vendredi 3 mars 2023

Soumis.

Quand je retombe sur des conneries que j’ai pu proférer du temps de ma jeunesse forcément péremptoire, je devrais avoir appris à modérer mes propos de papyboomer sans m’empêcher de relativiser les impératifs des bébés rois que nous avons fabriqués.
Dans mes revirements et autres affaissements idéologiques, je garde le goût du paradoxe et un taquin esprit de contradiction.
« Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin  
où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient.
Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. 
- Et je l’ai trouvée amère. 
- Et je l’ai injuriée. » Arthur Rimbaud
Pas plus qu’adepte du « jeunisme », je m’en voudrais de mériter le mot « insoumis », galvaudé par de vieux manouvriers soit disant bolivariens, aplatis devant les nouveaux Torquemada de la woke culture des campus nord américains. Ne se contentant pas d’être de distrayants aboyeurs alimentant la société du spectacle, les clowns haineux ont théorisé la Terreur et ne manquent pas de complices pour miner un peu plus notre République en exacerbant les passions mauvaises.
Si je ne suis pas seul à renier mes rêves de jeunesse, alimentant sans discrétion un révisionnisme finalement banal, je suis la pente de tous les renégats d’autant plus violents qu’ils ont tant aimés. Ségolène, je ne peux plus la voir, alors qu’elle m’avait tapé dans l’œil.
Mon indulgence s’était usée en des arguties acrobatiques, elle a viré en sévérité comme s’est  abimé le beau mot de fraternité ne s’appliquant plus qu’à des petits cercles loin de 
« Si tous les gars du monde 
Devenaient de bons copains 
Et marchaient la main dans la main 
Le bonheur serait pour demain »  
Crises climatiques, énergétiques, démographiques, culturelles se déroulent à l’échelle mondiale, et les fracas des guerres passent par-dessus les parapets de nos frontières. 
« L’Ukraine est entrée dans la nouvelle année comme dans une pièce sombre dont il est impossible d’allumer les lumières. » The Observer.
Les pitres d’ici peuvent rendre les armes aux héros de là bas.
Nous ne savons pas mesurer notre bonheur et ne voyons pas le malheur des autres, sinon pour les enrôler dans le vaste camp des victimes en tous genres.
Ce n’est pas faute d’être informés, ni de manquer de lucidité ni d’humanité, mais nous sommes tellement entourés d’objets prodigieux, que nos pensées, nos désirs deviennent de plus en plus magiques, oubliant la pesanteur et toute contrainte budgétaire.
Notre univers numérique impose ses logiques et nous fait tourner en bourrique, les kilomètres deviennent élastiques et les années s’anéantissent.
Pauvre école qui fut si sûre d’elle qu’elle se calcifia. Les fantômes des hussards noirs ne sont même plus mentionnés. Quand la rotondité de la terre est remise en cause, que reste-t-il à ceux qui ont échappé à la décapitation?  La crise de foi n’a pas touché que les curés et les transmissions sont brouillées ; le mot « enseignement », la position du « maître » ne se jouent plus que dans des fictions numériques à connotations moyenâgeuses. Les piques contre le travail scolaire ont érodé toute autorité, le couteau a remplacé le crayon.
- Allez Charlie dessine moi un stylo qui pleure.
- Je n’ai plus de papier, ma chandelle est morte.
La croyance en l’homme s’est muée en un discours benêt où l’on fait mine de croire à ses mensonges. Les versions douces des trumpistes n’en sont pas moins trompeuses ou dangereuses quand les défauts de l’âme humaine ne peuvent être envisagés par ceux qui sont du camp du bien et veulent votre bien malgré vous. 
Arrêtez de manger de la viande, de rouler, de skier, de vous baigner en maillot et accusez, le ciel, l’état, les autres…
« La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas » Baudelaire
 

1 commentaire:

  1. Très beau texte, Guy. Je crois partager presque ? sans réserve tout ce que tu écris dedans.
    Je te l'ai dit déjà, peut-être, mais je lis le roman historique "Claude le Dieu" de Robert Graves où l'auteur se met dans la peau de Claude, l'empereur de l'empire romain malgré lui, et sans ambition personnelle. Bien édifiant pour notre époque. Même sans Internet on retrouve l'âme humaine. A plusieurs reprises, Claude aimerait bien faire rétablir "la" république, mais... la probité, l'intégrité des "senate" (déclinaison ? je ne suis pas sûre...) n'est plus au rendez-vous. Quand vos vieux (aristocrates) sont viciés, "la" république n'a plus de sens, et plus d'avenir. Et attention, un ou deux pas viciés n'est pas assez pour assurer la relève ou... l'autorité.
    L'empire arrive... comme une fatalité dans la république. Et avec une technologie qui permet à chaque citoyen.. souverain de faire sa propre publicité du matin au soir, quel avenir pour la chose.. COMMUNE (et pas publique... nous en avons assez de la publicité maintenant) ?

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