Lire Régis Debray, c’est soulever le couvercle du quotidien et se nourrir de mots grandioses et vivants, d’une musique qui rattache à l’histoire, du temps où elle fréquentait des routes escarpées. En cette dernière livraison qui regroupe quelques chroniques de sa revue Médium, c’est le vieux sautillant qui séduit et fait oublier les reproches qui lui sont adressés de « ronchon ». Avec un vieux comme lui, c’est du Viagra intellectuel. Et quand il rappelle l’Indochine, Suez, l’Algérie, le Viet Nam au moment où les belles consciences adhèrent à l’occupation de l’Afghanistan, il emporte l’adhésion. Les leçons du passé ne sont pas retenues, et même si se plaindre du présent est une occupation qui dure depuis 3000 ans, la modernité voit une recrudescence d’archaïsmes. Il rend léger les grands mots et rend sérieux, le léger. Sans que ce soit une posture, il est bien souvent à contre courant quand il dit avoir apprécié la cérémonie d’ouverture des J.O de Pékin, et s’il dit lui que l’engagement est surtout une façon de se tenir chaud, on le croit. Lorsqu’il trouve la formule : « le découronnement de l’avenir », je la note dans un coin pour la retenir. Je voulais disposer ici quelques uns de ces bonheurs d’écriture mais le mieux c’est de se procurer les 280 pages en papier ou alors juste une petite phrase : « Le frisson d’imminence n’est plus la grève générale insurrectionnelle, mais la montée des eaux de la mer ». Je m’autorise cet exercice d’admiration sans retenue, qu’il exerce lui avec finesse aussi bien pour Gracq que pour Loach, pas vraiment pour Michaël Jackson ni pour Levis Strauss pour lequel il remet les pendules à l’heure. « Il faut être hypocrite avec les morts. Cela leur fait du bien, et à nous, du même coup, qui respirons encore mieux en admirant qu’en vérifiant »
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