La phrase d’Isaac Babel, placée en introduction par Sandrine Trainer qui a vraiment joué un rôle d’animatrice dans ce débat de la République des idées, a été féconde :
« Le romancier, un soldat parti en reconnaissance »
La brillante Maylis de Kérangal récuse l’image puisqu’elle ne porte pas d’uniforme et ne se prétend pas à l’avant-garde. Son rapport au réel, qu’elle accompagne à tâtons, est empathique, elle préfère l’expression « reporter de guerre ». Emetteur et capteur.
Mauvignier auteur de romans magnifiques et forts, n’est pas du genre non plus à débiter un exposé tout ficelé : l’écriture est au cœur de sa vie et dans son expression on sait bien qu’il n’écrit pas sous tutelle, défrichant, déchiffrant la société. Il rappelle que c’est François Bon qui lui a donné le droit d’écrire, lui qui habitait rue Victor Hugo le monumental et ne se voyait pas aussi considérable, bien que son banquier aujourd’hui ait plutôt tendance à mépriser la profession d’écrivain.
Les romanciers sont à la recherche d’angles morts et ne veulent pas instrumentaliser leurs personnages, ni le lecteur. Le rythme, la pulsation, le phrasé sont essentiels dans leurs productions.
Pour qu’une œuvre d’art touche quelque chose de la vie irrésolue, il faut opacifier.
La littérature n’a jamais perdu le monde, et nous sommes entrés dans un autre temps que l’égolittérature.
Aurélien Masson éditeur de série noire vise à une possibilité littéraire de voir moins sombre, sans avoir la prétention de réparer le monde. Il aime jongler avec les mots, "faire jouer les lattes d’un plancher", cherchant des lignes de fuite.
Un air rock passe avec lui dans le meilleur des débats, pour moi, auquel j’ai assisté ce weekend.
« Un roman ça se passe dans une usine ou dans un slip »
L’écrivain a une curiosité décalée, il n’est l’obligé de personne.
L’art a beau être inutile, un luxe, la littérature se difracte, est plastique, polymorphe, elle restaure une présence au monde.
Puisque même un Zola a pu être rabattu vers la sociologie alors qu’il « envoie » le bougre, la forme ne se dissocie pas du fond.
Tout est roman ; mais il ne suffit pas d’avoir une idée, il faut savoir la raconter pour que le lecteur soit touché, modifié, perturbé, mis à l’épreuve.
La documentation n’a pas tué l’imaginaire.
A l’heure où les idéologies sont décrépies, le divertissement est un danger mais le quotidien du petit homme, le rapport à la métropole, la nostalgie alimenteront toujours les livres qui s’inquiètent.
Kafka peut être convoqué pour être l’écrivain du réel.
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