jeudi 28 avril 2016

L’art du portrait au XVIII° siècle. Fabrice Conan.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble a feuilleté pour nous le grand livre d’histoire de l’époque où furent allumées des lumières, en prêtant plus d’attention aux peintres qu’à leurs modèles, bien qu’avec le « Louis XIV » par Hyacinthe Rigaud, difficile d’oublier sa majesté. Réalisé pour que le petit fils partant pour l’Espagne garde le souvenir de son grand-père, ce portrait va appeler de nombreuses répliques. Sous le céleste dais rouge, le pouvoir terrestre est drapé dans sa dignité. La composition rigoureuse de cette toile va influencer toutes les représentations officielles des chefs d’Etat. Bien que la couleur bleue s’éloigne du royal manteau, violet en principe lors du sacre, et que la fleur de lys du sceptre étouffe dans un coussin, les jambes découvertes du danseur ne mettent pas en cause une autorité indiscutable. L’épée de Charlemagne dite « la Joyeuse » en impose et le raffinement dans le détail, le moelleux des tissus seront applaudi.
Une des œuvres de jeunesse de Rigaud représente son ami le sculpteur « Martin  Desjardin » placide et attentif 
et plus tard sa "Menasseuse" ne manque pas de caractère. Il n’a même pas eu besoin d’effectuer le traditionnel voyage en Italie des apprentis peintres, 
sa spécialité sera le portrait (400). Il réunit pour une fois ses confrères« Le Brun et Mignard », et en plus intime dresse le double portrait de sa mère à destination du sculpteur Coysevox qui ne l’avait jamais vue.
« Le cardinal Dubois », jugé « chafouin » par Saint Simon, joua un grand rôle diplomatique sous la régence, mais je retiens plus volontiers qu’il serait à l’origine de la contrepèterie de la comptine : « Il court, il court, le furet »… « Il fourre, il fourre, le curé ».
Hyacinthe, natif de Perpignan, recommandera Jean  Ranc, le fils de son formateur Antoine Ranc, à la cour d’Espagne. Celui-ci use aussi des drapés, de l’hermine et des colonnes dans un portrait de louis XV. 
Les belles lumières de  son « Vertumne et Pomone » au musée Fabre fixent dans nos mémoires, l’histoire de Vertumne déguisé en vieille femme pour séduire Pomone la nymphe aux beaux fruits qui préférait la conversation des plus âgés, mais ne sera pas déçue par la supercherie.
La clientèle, d’un autre portraitiste, Nicolas de Largillierre, qui travailla beaucoup en Angleterre, était moins aristocratique et son «  Elizabeth Throckmorton chanoinesse de l'Ordre des Dames Augustines  » est d’une grande force.
« Guillaume Coustou » sculpteur lui aussi représenté par Jacques-François Delyen est crédible, robuste et vigoureux. Charles est le plus connu de la dynastie Van Loo, et sa notoriété à l’époque fut considérable. Ses portraits de Louis XV en campagne, de Marie Leczinska, Reine de France, d’Innocente Guillemette de Rosnyvinen de Pire 
ou de « La Marquise de Pompadour en jardinière » tellement bien mise en scène que l’on disait « vanlouter » pour des dispositifs trop apprêtés, sont de précieux témoignages.
Le portrait aujourd’hui contesté de « Denis Diderot »  est de Louis Michel Van Loo.
« Manon Balletti » est bien traitée par Jean-Marc Nattier, elle le fut aussi par Casanova. Douce mélancolie, élégance, légèreté.
Le pastel rend bien les carnations; le très vivant « Abbé Jean-Jacques Huber », happé par son travail, de  Maurice Quentin de La Tour, en est une preuve.
Le vigoureux Jean-Baptiste Perronneau, plus rude, rend bien les vérités psychologiques, voir son Portrait de  « Madame de Sorquainville ».
Francois-Hubert Drouais, représente les descendants lointains de Godefroy de Bouillon « Les enfants du duc de Bouillon déguisés en petits Savoyards »
et  avec «Le comte d'Artois et sa sœur, madame Clotilde », les enfants apparaissent, la chèvre diabolique apprivoisée.
« Madame la Dauphine, Marie-Antoinette » en Hébé, divinité de la jeunesse, signe la fin d’une époque où les travestissements mythologiques se démodent, alors que le style rocaille ou rococo disparait avec le retour du classicisme. 
Entre ses cadres dorés, la peinture de portraits , « une frénésie française du paraître », a témoigné « d’un renouveau vers l’intime, et donné un visage d’insouciance aux protagonistes du siècle des lumières ».

2 commentaires:

  1. Quel contraste entre les premiers portraits, et le dernier, de Marie Antoinette...
    Des personnes vivantes apparaissent sous les déguisements, singulières.
    Il y a quelque chose de mort et empaillé dans le portrait de Marie Antoinette.
    Je ne crois pas que Marie elle-même fut morte et empaillée, mais.. le regard de l'époque, visible dans ce portrait, du moins, ne lui permet pas de vivre.
    J'adore les tableaux de jeunes femmes de Nattier, depuis toujours. Le meilleur de l'esprit français appliqué à regarder une belle jeune femme aristocrate la plupart du temps, il me semble ?
    Curieux tableau, le "Vertumne et Pomone". Ici, les couleurs sont très éclatantes. L'histoire mythologique nous vient d'où, tu sais ?
    Merci d'avance.

    RépondreSupprimer
  2. Le sujet de ce tableau trouve sa source dans le XIVe livre des Métamorphoses d’Ovide. Pomone, nymphe d’une très grande beauté,veille sur les fruits et les jardins. Vertumne, dieu du jardin et du vin veille
    lui sur les transformations de la nature au fil des saisons. Ce dernier tente en vain de séduire Pomone en prenant l’apparence d’un laboureur, d’un vigneron, d’un moissonneur. Il y parvient enfin en prenant l’apparence d’une vieille femme et c’est la rencontre avec cette dernière que le peintre
    a choisie de représenter ici.
    L’histoire de Vertumne et Pomone est un des sujets les plus fréquemment représentés dans la peinture en France au XVIIIe siècle. De nombreux artistes, de Watteau à Boucher, se sont plus à explorer les ressources qu’offre le rapprochement de la beauté et de la vieillesse tout comme l’image de la vertu menacée.Renseignements copiés/collés depuis la documentation du musée Fabre de Montpellier.
    J'ai choisi parmi la banque d'images de Google la plus contrastée pour permettre les agrandissements mais peut être est-elle trafiquée?

    RépondreSupprimer