Nous flânons jusqu’la boîte du fado « A severa » en passant par les grosses artères et par le miraduro de Sao Pedro de Alcantara face à Lisboa baignant dans la lumière dorée du couchant.
Nous sommes accueillis par un majordome en costume qui nous introduit cérémonieusement derrière une deuxième porte en bois. Nous sommes installés à la table réservée dans une salle sans fenêtre, azulejos non figuratifs et vues de Lisboa anciennes. Un garçon s’enquiert assez vite auprès de nous de notre choix d’apéritif : nous nous proposons d’essayer le ginjha, la liqueur de cerises typiquement lisboète. Le garçon entame une bouteille devant nous, remplit nos verres et amène les olives, du beurre et de la confiture en amuse-gueule. Il apparaît peu après chargé d’un plateau où sont exposées différentes entrées : melon, jambon, gambas grillés, crevettes et autres pour que nous fassions notre choix. Evidemment il se porte sur les crustacés. Nous sirotons tranquillement, béatement, jusqu’au moment où quelqu’un se pose la question du prix. Moment d’inquiétude et d'hilarité. Je demande la carte et notre fou rire s’amplifie car nous nous demandons si nous avons assez d’argent pour régler la note, d’autant plus que personne n’a pris sa carte bleue (28 € l’entrée). Nous nous privons du plat de résistance et de vin et faisons durer notre commande au demeurant délicieuse. J. se force à manger la carapace de sa bestiole. Heureusement les musiciens s’installent assez vite, deux instruments : guitare et guitara portugaise et quatre chanteurs deux hommes et deux femmes. Les fados sont groupés par trois d’une durée de trois minutes ; dans une semi pénombre éclairés à la bougie entre les plats. C’est surtout la plus jeune des artistes qui nous émeut par sa voix sensuelle et ses interprétations fraîches et naturelles, moins apprêtées et calculées que ses collègues. Peu à peu nous pénétrons dans le monde du fado, certains morceaux sont repris par les clients de la salle. A un moment le personnel distribue une publicité de la maison avec les paroles d’une chanson « A severa ». Le Routard nous enseigne que La Severa était le nom d’une fadista célèbre des bas fonds lisboètes dont un riche noble était tombé amoureux (1820-1846). M. n’ose sortir son enregistreur, les artistes vendent leur CD entre leurs passages vocaux. Nous pouvons régler l’addition avec soulagement, pas trop affamés sans que D. ne sorte son billet de 50€ le jour de son anniversaire. La soirée a tété réussie: fou rire et fado. Vers 11h 30, les rues sont bien vivantes, les jeunes filles et garçons vident des bouteilles face au miradouro, assis sur des bancs.
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