vendredi 6 mars 2020

Haine est là.

Mériterai-je le « point Goldwin » que j’avais réservé à d’autres qu'à moi même en vue d’agrémenter des polémiques où la référence au nazisme vise à clore toute discussion ?
Marine, dont le parti est arrivé premier aux européennes - que le rouge nous vienne au front - n’a tué personne. Mais le populisme s’étend dans tous les pays et prend place dans bien des têtes pour attaquer la démocratie. 
Des mesures autoritaires appelées par l’urgence climatique seraient sans doute nécessaires, alors que des réfugiés se heurtent aux barbelés des frontières, Covid passé par ici, repassera par là.
La menace de l’arrivée du Rassemblement National n’a pas besoin d’attendre la prochaine présidentielle, car bien des réactions présentes venant de tous les azimuts, des actions, des réflexions donnent un avant goût d’un pays où la violence aurait gagné. Quand certains qualifient notre nation de dictature, que disent-ils des dirigeants de Chine, Russie, Inde, Brésil, E.U, Turquie…?
Tout se touche : l’hégémonie culturelle mise en évidence par le communiste Gramsci, que l’extrême droite a lu, est en train de gagner les mœurs de nos contemporains, et ce n’est pas celle de la fraternité.
L'agressivité anonyme, jouant de l’amalgame et des passions est omniprésente, amplifiée par les réseaux, qui esthétisent, hystérisent les comportements les plus funestes. Des cagoulés à chemise noire se disent d’extrême gauche et nourrissent la bête qui se réchauffait avec eux sur les ronds points.
La  barbarie était certes plus manifeste dans les forêts médiévales que dans les halls d’immeubles de Mistral, cependant quelques siècles ont passé et les conditions de vie et d’éducation ont évolué parait-il, qui nous rendent plus sensibles, en tous cas à la cause animale à défaut de l’humaine condition.
Les mouvements tapageurs qui emportent les foules ont toujours fait partie du tableau.
La vitesse avec laquelle s’est diffusé l’article « On se lève. On se casse. On vous emmerde » de Virginie Despentes interroge. Elle jouit de sa propre agressivité, mixant tous les sujets, alors que bien sûr l’organisation du cinéma français mérite débat et que les violeurs doivent être punis et les harceleurs dénoncés. Par les portes béantes passe tant de monde, qu’il n’est pas besoin de dégueuler ni de gueuler à ce point !
L’auteure de « Baise moi » persiste dans l’ignoble qui se rappelle à nos souvenirs quand après la tuerie de Charlie Hebdo elle écrivait : « J’ai aimé aussi ceux-là qui ont fait lever leurs victimes en leur demandant de décliner leur identité avant de viser au visage. » Les Kouachi remplacent la Christine Willemin de Duras : « Sublime, forcément sublime ».
Les féministes traquent les mâles à condition qu’ils soient blancs, leurs soutiens à Mila, ont été bien timides. Qui s’en souvient ?
Quelques livres écrits par François Hollande déchirés à l’Université ne sont pas du niveau des autodafés de 1933 en Allemagne, mais ce geste survenant après des intimidations, des interdictions dans un milieu où la contradiction fut de mise, je m’inquiète surtout de la discrétion du bruissement des réseaux à cette occasion. Ils sont bien plus tonitruants lorsqu’il est question d’une récompense de cinéma.
De même qu’à Grenoble, les incendies d’une église, à l’Hôtel de ville, de la gendarmerie de Meylan, de véhicules, de locaux d’entreprises, de la station radio France Bleu … n’ont guère choqué les indignés habituels. Grandes flammes anars font des étincelles chez petites flammes tricolores.
L’anti parlementarisme  a toujours préparé la venue de régimes totalitaires ; chez nous des parlementaires contribuent au discrédit des institutions.
Le populisme aux accents de l’Amérique latine rencontre celui de l’Est de l’Europe et les ressorts sociologiques croisent ceux de la psychologie la plus sommaire, flattant toutes les paresses, les ressentiments les plus bas : « la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine » a dit Mélenchon, un ancien journaliste. L'indulgence des chroniqueurs qui ont subi une telle diatribe recouvre peut être une conscience de leurs insuffisances. Durant la guerre froide quelque « hyène dactylographe » rodait dans les colonnes mais la formule parvenue jusqu’à nous, avait choqué.
Pour peu que soient rappelés des faits historiques ou que des comparaisons s’établissent avec d’autres contrées, le risque de passer pour un cuistre est automatique. C’est que le mépris des intellectuels court depuis si longtemps qu’il en est devenu banal. Les profs s'écrasent souvent, les maîtres ont disparu, les clercs rasent les murs, et il arrive que des collèges et des maternelles brûlent et que des facs soient saccagées. Où va-t-on inscrire la devise républicaine si les murs des écoles s’écroulent et pas seulement symboliquement?  
« Le zèle des amis est parfois plus néfaste que la haine des ennemis. » Schiller.
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Dans Courrier International:

2 commentaires:

  1. tu es très pessimiste... Il faut lutter, par la raison opiniâtre, par le dialogue, par le maintien du livre, de la lecture, de la culture partout et en tout lieu! Ne baissons pas les bras! A un de ces jours... en buvant un café peut-être?

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  2. Je partage assez ton pessimisme.
    A l'heure actuelle, je n'écoute plus les informations, ni ne les lis. Pas sur la radio, sur papier, ou sur Internet, d'ailleurs. On peut dire que c'est un comportement irresponsable... peut-être. Mais j'essaie de rester polie avec les gens, et les écouter, et parler aussi avec eux, bien sûr, dans les lieux publics ou autres. Même inviter des gens chez moi, autour de la table, pour partager un moment de... fraternité, pour employer un mot que tu as cité. (Mais je crois que je préfère la valeur "amitié" à la valeur "fraternité", voir plus loin.)
    Pour la situation politique, il me semble que l'homme de la rue sent à juste titre combien ça le dépasse, et combien les décisions se prennent loin de lui, dans des lieux où il n'est qu'un chiffre, ou un clic sur une souris. Avoue que c'est très déprimant de sentir autant d'impuissance.
    Beaucoup de gens, dont les gens dans les ronds points qui ne sont pas forcément des barbares, d'ailleurs, ressentent douloureusement une fracture dans le pays entre ceux qui "ont" la culture (et l'argent), et ceux qui sont méprisés... par ceux qui "ont" la culture.
    Et pour l'école (de la République), elle est bâtie sur le principe, et le postulat que l'Eldorado est le résultat d'un parcours scolaire qui mène à un diplôme universitaire (preuve tangible de l'intelligence) censé garantir la place sociale, et les revenus d'une personne. Combien de temps cela peut-il durer ? Il me semble qu'il est... universel que même les gens les moins instruits, avec peu ou pas de diplômes, ont soif de sentir qu'eux aussi, ils ont un savoir à partager, à transmettre, qu'ils sont dignes d'intérêt et d'écoute, en chair et en os. Or, ce savoir est minimisé, voir nié. Surtout, les lieux où une mixité sociale est possible diminuent de jour en jour.
    Et puis, tu dois savoir que c'est au moment où la République fléchit le plus, au moment où ses valeurs sont le plus attaquées, au moment où elle est dans le caniveau qu'"on" profite pour la ruer de coups. Elle paie le prix de notre déception/désillusion. Terrible constat.
    Et puis encore... j'ai déjà du le dire ici, la fraternité a toujours été une valeur bien fragile pour fonder la collectivité. La valeur la plus fragile, d'ailleurs. Ça se vérifie à chaque génération. Quand le vieux père s'en va, il est fréquent que la génération suivante se déchire autour de l'héritage. Je ne suis pas sûre que les choses vont changer beaucoup si jamais c'est la vieille mère qui s'en va, d'ailleurs...non, non, non, la femme n'est pas meilleure que l'homme, et je ne vois pas pourquoi tant de personnes ânonnent qu'elle est l'avenir de l'homme.
    Pour le mépris des intellectuels, encore un terrible constat : on ne t'enlève de force que ce que tu as déjà cédé quelque part. Certes, il est difficile de maintenir l'assurance tranquille de ses valeurs dans un monde qui semble cracher dessus, mais personne ne nous a jamais dit que notre vie serait sans heurt, ou difficulté. D'autres ont vécu ce que nous vivons, et en pire. Pour la civilisation, nous n'en sommes plus à l'endroit où on crucifiait les (pauvres) criminels. Pour l'instant, en tout cas.
    Bon, assez glosé pour ce soir...

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