J’ai fermé le livre et je l’ai tenu dans mes mains comme une
pierre que j’aurais ramassée dans le dernier
champ labouré par mon père, et l’ai rouvert à la page de la citation qui précède le récit,
« Nous ne
possédons réellement rien ; tout nous traverse » Eugène Delacroix
Il n’y a pas plus juste pour décrire ce roman de 200 pages.
Une fille de paysans qui n’est pas faite pour les travaux
des champs va étudier les lettres à
Paris, mais elle ne sera jamais parisienne.
Je partage intimement ce passage d’un monde à l’autre, cette
distance entre un monde qui meurt qu’elle comprend au-delà des mots et
l’univers affolé de la capitale qui ne l’éblouit pas mais lui procure par son
université les moyens de décrire une existence, magnifiquement.
Tout y est : ceux qui sont chez eux au Luxembourg, les librairies impressionnantes, le père
qui monte à Paris avec son petit fils dégourdi, la laverie du XIII°, Depardon
en DVD, le travail d’été à l’agence bancaire, les chiens dans les hameaux, le
tracteur rouge, …
«Le chemin est comme
un boyau, entre les noisetiers ronds et les frênes et d’autres arbres dont
personne ne dit le nom, parce que l’occasion manque de nommer les choses, et
pour qui, pourquoi, qui voudrait savoir. »
Fille du Massif Central, par ses thématiques j’ai pensé à Bergounioux
qui lui travaille le fer, elle plutôt le bois. Ses atmosphères sont
évocatrices, chargées d’odeurs, mais si elle a hérité d’une persévérance au
travail qui lui a permis de réussir ses études, elle a aussi la pudeur de ses
origines : aucun pathos et des ellipses sur des sujets concernant sa vie
amoureuse qui auraient fait l’essentiel d’autres autofictions.
La balançoire :
« Elle ne servait
plus vraiment maintenant que les trois enfants de cette ferme étaient déjà
presque grands, assez grands pour commencer à perdre, à oublier, le goût
forcené de la balançoire jetée dans l’air bleu sous l’érable, le corps lancé
arraché à la force des jambes, et du buste tendu, bercé le corps dans cette caresse
insolente de la balançoire. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire