jeudi 6 novembre 2025

Sens.

Après un réveil matinal et une préparation sans hâte, nous prenons la route pour la Champagne sous un ciel bas, un vent léger et une température de 18°.
Nous buvons notre café sur l’’autoroute de l’arbre dans une station joliment nommée aire "au jardin des arbres".Tout au long du trajet, nous passons sous de nombreux ponts prévus pour la circulation des animaux , longeons des grillages de protection continus : il est vrai que les forêts traversées, à 80 km de Fontainebleau, doivent  abonder en gibier et autres petites bêtes souvent victimes des voitures.
Nous croisons des noms connus : la Charité sur Loire, Pouilly, qui nous rappellent des  vacances plus anciennes. Nous suivons la direction Paris puis Metz, Nancy, toujours par l’autoroute,  où nous rencontrons peu de monde et voyons peu d’habitat, loin des foules  du midi  en pareille époque.
Nous nous détournons sur SENS, non envisagé dans le planning mais la ville se révèle une jolie surprise.
Nous n’avons pas de mal à parquer Gédéon, notre voiture, à côté du square Jean Cousin qui s’étire au centre du cours, et dont le nom apparait sur une pancarte art nouveau.
A pied nous nous engageons rue de la République où s’élève la « maison Abraham ».
Cette magnifique maison du XVI ° siècle a conservé ses colombages et de très jolis poteaux en bois sculptés. Elle témoigne de l’aisance de son commanditaire faisant profession de tanneur dans un quartier commerçant animé.
Nous continuons sur la même route jusqu’à la cathédrale Saint Etienne qui  occupe un côté de la place du même nom.
L’édifice gothique avec une tour clocher se rapproche de celui de Nevers,
là aussi des palissades et des échafaudages défigurent une partie de la façade. 
Il jouxte le palais synodal (synode = assemblée délibérative d’ecclésiastiques) reconverti  en musée, couvert d’un toit vernissé rutilant sous le ciel gris.
De l’autre côté de la place se détache une harmonieuse halle de style Baltard en briques bicolores et motifs losangés disposées autour d’une structure métallique retenant des verrières.
Un lanternon, deux clochetons symétriques et une horloge  participent à la décoration extérieure de ce monument récemment restauré, classé monument historique depuis Mérimée. Le marché ne se tenant pas le mardi, nous ne pouvons pas  pénétrer à l’intérieur.
La rue de la république se poursuit après la place de la cathédrale, et mène rapidement à l’hôtel de ville, affirmant comme dans toute commune le pouvoir laïque, à côté du pouvoir religieux.
Ce beffroi imposant a retrouvé toute sa jeunesse après une restauration récente. Bien qu’édifié au XIXème siècle, il intègre différents styles alliant Renaissance, classicisme et XIX°. 
Mais ce qui constitue sa spécificité réside dans sa statue érigée au-dessus du fronton  qui toute brillante et fraichement redorée, imite celles des églises. Pourtant, point de saint représenté et honoré ici, il s’agit d’un gaulois brandissant un coq au bout d’un bâton, tourné vers la cathédrale qu’il défie.
Les Sénonais le surnomment dès sa pause « le Brennus de l’hôtel de ville ». Comment mieux marquer son anticléricalisme qu’en utilisant le type de représentations de l’adversaire ?
Nous interrompons notre visite pour manger derrière le marché couvert (halle) à l’ « Atelier  vintage » (salade césar, aiguilles de poulets, dessert) et échapper à l’humidité du temps.
Puis nous reprenons notre promenade dans la ville jusqu’à l’Yonne en suivant la piste marquée par les triangles en cuivre à l’effigie  d’une tête de gaulois.
Nous revenons en passant par le cours Tarbé où nous rejoignons le parc « Chez Jean Cousin » dont nous apprenons qu’il était un artiste de la Renaissance. Le square, crée en 1883, dispose d’arbres et  d’arbustes remarquables, certains d’espèces rares, et de massifs fleuris regroupant une grande variété de plantes anciennes ou plus communes. 
Les Sénonais apprécient cet espace vert pour son calme et sa beauté, bien qu’il soit coincé entre les 2 voies de circulation du cours.

Nous partons vers Châlons-en-Champagne.

mercredi 5 novembre 2025

Cinq artistes contemporains. Gilbert Croué.

La série 5/5/5 s’enrichit, variant techniques et provenances des créateurs contemporains  avec son conférencier devant les amis du Musée de Grenoble :  
- « White Flower » de Yasunari Ikenaga, japonais de soixante ans, prolonge la tradition des portraits de femmes regardant maintenant droit dans les yeux : 
Les estampes ont évolué depuis le 7° siècle ; à la fin du XVIIIe siècle, Katsukawa Shuncho peignait « Courtisane Nishikido de la maison de thé Chojiya entourée de ses dames ».
La finesse des motifs textiles de notre contemporain met en valeur la délicatesse du traitement des beaux visages dans une atmosphère intemporelle.
- L’architecte marocain, Manal Rachdi (46 ans) travaille avec Sou Fujimoto au sein de son agence AXO.
L’immeuble qu’ils ont construit à Montpellier, « L’arbre blanc » est une prouesse technologique avec balcons et porte à faux dans tous les sens. 
Il avait imaginé un « Pont habité en Calabre » qui n’a pas vu le jour,
pas plus que son projet écologique «  Mille arbres »  
qui devait passer par-dessus le périphérique.
Par contre la rénovation du «  Lycée Jean-Moulin de Revin »  dans les Ardennes 
s’est concrétisée avec ses vagues douces au dessus de la Meuse.
ainsi que le « Bâtiment d’Enseignement Mutualisé de l’École polytechnique à Saclay ».
- Berlinde de Bruyckere, sculptrice belge sexagénaire, bouleverse par sa théâtralité.
Ayant dépassé son étape minimaliste, elle développe des installations plus organiques.
« Spreken »
sous ces couvertures symbolise à la fois la protection et la vulnérabilité.
«  Dans les champs des Flandres »  
rappelle que 130 000 chevaux sont morts 
dans les trois premiers mois de la guerre de 14.
« Actéon »
conclut l’histoire du personnage mythologique changé en cerf 
puis dévoré pas ses chiens,
car il avait vu Diane la déesse au croissant de lune toute nue.  
« Diane et Actéon »  Giuseppe Cesari.
- Le photographe français, Charles Freger qui atteint le demi-siècle, 
s’intéresse aux groupes constitués à la façon d’un ethnographe.
Dans sa série « Cimarron »
il dresse un inventaire de mascarades pratiquées par des descendants d’esclaves africains.

Ses  « Hommes sauvages », vus dans différents pays européens où subsistent ces masques, célèbrent la fin de l’hiver.
- Sean Yoro  Hula
né il y a 36 ans à Hawaï dans une de ses 137 îles, rejoint ses lieux d’expression en paddle où il travaille à l’acrylique des parois parfois difficiles juste au dessus des flots.
La montée du niveau des océans est forcément son sujet 
depuis les ponts, épaves, voire icebergs.
Il vit maintenant à New York.

mardi 4 novembre 2025

Comment je ne suis pas devenu un salaud. Matthieu Blanchin.

Lors du festival de bandes dessinées de Saint Nicolas de Macherin, le dessinateur venu en voisin m’a dédicacé avec délicatesse, un de ses albums autobiographiques.
Un psychologue en a écrit la préface : 
« Cet album est surtout un hommage incroyable à la bande dessinée. Cette dernière constitue, page après page, un fil d’Ariane qui semble avoir permis à l’enfant et à l’homme  qu’il est devenu de survivre et puis de vivre. Conçue à l’origine pour les enfants, la bande dessinée vient, encore et toujours, chercher cet enfant en nous, celui qu’on a trop souvent laissé en friche, qui a peut être transcendé la solitude et l’ennui en plongeant dans des albums, des heures entières, voire une vie entière. »  
Les 255 pages qui suivent en apportent la preuve, le titre avait annoncé un parcours difficile.
Le récit de son enfance apparu dans « Le val des ânes » 
est inclus dans cette livraison et se prolonge par des épisodes d’une adolescence d’autant plus incandescente que sa timidité compromet bien des relations et se mue parfois en agressivité, surtout au sein de sa fratrie.
Les moments d’apaisement, de plénitude sont plutôt rares, tant les désirs refoulés, les non-dits le tourmentent. Dans ce début de vie vécu comme violent, le souvenir de rencontres bienvenues autour de la bande dessinée pourra peut être réconforter, en abyme, des lecteurs qui pourront se reconnaitre dans cet univers plutôt rude.

lundi 3 novembre 2025

Chaplin’s world.

A Vevey, surplombant le lac Léman, le manoir habité pendant 25 ans par Charlie Chaplin a été transformé en musée. 
Le citoyen britannique a travaillé à ses mémoires, aux scénarios et aux musiques de ses derniers films, jusqu’à la fin de sa vie en 1977 dans ce lieu siué au cœur de la Riviera suisse, à la limite des vignes classées au patrimoine mondial de l’Unesco, 
Au temps du 
maccarthisme, la première star internationale du cinéma avait perdu son visa américain.
L’envergure politique de Sir Charles est évoquée dans un parcours menant de son bureau
 jusqu’à une salle de projection pour séquences familiales où Oona sa quatrième femme accompagne son vieux mari.
Ils avaient 36 ans d’écart et huit enfants sont nés de cette union.   
Nous croisons là nos premières effigies parfaitement reproduites en cire par les ateliers Grévin.
Ainsi Einstein en train de s’examiner la langue dans la salle de bain.
Ils s’étaient rencontrés en 1931: 
«- Ce que j’admire le plus dans votre art, c’est son universalité. 
Vous ne dites pas un mot et pourtant le monde vous comprend.
- C’est vrai, répondit Charlie Chaplin, mais votre renommée est encore plus grande.
Le monde vous admire, alors que personne ne vous comprend. »
Nous traversons un bâtiment plus récent, le Studio, les décors de ses films les plus célèbres, pour lesquels les propositions inventives ne manquent pas.
Après l’évocation de l’œuvre immense de Charlot, l’écran se soulève à la fin de la projection et ouvre sur la pauvre rue londonienne qu’il a connue enfant 
où l’on croise « The Kid », menant par un escalier affolant,
au chalet de « La ruée vers l’or », à un restaurant, au commissariat, chez le barbier, dans un magasin de vêtements et l’on peut poser en clergyman, bagnard, policeman, dictateur…
et passer, pour les plus minces ,dans les rouages des « Temps modernes ». 
Ces immersions impressionnent
comme les attractions liées à Halloween dispersées dans le grand parc chargées d'effrayer délicieusement les enfants et ceux qui les suivent.

dimanche 2 novembre 2025

Obsession. La tempête.

A l’auditorium de la MC 2, un son et lumières inattendu met en relief les variations d’Arvo Pärt, Philip Glass, Jehan Alain servis par des voix et un orchestre de haute tenue.
Les points lumineux synchronisés aux sons dispersés du début se multiplient telles des lucioles accordées aux rythmes envoutants, avant que pleuvent des étoiles filantes en volutes toujours renouvelées. 
Le chef d’orchestre enserré dans une résille mouvante dirige aussi le chœur où chaque artiste est cerné par un entrelac d’ampoules amplifiant leur performance avec une précision étonnante. Leur ballet dans la pénombre accompagne les musiques organiques propices à la méditation. L’émotion peut naître après la séduction de tant de prouesses techniques et amener à goûter ce genre de musique minimaliste qui a fait le maximum ce soir.   

samedi 1 novembre 2025

Eduardo Camavinga. Luca Caioli Cyril Colo.

Ce livre m’a été recommandé par une visiteuse de prison peu au fait du foot mais soucieuse d’amener son public captif à la lecture. 
Le parcours du milieu de terrain du Réal de Madrid et de l’équipe de France est remarquable.
Né aux limites improbables de la province angolaise du Cabinda, une exclave (« territoire totalement entouré par un pays étranger »), entre la République démocratique du Congo et le Congo Brazzaville, il grandit à Fougères en Bretagne. 
Les premiers chapitres témoignent des capacités de la France à intégrer aussi bien par ses institutions que par des citoyens solidaires, quand la maison familiale brûle, contredisant l’accent mis habituellement sur les souffrances des immigrés. 
« Le responsable de l’école de foot débarque un jour les bras chargés au nouveau domicile des Camavinga. Il arrive avec un camion rempli de matériels et une grande nouvelle : Eduardo est invité à un essai au Stade rennais. » 
Ce sport critiquable, décrié à la hauteur de son influence constitue aussi un instrument de fraternité et de plaisir. Son parcours pas aussi pittoresque que celui de Salif Keita « perle noire » de Saint Etienne dans les années 60, auquel livre et film intitulé « Le Ballon d’or » ont été consacrés, donne lieu à 200 pages intéressantes.
Eduardo Camavinga a accumulé les records de précocité depuis ses 16 ans : le plus jeune joueur à débuter en ligue 1, puis le buteur le plus jeune de l’équipe de France. Il commence une carrière au sommet en étant souvent utilisé comme joker ou plus exactement comme « revulsivo », 
« Joueur capable de modifier le visage de son équipe lorsqu’il entre en jeu, qui bonifie ses partenaires et contribue à inverser le résultat. » 
Son sourire apprécié de tous, souvent cité, justifie le sous titre du livre qui lui est déjà consacré : « bleu solaire ».

vendredi 31 octobre 2025

Témoin.

La répétition de la plaisanterie consistant à confier son impression de visiter un appartement témoin lorsqu’on circule dans les allées d’un cimetière, a perdu de son sel, même en temps de Toussaint. 
Cependant le boomer, génération B, ne va pas s’excuser, comme à chaque fois, de s’exprimer avant de tartiner autour de l’expression « destruction créatrice » apparue dans les débats depuis l’attribution du prix Nobel d’économie. 
Celle-ci vaut pour bien des processus en œuvre tout au long de notre vie. 
« Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie le visage, et l'on oublie la voix »
 
Et c’est pas triste.
La génération Z s’est mobilisée au Maroc, à Madagascar, au Kenya, au Pérou, au Népal, au Sri-Lanka, au Bangladesh, en Indonésie, aux Philippines, en Serbie…
Elle ne cherche pas à casser, simplement à pousser hors champ la vieille génération, comme celle des septuagénaires de chez nous, prônant la retraite à 60 ans, sans se mettre en retrait.
Notre terre surpeuplée se débarrasserait volontiers de quelques surnuméraires et pas seulement symboliquement, à juger par la multiplication massive des destructeurs.
Les habitants de la planète et la planète sont dans un sale état.
Lu dans "Le Monde": 16 000 femmes tigréennes ont témoigné d’avoir été violées par des soldats érythréens qui ont introduit des clous, des lames de rasoir dans leurs vagins, voire un serpent mort pour l’une d’elle.
Voilà de quoi pulvériser toute idée positive de notre prochain et, par rebond, mépriser les angéliques ne voulant pas voir les méchants. 
Je fus de cette niaise catégorie et, comme bien des braconniers devenus garde-chasse, je crains désormais de manquer de couleurs pastels dans ma trousse.
C’est peut être par contraste que les faire-part de naissance me ravissent.
Tout le monde s'attendrit, les bébés sont épargnés par les tablettes pour un bref instant. 
Nous sous-traitons nos mémoires comme nous confions nos enfants et nos vieux à d’autres, tout en ramenant tous nos émois à soi. 
Les craintes vis-à-vis des progrès fulgurants de l’Intelligence Artificielle proviennent de nos intelligences paresseuses, humaines trop humaines, qui n’ont présentement guère donné un visage aimable à notre monde. 
Par rapport aux malheurs dont la compilation pourrait envahir l’écran dans sa totalité, 
toute autre remarque sera aussi dérisoire qu’un doigt d’honneur entre politiques et journalistes.
Dans un environnement anxiogène, les médias en rajoutent une couche.
Ainsi, entendu à la radio : après un nouveau congé de naissance qui permet de mieux rémunérer les parents, le journaliste après avoir interrogé une présidente d’association satisfaite de la mesure, a cru bon d’ajouter, alors qu’il avait essayé d’extirper en vain une critique :  
« Eh ben, c’est pas avec ça qu’on va réarmer la natalité ! » 
Si comme souvent, l’opinion avait été défavorable, il se serait abstenu d’apporter un avis contraire.
Tout aussi anodin paraitra ce soupir concernant l’école que j’ai connue, avant que le harcèlement devienne sujet principal, alors que la question du statut des directeurs revient sur le tapis. Jadis opposé aux « maîtres directeurs », je regrette de voir une certaine complicité des adjoints envers l’émergence d’un échelon hiérarchique qui aura tendance à déresponsabiliser maîtresses et maîtres.
Mais c’est comme ça ; les générations X, Y, Z ont d’autres tchats à fouetter. 
« Les hommes se regardent de trop près pour se voir tels qu'ils sont. 
Ils sont toujours d'eux-mêmes des témoins infidèles et des juges corrompus. » 
Montesquieu