-chose et les interrogations concernant la course du soleil ne sont plus de saison.
Au-delà du geste ténu envers une montre bientôt aussi obsolète que l’oignon de mon grand-père, lire l’heure en comptant « moins dix » plutôt que «  cinquante » permettait de mieux envisager le temps qui passe.
Par ailleurs, dès la maternelle, jouer à la marchande avant de savoir rendre la monnaie ou peser avec des poids, faisait partie des jeux menant vers la fonction « compter » qui allait avec « lire » et « écrire » au fronton des écoles. On mesurait le prix des choses.
Il est plus courant désormais de voir les petits mimer des dialogues lointains en ignorant l’interlocuteur présent en face d’eux. Les élèves se dispensant de retenir les tables de multiplication étaient les précurseurs de ceux qui ne savent plus compter à l’heure des calculettes.
Il est des américains-ils en sont revenus semble-t-il- qui ont envisagé d’abandonner l’écriture puisque des claviers sont à disposition.
Ils n’ont  pas attendu d’avoir perdu la main s’appliquant à former les lettres pour perdre leur tête. Le niveau ayant baissé, baissera encore, à mesure que l'intelligence artificielle progressera.
Les performances des GPS n’obligent plus à savoir lire une carte mais ne dispensent pas de savoir où on habite.
Philippe Mérieux ne mésestime pas les performances techniques du ChatGPT ni ses séductions, mais dans un article convaincant du «Monde » estime 
« que le robot abolit la dynamique du questionnement et de l’apprentissage. » 
Nous nous rebiffons contre les ordinateurs, grands ordonnateurs, déshumanisants, tout en appelant à plus de sagesse, de rationalité alors que notre fragilité s’abime dans le catastrophisme et le manichéisme. Quand l’apocalypse nucléaire est brandie à nos frontières, les préventions contre la science peuvent se confirmer et aller vers les délires d’une terre plate d’avant les vaccinations. 
De nobles sentiments amplifiaient nos fantasmes romantiques de jadis, ils perdurent parfois jusqu’à des âges avancés et frisent le pathétique avec les désirs pris pour la réalité. On en viendrait à souhaiter des algorithmes pour abolir délires et haines. Mais plus ça va, plus les nuances deviennent obsolètes.
Heureusement dans l’excellent « Franc-Tireur » Raphaël Enthoven revient à Victor Hugo : 
« Quelquefois le peuple se fausse fidélité à lui-même. La foule est traître au peuple. » 
Et  j’aurai bien ajouté, dans un article récent où je m’interrogeais sur « les durs de la feuille », cette phrase prise dans un développement qui distingue le peuple et « la foule qui croit défendre la démocratie chaque fois qu’elle agresse un de ses représentant. Et comme elle n’entend que son propre vacarme, la foule est persuadée qu’on est sourd chaque fois qu’on ne lui répond pas. » 
S’il est des riches formules comme celle-ci pêchée je ne sais plus où  
« la retraite peut être vécue comme l’été indien de la vie »
quelques commentateurs rigolos ou pas, ajoutent parfois leur courte-vue à une certaine paresse. Le Président de la République est infiniment plus critiqué que le président du national rassemblement et je n’arrive pas à trouver d’analyse contredisant la fatalité d’une victoire annoncée de l’extrême droite. 
Étrange démocratie où les sondages effaceraient les votes : des élus mal élus ne cessent de remettre en cause la légitimité d’autres élus et ont oublié ce qu’est l’humanisme lorsqu’ils promettent la poubelle à leurs adversaires… voire la guillotine !
La violence de l’extrême gauche profite à la droite extrême et les deux s’excitent quand les flammes prennent. Quel parti avait la flamme comme symbole ? 

1 commentaire:

  1. Pour l'heure, quelques remarques : j'ai une hypothèse que le calendrier grégorien s'effondre en ce moment d'effondrement de nos croyances chrétiennes, ce qui contribue à nous laisser assez....désorientés, si je puis dire. Dans mon enfance on trouvait encore des montres avec des chiffres romains, et c'était intéressant : d'une part ça offrait une polysémie : la possibilité de compter avec les chiffres romains, et pas que les arabes. Puis, si tu réfléchis, le fait de connaître l'heure sur une montre ancre la lecture dans différentes dimensions : l'emplacement des chiffres sur un cadran où on les voit à côté d'autres, en rapport, alors que pour le numérique on ne voit... QU'UNE représentation, donc, il y a une absence de contexte pour pouvoir comparer, et trouver la signification. L'absence de contexte pour interpréter est... fatale pour trouver un sens avec nuances. Absolument... fatal.

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