lundi 9 mars 2020

J’accuse. Roman Polanski.

Je croyais connaître l’affaire Dreyfus depuis mes années lycée, mais ce film de 2h et 1/4 permet d’envisager bien d’autres enjeux, de mesurer les mutations entrainées par « L’Affaire » et quelques constantes sociétales, après que cette œuvre récompensée aussi à Venise ait donné envie d’aller plus loin.
Emmanuel Levinas rapportait ce que disait son grand-père : « Un pays qui se déchire, qui se divise pour sauver l’honneur d’un petit officier juif, c’est un pays où il faut rapidement aller. »
Dès le premier plan, avant la fameuse cérémonie de dégradation, nous saisissons toute la puissance de l’armée à laquelle chaque protagoniste va affirmer sa fidélité :
 « Soldats, on dégrade un innocent, soldats on déshonore un innocent. Vive la France ! Vive l'armée ! » Dreyfus.  
Après la défaite de 1870, l’institution se devait d’être infaillible: il a fallu 12 ans pour que l’alsacien soit réhabilité après une incarcération cruelle de quatre ans à l’île du diable.   
En plus de l’épaisseur documentaire, nous sommes pris dans un palpitant suspense, à travers le cheminement du colonel Picquart, d’abord antisémite comme tout le monde, qui va jouer un rôle déterminant pour la manifestation de la vérité. Sa rigueur morale, son courage ont dû affronter la violence des foules manipulées et les mensonges, l’aveuglement des gouvernants.
Dujardin est impeccable dans le rôle et tous les acteurs à la hauteur, la reconstitution est agréable, le découpage efficace et même le décor du bâtiment du contre espionnage qu’il dirige a une présence envoutante : un film à voir.

2 commentaires:

  1. C'est drôle, mais cette affaire Dreyfus soulève des problèmes très similaires au dilemme de Kurt Gerstein dans son combat pour essayer d'arrêter l'assassinat de masse des Juifs dans les camps lors de la deuxième guerre mondiale.
    La confrontation entre le fils, Kurt, et le père Gerstein, juge de la paix, incarnant... le vieil ordre, donne une idée de ce qui est en jeu, et que nous persistons à nier, si j'ose dire.
    Il se trouve que l'armée est un corps (de métier). Il y règne.. un esprit de corps. Depuis que le monde humain est monde, le principe même de la défense de la nation (donc... des civils, des innocents, des non combattants...) suppose que des hommes obéissent à d'autres qui sont chargés de l'autorité de donner des ordres. Pour que l'armée (ou n'importe quel autre CORPS DE METIER) fonctionne, il faut que les gens obéissent aux ordres. Il faut que, momentanément, ils abdiquent, ou mettent de côté, leur propre LIBERTE INDIVIDUELLE au profit d'une entité plus large.
    Et en temps de guerre, celui qui n'obéit pas, il devient lui-même un ennemi, QUELLES QUE SOIENT LES RAISONS POUR LESQUELLES IL N'OBEIT PAS.
    Ça fait quelques générations que M. et Mme Lambda Lebrun en France, en Europe de l'Ouest ne se trouvent pas confrontés à la menace imminente d'une guerre menée par un ennemi... extérieur, sur leur sol. Ces quelques générations ont laissé le temps pour qu'éclose une énorme.. inconséquence faite de bonnes intentions eau de rose autour de la liberté (d'expression) de TOUS LES INDIVIDUS pris individuellement, etc., à un degré qui frise le délire collectif/individuel.
    Au risque de paraître totalement.. réactionnaire, je vais oser énoncer les enjeux niés par notre génération de bien pensants : quels sont les risques pour la nation et la collectivité, de discréditer PUBLIQUEMENT ET DANS UN GRAND ECLAT les dirigeants (même sans honneur, sans vertu, sans compétence...) de l'armée, de porter atteinte à l'institution, et à la l'autorité de l'armée elle-même, pour "sauver" l'honneur d'un individu accusé injustement ? (En plus, j'irai plus loin : quels sont les risques de porter atteinte à l'institution de la République, à nos dirigeants ?) Surtout, comment palier à la corruption au sein d'une institution si vitale pour la défense de la nation, sans jouer la carte de la publicité ? (Mais nous... pourquoi avons-nous si grandement PERDU notre attachement à cette institution, en grande majorité ? Pourquoi est-ce que cela nous semble, à tant d'entre nous, une grande.. plaisanterie ?? Tu trouves ça... normal ? ou serait-ce le symptôme de quelque chose que de nouveau, NOUS NE VOULONS PAS VOIR ?...)
    Quand on songe que ce qui nous fonde, notre héritage romain, s'appuyait sur la capacité MILITAIRE d'attaquer, et de se défendre, et que nous sommes encore debout, grâce à la conjugaison de cette capacité militaire, et la loi romaine, le Pax Romana, qui est toujours... notre paix, où en sommes-nous maintenant, tranquilles dans nos fauteuils, et devant nos écrans, dans nos urbs ?
    Pour le film... oui, je l'ai aimé, je partage ton avis, et ton intérêt, mais il ne m'a pas semblé un grand Polanski...

    RépondreSupprimer
  2. Difficile et louable de louanger un grand cinéaste et directeur d'acteur dont les courts métrages d'étudiant déjà étaient brillantissimes. Mais l'actuelle chasse aux sorcières décrétée au départ des états unis a enlevé toute objectivité possible, créé un assentiment général pour cette vindicte impérative. En cette affaire, le droit américain s'est imposé chez nous dans sa tradition admise et inique de chasseur de prime. Ainsi comme au far west de légende, une fois la personne flairée échappant aux lois de l'oncle Sam, ce dernier bien qu'en dehors de sa juridiction délègue sans hésiter ses requêtes par l'entremise de ses valets et de leur meute accusatrice en activant les médias, les procureurs improvisés du showbiz pour susciter les sensations, et un buzz permanent afin d'obtenir un consensus unanime d'opprobe et de bannissements. Diablement imparable, efficace, exagéré, même honteux de prétendre surseoir à la justice rendue et de poursuivre d'une telle vindicte en son pays un homme contesté certes, si pas honorable du moins artiste émérite honoré pour son oeuvre filmique assurément indiscutable. Il s'agit pas de répondre servilement aux injonctions et exigences américaines ; la justice ayant cour en nos pays européens suffit pour interroger le citoyen suisse Roman Polansky l'obliger à répondre de ses actes passés, voire de comportements malsains qu'il n'est pas question d'excuser et ensuite lui garantir le respect de la chose jugée en nos frontières. Rappeler à chacun qu'il est en droit de vivre sans crimes de sang attaché à sa personne; qu'il est toujours ostracisé chez nous, vilipendé par de sottes démonstrations de dénigrement à l'instar de la pitoyable prestation d'une humoriste pathétique le brocardant sans le nommer aux Césars. Raison garder, Polansky a survécu enfant à un holocauste programmé, il a enduré dans sa vie intime un drame criminel effroyable , ce qui ne l'excuse en rien et il n'a sans sans doute pas eu des comportements adéquats totalement respectueux envers les femmes qu'il a aimé et approché par la suite. Il s'est soustrait à une justice américaine sensationnaliste sourcilleuse qui aime à étendre ses revendications impératives de droit hors ses frontières et nos états valets européens ont complaisamment embrayés dans cette chasse aux sorcières nouvelle version made in USA. Le sujet n'est presque plus abordable et dénote notre aveuglement, l'effroyable gangrène et mise au pas des campagnes médiatiques serinant leurs impératifs de bonne conscience à bas prix partagé toutes heureuses et imbéciles de reléguer, dénigrer, pourrir la vie d'un homme méjugé, quoi qu'on dise, sans lui laisser la moindre chance pour une considération objective .

    RépondreSupprimer