dimanche 8 mars 2020

Joueurs, Mao II, Les noms. Don DeLillo. Julien Gosselin.

Spectacle de plus de 9 h : munis d’un bracelet rose, nous sommes autorisés à entrer et sortir à notre guise. Cette tolérance désacralise la représentation qui ne débute plus depuis belle lurette avec trois coups. Pour la pause la plupart des spectateurs visent entre deux pièces au moment du remue ménage des décors.  
Si l’intitulé énumère trois titres de livres de l’auteur américain, il ne fait pas émerger un sens particulier à ces heures saturées de mots dont les intentions m’ont semblé partir en tous sens.  A l’heure où les candidats en politique proposent de ne pas décider eux, mais promettent aux habitants le dernier mot, les artistes nous laissent plus que la marge pour interpréter ce que les interprètes ont bien voulu dire. Il n’y pas que les maîtres devant leurs tableaux noirs qui ont disparu, les managers derrière leur Power point ménagent leurs clients, leurs ouailles, leurs collaborateurs.
Les créateurs posent sur le plateau cette indécision, ces désarrois, cette crise des valeurs.
La salle n’est pas comble malgré le côté exceptionnel de la proposition mais les départs définitifs restent assez rares.
Des bouchons d’oreille nous sont proposés car la musique électro est prépondérante.
La langue est belle et l’écrivain qui m’était inconnu mérite le détour. Après cette rencontre tonitruante, une lecture apaisée pour goûter sa poésie vigoureuse s’imposera.
Cette citation provient du site Babelio, elle n’a pas été prélevée lors de cette journée où l’humour s’est fait discret:
« Je suis passée à côté.... pourtant j’aime DeLillo... j’ai accroché aux 50 premières pages puis aux 30 dernières superbement écrites en digne héritier de Faulkner.... pour le reste il m’a perdu, trop bavard, trop de circonvolutions au détriment de l’action. Un roman américain pour les new-yorkais... je ne me suis attachée à aucun personnage ».
A la sortie d’un tel spectacle, me venait la comparaison avec un monument,  voire, allons-y, une cathédrale, pour l’ambition, l’ampleur, la masse des techniciens et des acteurs requis même si le verdict des siècles demeure incertain.
Il y a de belles fresques qui peuvent rester énigmatiques pour ceux qui n’ont pas la foi, et quelques morceaux de bravoure telles de magnifiques statues posées ça et là par des officiants talentueux.
Les parois de verre coulissantes, les voilages sont devenus des décors habituels et un final tout le monde à poil a déjà été vu. La présence de caméras est systématisée.
Pensant échapper aux écrans qui envahissent nos vies, nous nous retrouvons lors d’un spectacle vivant à regarder essentiellement  par écrans interposés l’image des acteurs équipés de micros HF. A un moment, au milieu de la vaste scène est édifiée une cabane en contreplaqué très installation art contemporain, dans laquelle jouent les acteurs jusqu’à ce que leur image même disparaisse pour ne garder que la voix. Ce choix est fort et novateur.
La succession de trois pièces de trois heures chacune à la queue leu leu dans un format hors norme fait passer  au second plan le fil narratif qui évoque l’ennui, la chair triste, la peur venant de toutes parts, et un terrorisme assez daté. Mao et Moon sont de vieilles lunes.
Pourtant, comme avec son précédent spectacle,  de par sa durée exceptionnelle son inscription dans la mémoire supplantera sans doute d’autres représentations bruyantes derrières leurs parois de verre.   
http://blog-de-guy.blogspot.com/2017/01/2666-julien-gosselin.html

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