vendredi 7 octobre 2022

L’école et l’écriture obligatoire. Anne Marie Chartier.

Si avec ce blog, je suis toujours concerné quotidiennement  par l’écriture, je m’en suis voulu d’avoir acheté cet ouvrage sans doute acquis pour perpétuer l’illusion d’être encore pédagogiquement « dans le coup », alors que cette dernière expression trahit mon éloignement depuis dix sept ans des écrits écoliers.
Cependant dès l’entame de ces 332 pages, j’ai été passionné par le sujet et la façon de l’aborder, à rebours des ouvrages universitaires situés si souvent en surplomb. Les réflexions nuancées s’appuient sur des documents témoins des pratiques des élèves et des maîtres et mesurent la distance entre la théorie des circulaires ministérielles et les usages depuis les premières tablettes en cire jusqu’aux écrans dialoguant avec les tableaux blancs numériques.
J’ai vérifié qu’il s’agissait pour les premiers clercs de tenir des comptes et j’ai dégrossi ma vision d’une école qui ne commence pas avec Jules Ferry.
Un sujet d’un concours de 1826 embrasse l’histoire des idées : 
« En explicitant ce qu’est le vrai courage, le candidat traitera forcément de la morale de l’Antiquité (qui fait l’éloge du suicide), de la morale aristocratique (qui fait l’éloge du duel) de la morale chrétienne (qui condamne l’un et l’autre mais fait l’éloge du martyre) alors que la mort par les armes au service de son roi ou de sa patrie, est acceptée de tous… »  
Autre temps. 
«  Si on ne fait plus copier la morale laïque dans les cahiers c’est peut être qu’on perçoit mieux à quel point elle reste un chemin non tracé » 
La plume d’acier venant après la plume d’oie a permis l’apprentissage de masse même si « en 1967, seuls 24% des enfants ont effectué une scolarité sans redoubler. » 
Les techniques, les formes, jouent sur le fond avec l’apparition des classeurs signe de la secondarisation du primaire, de la même façon, les QCM ont formaté les exercices. 
«  avec l’arrivée des smartphones, c’est l’oral qui est devenu pérenne […] quand les nouveaux outils technologiques effacent la frontière entre oral et écrit, comment concevoir encore une entrée inaugurale en écriture ? » 
Le bon sens ne met pas en péril la profondeur des réflexions : 
«  Seul l’usage donne (ou non) son efficacité à l’outil, ce qu’oublient les croyances technolâtres vs technophobes. Il est donc impossible de dire que le numérique améliore ou détériore les apprentissages « en général » » 
L’écriture a partie liée à la lecture : 
«…  les églises ont promu la lecture pour fixer à la lettre les savoirs religieux, c’est le pouvoir d’état qui a régi l’écriture. »  
Ma perception d’une diminution de l’écrit à l’école n’a été ni contredite ni validée, pas plus que n’a été éclairée ma perplexité devant le peu d’appétence des enseignants eux-mêmes envers cette forme d’expression.
La clarté de la rédaction de ce travail éloigne toute nostalgie, prolongeant d’une manière apaisée les débats antérieurs replacés dans une histoire aux multiples déterminants : 
«  …écrire à la main ou à la machine, qu’on soit débutant ou expert, est toujours un travail.» 
Un travail !  

jeudi 6 octobre 2022

6 mois. Printemps été 2022.

Nous sommes cernés par les images, mais depuis les masques sur la bouche et le nez, nous sommes devenus plus attentifs aux regards et celui des photographes nous est encore plus précieux quand le papier les supporte.
 
Toujours aussi riche, le beau magazine ( 29 €) varie les sujets et prend le temps d’être complet. 
Le dossier à propos de la Turquie va voir du côté de l’imaginaire nostalgique de l’empire ottoman, où à travers des photos sur les plateaux de séries télévisées. La fiction peut éclairer la réalité alors que le caractère autoritaire du régime se manifeste avec évidence, en particulier envers le peuple kurde. 
L’œil tendre et rieur de Sabine Weiss nous repose.  
L’actualité à Kaboul et au Tigré est tragique et rude en Allemagne au moment des inondations ou à la frontière biélorusse avec les migrants. 
Même les jeux olympiques devant des tribunes vides à Tokyo ne peuvent nous distraire, de la même façon le Bataclan a perdu sa connotation festive, les tatouages des témoins inscrivent le drame sur les peaux. 
Si la mémoire de la guerre au Libéria se dissimule, le récit d’une photographe revenant dans la maison dévastée de sa jeunesse est poignant et la fatalité dans le destin de deux frères drogués aux E.U. est cruelle.  
Un tour chez les transhumanistes nous éclaire sur notre temps comme le reportage trafiqué consacré à la ville des « fake news » ouvre le débat sur la vérité des images.  
La trajectoire de Bill Gates est intéressante, le Brésil du XIX° siècle est saisi par un riche amateur au moment de ses métamorphoses,  les lumières de Lisbonne sont comme je les aime, bien cadrées, et l’album d’une grande belle famille à Buenos Aires, chaleureux, ils s’appellent Flores

mercredi 5 octobre 2022

Les Sables d’Olonne # 1.

Un orage nous surprend au matin, assez vite relayé par le soleil. Avant de démarrer la journée, je tourne un bon moment autour de la Tassimo de Bosch pour en comprendre le fonctionnement  et parvenir à sortir deux thés à la menthe sur lesquels nous comptions pour le petit déjeuner.
Nous voilà fin prêts à partir à la découverte des Sables d’Olonne, sous une alternance de soleil et de nuages.
Nous trouvons un emplacement pour garer la voiture rue Printanière. Sans risque de PV, sa situation près du centre culturel et du musée du blockhaus hôpital offre l’avantage de repérer facilement  notre véhicule et de parvenir à pieds au centre-ville. L’Office du Tourisme siège en front de mer, le long de cette longue promenade appelée le remblai.
Aménagée récemment avec de la végétation et des pistes cyclables sans sacrifier les trottoirs pour les piétons, le remblai dispose encore de belles maisons du XIX° siècle, d’un style typiquement balnéaire.
Des collégiens suivent leurs cours d’EPS sur la plage. Là, aucun restaurant ou baraque à frites ne la réduit ni ne la défigure, contrairement à Cannes.
Derrière la promenade se cache le quartier de l’île Penotte.
Il doit sa célébrité aux décorations murales en mosaïques  dont les tesselles colorées proviennent de toutes sortes de coquillages ou de morceaux de verre. L’artiste locale Danièle Arnaud-Aubin en est l’auteur.
Elle propose dans la rue Assas et les ruelles voisines des réalisations naïves et populaires sur des murs clairs fraichement peints.
Outre des scènes marines, elle s’amuse à placer des lézards, des chats et des souris, des rats, mais aussi des « masques », des personnages tels Dracula, des scènes de plage ou des grosses femmes inspirées de Nicky de Saint-Phalle. Quelques roses trémières ajoutent leur poésie et leurs couleurs.
Les halles centrales dans le style Baltard se situent près du palais de justice, pas très loin. Elles méritent vraiment une petite visite.
Nous y accédons par le haut, surplombant des étals soignés de légumes, de fleurs mais peu de poissonniers.
Nous descendons l’escalier, entre deux escalators, afin de parcourir les allées. 
De là nous découvrons une reproduction du Vendée Globe apposée sur les contremarches : avec du recul, nous distinguons un  globe terrestre et un voilier.  Nous franchissons la porte de sortie du bas.
L’église Notre Dame de bon Port s’élève de l’autre côté de la rue étroite. Elle supporte un drôle de clocher à Bulbe.
Justement à propos de ruelles, l’Office du tourisme nous a recommandé de faire le détour par la rue du paradis aujourd’hui renommée rue Manuel, et surtout la rue de l’enfer. Cette dernière détient le record de la ruelle la plus étroite du monde. En effet elle se rétrécit en entonnoir jusqu’à ne mesurer plus que 40 cm de large à son aboutissement.  Le restaurant du palais face à l’entrée haute des halles retient notre attention. Nous commandons une ballotine de poulet au chorizo aux petits légumes et une andouillette frites suivi d’un mille feuilles, le tout arrosé de 2 verres de blancs O.V.N.I. et de 2 cafés.

mardi 4 octobre 2022

Vernon Subutex. Luz-Despentes.

 
Je n’ai vraiment aucune inclination pour Despentes
quoique
alors c’est par Luz que j’ai abordé la punk la plus révérée du milieu « trapenardeur », 
pour assouvir quand même ma curiosité à propos de "l'incontournable" de la littérature contemporaine. 
« Son histoire de bonnes femmes post ménopausées qui fument des clopes en discutant avec des paumés ne fera pas trente entrées. » 
La complaisance que je craignais envers la drogue et la déglingue est bien là, mais cette immersion en milieu rock and coke a paru puissante et instructive à celui que l’époque affole depuis son canapé.
Le récit d’une déchéance depuis la responsabilité d’un magasin de disques jusqu’au caniveau permet un regard panoramique sur la société : bourge XVI°, clocharde véhémente, bobos en tous genres, milieu culturel qui aime tant être égratigné par Despentes, trader et D.J., baiseurs et baisés, gosses plus maltraités que des chiens, bières et chips, clefs USB et réseaux sociaux…
La figure de l’anti héros devenue habituelle m’a semblé vraiment représentative du laisser aller contemporain ponctué de bouffées de violence.
Le domaine musical est le lieu commun de l’ouvrage de 300 pages où le dénommé Vernon fait valoir une compétence très forte parsemée de mots absolus, alors qu’il néglige jusqu’aux conditions même de sa survie. 
« Il ne se sentit ni triste, ni désespéré, c’est une autre humeur, qu’il ne connaît pas, un bruit blanc l’image qu’avait l’écran de télé, la nuit, quand il était plus jeune un brouillard de points, un chuintement. Il n’y a plus que le froid qui lui paraisse bien réel. »

lundi 3 octobre 2022

Chronique d'une liaison passagère. Emmanuel Mouret.

Edouard Baer et Cécile De France en costume XVIII° servaient bien le film précédent d'Emmanuel Mouret,  fin observateur des intermittences des cœurs.
Cette fois Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne mettent parfaitement en lumière un propos  à l’élégance très contemporaine qui veut éviter la lourdeur, les attachements.
Les dialogues sont essentiels alors qu’aucune scène de sexe n’illustre la liaison joyeuse d’une mère célibataire et d’un homme marié : la maîtresse met la musique et le nounours danse.
Le passage de la passade à des émotions non maîtrisées est finement observé.
Nous sourions et saisissons en flânant quelques réflexions utiles sur notre place d’être humain quand est évoquée la nature pour le nid d’un oiseau mais pas pour un immeuble.
La légèreté imprime, les maladresses sont des délicatesses, la fragilité une force. 

dimanche 2 octobre 2022

Schnock n° 43.

Une fois que le rédacteur en chef de la revue des vieux de 27 à 87 ans
a décrété qu’Isabelle Huppert est la « figure tutélaire du genre salope » et qu’elle porte avec elle « une haine blafarde du monde », toute autre considération ne pourra être qu’efflanquée à l’image de l’actrice de Sautet, Chabrol, Piala… et même de sa sœur Caroline.
Les 93 pages qui lui sont consacrées, quoique parfois un peu répétitives, font le tour de sa très riche filmographie, voire de sa discographie, plus maigre.
 Parmi les savoureuse rubriques habituelles, une liste de fournitures de bureau aggraverait même la nostalgie, reine de la revue à 15, 5 €, lorsqu’elle précède l’évocation d’une virée vinyle aux puces de Saint Ouen
L’entretien avec le responsable de la bande son des Shadocks et la description de son parcours m'intéressent comme est tendre le rappel de « Domicile conjugal » de Truffaut ou toujours truculent Géminiani directeur sportif d’Anquetil dont il a dit  que c’était :  
« une formule 1, un ordinateur, et un alambic ».
Je me souvenais davantage que « monsieur X » tentative de teasing publicitaire en politique menée par Servan Schreiber était Gaston Deferre, plutôt que de Corinne Lepage qui avait  récemment tenté de rééditer un tel suspens sous le pseudonyme de Catherine de Médicis.
L’affiche France-Brésil évoque bien des émotions de ballon rond. Mais les rencontres en musique de Vicinius, Tom Jobim, Baden Powell, Joao Gilberto avec Salvador, Barouh, Vassiliu, Nougaro, Distel et Croisille enchantèrent nosTeppaz, Zanini aussi et Françoise Hardy,Teca et Ricardo, Moustaki … 
« C'est l'hiver qui s'efface, la fin d'une saison
C'est la neige qui fond, ce sont les eaux de Mars
La promesse de vie, le mystère profond
Ce sont les eaux de Mars dans ton cœur tout au fond
Un pas, une... pedra é o fim do caminho
E um resto de toco, é um pouco sozinho ...
Un pas, une pierre, un chemin qui chemine
Un reste de racine, c'est un peu solitaire... »

samedi 1 octobre 2022

Cher connard. Virginie Despentes.

L’oxymore « collision douce » mentionné a
u bout de 343 pages, rejoint le titre à comprendre comme une complicité, à l’image de l’insulte « enfoiré » devenue une tendresse.
Pour aimer les paradoxes, les contradictions, me voilà sur la piste déjà encombrée des révulsés par l’auteur après ses déclarations au moment des assassinats de Charlie et qui ont fini par apprécier ce livre pourtant trop promu. 
« Les mecs qui m’ont le mieux baisée sont toujours ceux qui m’ont fait le plus de mal. » 
Un écrivain jeté en pâture sur les réseaux sociaux par son attachée de presse qu’il avait harcelée entretient une correspondance avec une actrice de 50 ans.
La brusquerie initiale de leurs premiers mots aurait pu couper court à tout échange, mais leurs monologues juxtaposés conservent quelque verve pour aborder les thèmes violents tapissant nos quotidiens.
Les féminicides : 
« Tous les deux jours la nouvelle d’un patron qui aurait tué son employé.
On se dirait ça va trop loin. »
 Les drogues : 
«  Je m’effiloche, je suis incapable de rester concentré, le moindre truc me pulvérise. »
 La notoriété : 
« Elle crée le vide autour de toi. Tu prends tellement de place que ça devient gênant. » 
La désintoxication :  
«  J’en ai marre de la sincérité. J’ai juste envie d’être un gros con. D’avoir mauvais esprit. De détester les gens ; de les mépriser. De prétendre qu’ils sont la cause de tous mes problèmes. » 
Les images étouffent la musique : 
« … La gueule tatouée tout défoncé qui fait du hip hop de gamins gros cernes à la fois super doux et smooth codéine et à la fois déglingué dérangeant désolé avec une séduction enfantine. » 
Le féminisme : 
« Les hommes, nous ne les avorterons pas, nous ne les priverons pas d’éducation, nous ne les brûlerons pas sur un bûcher, nous ne les tuerons pas dans les rues… » 
Les personnages sortis de leurs dépendances évoluent sous le couvert de leurs papotages pimentés ou insignifiants, sincères ou de mauvaise foi. Leur l’hostilité tourne à une amitié favorisée par le temps cavaleur. 
Les gros mots se sont raréfiés, les bavardages concernant les machines inhumaines, ou l’usage des chiens pendant le confinement se sont épuisés, l’écrivain vain se met à fréquenter une toquée à tocs.
Tous les thèmes apparaissant dans le cercle parisien de l’édition, du cinéma et de la musique ne voulant pas voir la douceur de vivre, broient un noir assez conformiste, si bien que la description d’un apaisement des passions destructrices peut paraître d’une certaine originalité. 
« Pour être un grand auteur, il suffit que trois fils à papa se pâment en hurlant au génie. » 
Elle parle de Céline.
A bientôt, connasse !