vendredi 24 mars 2023

Zadig .N° 15. Automne 2022.

La question essentielle: « Que demande le peuple ? » en première page de ma revue trimestrielle préférée 
ne suscite pas des éclaircissements décisifs en dehors des demandes rituelles de participation à la vie démocratique, démenties par des taux d’abstention élevés.
Peut-on oser répondre : « Le peuple désire la paix et la tranquillité » ? 
Ce serait aller contre l’idée que se font bien des journalistes ne voyant essentiellement que des masses misérables toujours au bord de la révolte, depuis qu’ils n’ont pas vu venir les gilets jaunes.
Finalement c’est en marge de ce dossier de 60 pages que certains témoignages m’ont paru plus porteurs de sens.
Les gars qui « tiennent les murs » dans une cité de Strasbourg, objets d’une autre enquête, m’ont paru représentatifs de la passivité ambiante qui ne sait que nourrir les récriminations : 
«  Leur truc de réinsertion ça ne sert à rien, wallah ! Moi j’ai passé le Caces (permis pour conduire des engins de manutention) en détention… la vie de ma mère ! Je ne m’en suis jamais servi. C’est juste pour les remises de peine qu’on y va. »
Le contre-champ optimiste est offert par les carnets dessinés de Mathieu Sapin décrivant la journée très chargée du maire admirable de Clichy sous Bois ou par l’accompagnement de bénévoles du Secours catholique venant en aide aux migrants à Calais.
La photographe qui a suivi une jeune boxeuse du côté de Roubaix rend bien l’énergie de l’adolescente et celui qui a créé un site permettant aux aveugles de circuler dans le métro sans aide extérieure est étonnant. 
Amélie Nothomb, lors d’un entretien approfondi, livre des réflexions intéressantes sur notre pays : sa complexité administrative et notre culte du conflit, 
alors que Leïla Slimani revient sur le racisme. 
Les paroles d’Abd Al Malick me semblent tellement banalement conformes à l’air du temps que je comprends son succès, sans l'apprécier,
par contre est passionnante la vie du mécène Albert Kahn qui a financé  au début du XX° siècle des photographes afin de constituer « Les archives de la planète » en couleurs. Jaenada raconte quelques histoires incroyables 
et Benacquista son déménagement. 
Un portfolio essaye de saisir l’image d’un loup dans le Massif Central 
et le récit de la mort d’un ancien photographe spécialisé dans le flamenco nous glace : il est resté allongé sur le trottoir à Paris, rue de Turbigo, pendant 9 heures avant qu’une SDF appelle les secours, trop tard.
La page consacrée à l’étymologie des mots explique la filiation entre « grammaire », « grimoire » et « glamour ». 

1 commentaire:

  1. J'éprouve beaucoup de perplexité...Depuis que j'ai vu "Merci, Patron", j'ai réalisé que nos sociétés étaient régies par l'idée que notre pouvoir de... peuple... est un pouvoir anonyme, émanant non pas de nous comme des personnes, mais de notre poids de masse pesant sur les comportements de grands patrons ? grandes industries, "grands"... gouvernants ?, essentiellement grâce à notre portefeuille, nos achats de consommateurs. Une "démocratie" de consommateurs, en quelque sorte. Le suffrage universel se montre assez limité, contrairement à notre attente... béate ?, pour nous donner l'impression de peser sur la marche du monde à la hauteur de notre déraisonnable ambition.
    La passivité ambiante illustre peut-être l'ampleur de la perte de foi dans nos idéaux, comme je le répète, notre fatigue... décadente, de décadents, car la décadence est avant toute chose une fatigue du monde tel que nous le voyons, une incapacité de le transformer par le biais de notre imagination qui n'est pas grandement sollicité en ce moment, de mon point de vue. Trop de... réalisme "bien pensant" tue l'imagination.
    Je reviens à une petite lecture d'il y a longtemps : "Le déclassement" : peu de pages, mais très denses, pour rendre compte de combien nous avons peur de... perdre... notre confort, notre train de vie, certaines facilités de nos existences (et encore, ça dépend pour qui).
    Albert Kahn fut aussi le créateur d'un très beau jardin dans les environs de Paris, je crois. Quand il m'arrive (si rarement maintenant...) de me déplacer à la capitale, je recherche ses jardins, des lieux de paix et de tranquillité par excellence, loin de ses rues passantes et bruyantes où on peut jouer les coudes pour aller plus vite en laissant quelqu'un gésir pendant 9 heures sans le voir (mais ça me semble incroyablement incroyable, tout de même...).
    Moralité : n'idéalisons pas le peuple...
    Je vais regarder l'étymologie de "grammaire" de près.
    Merci.

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