samedi 20 avril 2013

Les pays. Marie Hélène Lafon.



J’ai fermé le livre et je l’ai tenu dans mes mains comme une pierre que j’aurais ramassée dans le dernier  champ labouré par mon père, et l’ai rouvert à la page  de la citation qui précède le récit,
« Nous ne possédons réellement rien ; tout nous traverse » Eugène Delacroix
Il n’y a pas plus juste pour décrire ce roman de 200 pages.
Une fille de paysans qui n’est pas faite pour les travaux des champs va étudier  les lettres à Paris, mais elle ne sera jamais parisienne.
Je partage intimement ce passage d’un monde à l’autre, cette distance entre un monde qui meurt qu’elle comprend au-delà des mots et l’univers affolé de la capitale qui ne l’éblouit pas mais lui procure par son université les moyens de décrire une existence, magnifiquement.
Tout y est : ceux qui sont chez eux au Luxembourg, les librairies impressionnantes, le père qui monte à Paris avec son petit fils dégourdi, la laverie du XIII°, Depardon en DVD, le travail d’été à l’agence bancaire, les chiens dans les hameaux, le tracteur rouge, …  
«Le chemin est comme un boyau, entre les noisetiers ronds et les frênes et d’autres arbres dont personne ne dit le nom, parce que l’occasion manque de nommer les choses, et pour qui, pourquoi, qui voudrait savoir. »
Fille du Massif Central, par ses thématiques j’ai pensé à Bergounioux qui lui travaille le fer, elle plutôt le bois. Ses atmosphères sont évocatrices, chargées d’odeurs, mais si elle a hérité d’une persévérance au travail qui lui a permis de réussir ses études, elle a aussi la pudeur de ses origines : aucun pathos et des ellipses sur des sujets concernant sa vie amoureuse qui auraient fait l’essentiel d’autres autofictions.
La balançoire :
« Elle ne servait plus vraiment maintenant que les trois enfants de cette ferme étaient déjà presque grands, assez grands pour commencer à perdre, à oublier, le goût forcené de la balançoire jetée dans l’air bleu sous l’érable, le corps lancé arraché à la force des jambes, et du buste tendu, bercé le corps dans cette caresse insolente de la balançoire. »

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