dimanche 27 avril 2025

Rouen # 3

Nous nous rendons nous à l’Abbatiale Saint-Ouen.
Mais elle n’ouvre pas ses portes le vendredi.
Alors on se rabat sur le centre photographique Rouen Normandie où Laurent Millet expose « Former l’hypothèse » et exploite les relations entre art et sciences. Il cherche le lien entre Euclide ou les collections du musée de l’écorché d’anatomie du Neubourg et les modèles anatomie ou botanique du Docteur Louis Auzoux (1797-1880). A notre niveau, ses photos n’offrent rien d’inoubliable…..
15 h : Nous rejoignons les 28 autres personnes intéressées par la visite organisée par l’Office du tourisme guidée par une jeune femme.
Sous le mobile de Calder, elle introduit l’histoire de Rouen en partant de l’antiquité,
nous raconte l’arrivée des barbares, les Vikings, 
et parle de Rollon, 1er duc de Normandie après sa conversion au catholicisme.
Nous nous déplaçons vers notre 1er monument emblématique  et incontournable de la ville : la cathédrale Notre Dame de l’Assomption. 
Désignée comme  la plus haute de France, son style gothique flamboyant  a inspiré les peintres et assuré sa réputation.
Elle est flanquée de deux tours. Celle de gauche, côté Nord, dite la tour saint Romain date du XII°, elle a introduit l’art gothique dans un édifice roman existant, subissant peu à peu des élévations. Construite beaucoup plus tard fin XV° celle de droite côté sud, rectifie le déséquilibre engendré par la présence d’une seule tour et donne une symétrie à la façade.
C’est la tour du beurre : elle doit son surnom à son financement dû aux indulgences achetées par les fidèles désireux d’éviter le régime du carême. Peut-être aussi la couleur de la pierre jaune, couleur beurre, en provenance de Paris, contrastant avec la pierre locale blanche utilisée pour le reste du bâtiment  a contribué à cette dénomination.
En plus des 2 tours, une flèche se dresse vers le ciel, haute de à 151 m. Sur la façade se découpent  les 3 portails traditionnels, le tympan de celui du centre raconte le jugement dernier.
Tous les éléments de décorations gothiques recouvrent les moindres espaces dans un festival, certains parlent de débauche, de ciselures, fioritures, de pinacles et dentelles de pierre.
Nous passons le seuil, saisis par l’élévation de la voute, mesurant jusqu’à  51 m de hauteur à la croisée de la nef et du transept.
Il subsiste des vitraux anciens.
Nous côtoyons à hauteur d’homme les statues de saints alignées et entreposées là, extirpées de la façade. Pour leur sauvegarde pendant la 2ème guerre mondiale, il fut décidé de les déposer et de les placer en sécurité à Niort afin de déjouer les pillages nazis, elles ne furent pas remises dans leurs emplacements.
Notre guide s’arrête un moment devant les gisants des quatre ducs normands qu’elle nous cite : Rollon : 1er duc de Normandie, Guillaume longue épée : fils de Rollon, Richard cœur de lion : roi d’Angleterre, et Henri le jeune : frère de Richard cœur de lion.
Un très bel escalier ciselé donne accès à la « librairie » ou bibliothèque dans le transept gauche. Il faut franchir le portail des libraires et se retourner pour voir absolument le bestiaire fantastique sculpté dans les quadrilobes.
Y sont représentés : des extraits de la Genèse (Adam et Eve) le cochon qui joue de la vielle, des représentations des vices, des petites chimères de la taille d’une souris. Surtout  ne  pas passer à côté de cette iconographie mythique surprenante, imaginative, parfois naïve !
Nous finissons par le déambulatoire et la chapelle de la Vierge 
où se cache un Philippe de Champaigne
Après le pouvoir religieux, nous abordons le pouvoir civil avec le Palais de justice.
Il se situe rue aux juifs.
La rue doit son nom à l’importance de cette communauté avant la Renaissance, 
constituant jusqu’à un tiers de la population.
De plus sous le magnifique édifice, des fouilles ont révélé assez récemment les fondations d’une maison juive, peut-être une école voire une synagogue. Il s’agirait de la « maison sublime du clos aux juifs» et du plus ancien monument juif de France. Le palais en lui-même comporte deux parties, un bâtiment gothique auquel fut ajouté un bâtiment Renaissance. Il servit à de multiples usages au fil des époques ; d’abord  échiquier puis parlement de Normandie  sous François 1er, il devient palais de justice à la révolution, et prison lors de la 2ème guerre mondiale.
Des impacts d’armes sur un côté extérieur témoignent des combats durant ce conflit. Nous ne pénétrons pas à l’intérieur, pas de visite prévue pour les fouilles de la maison sublime  ou pour les riches pièces du palais
Notre petit troupeau curieux s’avance maintenant vers le Gros Horloge fixé sur une arche enjambant la rue.
Bénéficiant de privilèges communaux, les riches  commerçants des draps de laine financèrent ce beffroi civil et son pavillon renaissance face aux tours de la cathédrale.
Comme indications apparaissant sur la pendule, la  lune affiche les quartiers, les jours figurent avec leur symbole, aujourd’hui Vénus représente Vendredi et une seule aiguille terminée par un mouton doré parcourt le cadran. Le pavillon accolé porte les cloches. Il accueille les touristes mais le passage étroit et raide pour y accéder ainsi que la taille du lieu rendent vite impossible car vite complètes les visites.
Toutes les rues alentour montrent des maisons à encorbellement.
Les propriétaires  détournaient  de cette manière les taxes imposées sur la surface occupée au sol, grattant quelques petits espaces supplémentaires.
Comme il n’existait pas de plan d’urbanisme, les  constructions poussaient sans tenir compte des formes des rues, qui sont rarement droites.
Quelques-unes  gardent des noms évocateurs liés à leur histoire comme par exemple, la rue Massacre, où vivaient les bouchers formant une corporation riche. Ils abattaient  les bêtes sur place dehors, exposant le sang les abats les carcasses à l’air libre sans toujours les déblayer…
En contraste,  place de la pucelle, L’hôtel de Bourgtheroulde nous transporte vers un monde  social plus élevé. Un hôtel de luxe occupe aujourd’hui ce « petit bijou de la Renaissance ».
Dès le porche  passé, une cour intérieure renferme  toutes les caractéristiques et symboles de cette époque : salamandres, phénix, des médaillons avec des portraits, des grotesques. De magnifiques bas-reliefs relatent la rencontre entre rois de France et d’Angleterre en 1520 près de Calais.
Ce luxueux  hôtel particulier fut commandé par le seigneur de Bourgtheroulde, (Guillaume II le Roux)  membre de l’Echiquier de Normandie,  par la suite il devint  résidence temporaire  de personnages importants, il connut plusieurs propriétaires et de «nombreuse vies ».
Nous terminons le parcours de l’ODT en relation avec  une autre page de l’Histoire de France qui ravive  nos souvenirs d’écoliers ; il s’agit bien sûr de la triste fin de Jeanne d’Arc. La place du vieux marché était au moyen-âge le lieu des exécutions, un petit promontoire montre l’emplacement du pilori.
Plantée devant l’église Sainte-Jeanne-d’Arc, une croix symbolise la présence du bûcher de la célèbre Pucelle. L’église en béton fait partie des monuments historiques, il est vrai que son architecture  moderne (1979)  imaginée par Louis Arretche ne manque pas d’audace ! Un même ensemble englobe à la fois le marché couvert  et l’édifice religieux, Des pointes comme des flammes recouvrent le marché, allusion sans doute au bucher de Jeanne.
Quant à l’église un portique  la prolonge en forme de queue de poisson revêtue d’écailles en ardoise : faut-il y voir le symbole chrétien Ictus ? Avant d’entrer, nous remarquons parmi  cette modernité les fenêtres lobées de l’église découpées comme celles des élises gothiques,  nous remarquons aussi  le toit écrasant dressé vers le ciel évoquant un aileron ou un casque viking L’intérieur réserve pour sa part quelques étonnements. Il ne s’organise pas autour d’une croix grecque ou latine, il ne correspond d’ailleurs à aucune forme géométrique, à nulle forme connueLa charpente imposante en bois ressemble à une voilure  ou une carène de bateau inversée comme  souvent  dans les églises normandes.
Les vitraux sont enchâssés dans les fenêtres  grandes et ouvragées de style gothique  aperçues à l’extérieur.
Ces verrières colorées associent avec réussite des vitraux anciens en provenance d’une ancienne église détruite en 44 et expédiés à temps à Niort, et des vitraux modernes blancs gris. Plus discrets, des stores blancs en forme de poisson tamisent la lumière de plus petites ouvertures.
Dans le cahier des charges, l’architecte avait dû accepter d’intégrer contre son gré les vieux vitraux Renaissance, et Il y réussit avec succès.Notre visite guidée prend fin.
Nous retournons au bercail, nous gérons merveilleusement  les rues barrées, puis  TV ( JO Foot hommes Finale France Espagne)  les courses repas dans la foulée .
PS : Bruinasse et sans doute averse pendant la visite de la cathédrale ; et dire que c’est la canicule dans le sud de la France !

samedi 26 avril 2025

L’avenir. Stéphane Audeguy.

Emballé, je fus, au début avec l’idée féconde de l’effacement de « La Joconde » avant la disparition d’autres œuvres interrogeant puissamment notre rapport aux images.
« … la Joconde est morte depuis longtemps, bien avant même sa disparition ultime. Alors, insatisfaits et fourbus, penauds comme les badauds de la fête foraine qui ont payé pour voir la femme-sirène ou l’homme sans tête et ont entrevu un simulacre grossier, honteux d’avoir été ainsi bernés, mais contents d’en avoir fini avec la Joconde, d’avoir coché cette ligne dans leur liste des choses à faire… »
Les portraits de divers personnages passionnés ayant un rapport avec le tableau sont originaux : un instituteur chinois à la retraite, un conservateur italien, un historien de l’art juif-allemand, un riche collectionneur mexicain…
L’écriture est plaisante, quand le romanesque stimule la réflexion avec humour.
puis la dystopie perd de sa saveur, devient conventionnelle bien que conservant une petite musique ironique, étouffe dans la poussière et la mièvrerie, lorsque le monde ne faisant plus d’enfants se vide petit à petit de ses habitants. 
Tout ça pour finir à Corfou !
Le contraste est d’autant plus flagrant que la déception vient après un départ prometteur.
Les 266 pages auraient pu être divisées en deux pour garder leur punch.

vendredi 25 avril 2025

L’heure des prédateurs. Guiliano Da Empoli.

J’ai lu comme un roman cet essai limpide de 150 pages qui vient à point nommé dans notre époque bouleversée.  
« Le grand dilemme qui a structuré la politique au XX° siècle est le rapport entre l’Etat et le marché : quelle part  de notre vie et du fonctionnement de notre société doit être sous le contrôle de l’état et quelle part doit être laissée au marché et à la société civile ?
Au XXI° siècle, le clivage décisif devient celui entre l’humain et la machine. »
Il est bien sûr question de Trump, 
«  un analphabète fonctionnel comme Trump peut atteindre une forme de génie dans sa capacité à résonner avec l'esprit du temps»
mais aussi de MBS, Mohammed Ben Salman le prince-héritier d'Arabie Saoudite, de Bukele, président du Salvador dans sa lutte contre les gangs :   
« Certains disent que nous avons emprisonné des milliers de personnes, 
la vérité est que nous en avons libéré des millions ».
Celui qui fut conseiller politique de Prodi n’ignore pas le pouvoir de séduction de ces dirigeants sans limites, ni les erreurs de leurs concurrents. Le compte-rendu d’une réunion de partisans d’Obama hors sol à propos du potager de la première dame inciterait au rire, il est tragique. La catastrophe démocratique largement engagée n’en est que plus effrayante. 
« Si, au milieu des années 2010, les Brexiters, Trump et Bolsonaro pouvaient apparaître comme un groupe d’outsiders, défiant l’ordre établi et adoptant une stratégie du chaos, comme le font les insurgés en guerre contre une puissance supérieure, 
aujourd'hui la situation s’ est inversée : le chaos n'est plus l’arme des rebelles, 
mais le sceau des dominants. » 
Au-delà de ces personnages caricaturaux, l’auteur du « Mage du Kremlin » met en garde contre l’Intelligence Artificielle et ses adorateurs Asperger de la même espèce prédatrice.  « MBS construit des enclaves où ne s'appliqueront que les lois de la tech, Bukele a adopté le bitcoin comme monnaie officielle de son pays, Milei envisage de bâtir des centrales nucléaires pour alimenter les serveurs de l'IA. De son côté, Trump a confié des pans entiers de son administration aux accélérationnistes les plus déchaînés de la Valley. »« Les ingénieurs de la Silicon Valley ont cessé depuis longtemps de programmer des ordinateurs, pour se transformer en programmateurs de comportements humains. »  
Pour un bon mot, Da Empoli, sans être un luddiste comme ceux qui s’opposèrent aux premières machine à tisser,  joue au modeste: 
« Il est vrai que je suis profondément incompétent en matière d’intelligence artificielle.
En revanche, fréquentant la politique, j’ai développé une certaine compétence en matière de stupidité naturelle. »
Ses références à Borgia modèle du « Prince » de Machiavel, à Shakespeare, à Kafka donnent de la profondeur à des informations qui habituellement nous noient sous leur profusion.   
« L'IA surgit comme une technologie borgienne, dont le pouvoir repose sur sa capacité à produire de la sidération »
« Il y a des phases dans l’histoire où les techniques défensives progressent plus vite que les techniques offensives. Ce sont des périodes où les guerres deviennent plus rares parce que le coût de l’attaque est plus élevé que celui de la défense. A d’autres moments, ce sont surtout les technologies offensives qui se développent. Ce sont des époques sanglantes où les guerres se multiplient, car attaquer coûte beaucoup moins cher que se défendre. »
Lecteur, parfois commentateur, je me sens si petit que je ne sais que picorer des formules, quelques remarques originales lorsqu’il note qu’en quarante ans chez les démocrates les vingt candidats à la présidence et à la vice-présidence étaient tous des avocats, sauf le dernier colistier de Kamala Harris. 
Le seul mot d’espoir serait dans le verbe « prétendre » de cette dernière citation :
« Si, en Occident, la première moitié du XX° siècle avait enseigné aux hommes politiques les vertus de la retenue, la disparition de la dernière génération issue de la guerre a permis le retour des démiurges qui réinventent la réalité et prétendent la façonner selon leurs désirs. »

jeudi 24 avril 2025

Musée Yale et Harvard. Bruno Dusart.

Dans le cadre de la préparation d’un voyage des amis du musée de Grenoble au pays 
d’ Edward Hopper « Western Motel », le conférencier a présenté les musées de deux prestigieuses universités aux murs vénérables recouverts de lierre, appartenant à l’Ivy ligue, avec six autres établissements de l’enseignement supérieur de la côte Est des Etats Unis.
« Le campus de Yale »
constitue une enclave dans New Haven, ancien centre industriel du Connecticut, la ville de Samuel Colt et des manufactures Winchester. Elihu Yale gouverneur de la compagnie des Indes orientales avait fait don d’une partie de sa fortune à l’école fondée par des congrégationalistes en 1701.
Le beffroi date du XIX° siècle,  
« La Bibliothèque Beinecke » (1963) conçue par Gordon Bunshaft,
dont les murs en marbre translucide filtrent la lumière, 
recèle un exemplaire de la Bible de Gutenberg.
« La Yale University Art Gallery »(1832) riche d’une collection de primitifs italiens pour lesquels les concurrents avaient souligné des réparations maladroites est devenue experte en restauration.
Après le style néo gothique puis florentin des premiers bâtiments,
l’architecte Louis Kahn célèbre les formes géométriques élémentaires dans son escalier et sous ses plafonds aux caissons en réseaux triangulaires séparant « le servant » où circulent les fluides techniques et « le servi » qui offre toutes les libertés.
Des anciens élèves généreux ont enrichi les collections d’art africains ou asiatiques.
Katherine Dreier
peintre et collectionneuse avait commandé à Marcel Duchamp un tableau pour sa bibliothèque, qu’il a rendu sous le titre : « Tu m’ », sa dernière œuvre peinte.
Elle a fait don aussi du « Rémouleur » de Malevitch,
ainsi que du « Chorus Captain » de Walt Kuhn, promoteur de l'« Armory Show » évènement majeur de l’histoire de la peinture (1913) devenue exposition itinérante.
Barkley Hendricks a peint « APB's » (Afro-Parisian Brothers) à partir d’une photographie.
« Zèbre »
de George Stubbs permit d’offrir par ses rayures une transition potache
avec « Scène d'été » de Frédéric Bazille conservée au
« Fogg Art Museum de l'université Harvard ». (1895)
« Extension du Harvard Muséum »  
(2014) Renzo Piano a réalisé la structure d'entrée du musée Fogg au style georgien relié au musée Busch-Reisinger qui a valorisé la civilisation germanique avant de recevoir des œuvres de « l’art dégénéré » et le musée Arthur M. Sackler «  Le Médicis moderne ». Sa réputation est entachée par les ravages causés par les médicaments opiacés qui ont fait sa fortune.
L'université Harvard porte le nom d'un pasteur premier donateur
dont il est d’usage de caresser le pied en entrant dans la plus ancienne (1636) 
et la plus prestigieuse des universités.
Au départ, son installation à Cambridge la mettait à l’écart des maléfices de la ville de Boston.
La rénovation du musée a permis de multiplier, galeries, salles de classe, salles de conférence sur six niveaux, permettant l’accès à 250 000 objets de toutes natures.
Maurice Wertheim un mécène a légué 
« La mi-carême sur les boulevards » de Camille Pissaro
et « Mère et Enfant » de Pablo Picasso. Quand le tableau était chez lui, sa fille ne voulant pas se marier devant cette « prostituée syphilitique », 
il fallut la cacher sous un voile le temps de la cérémonie.
On peut voir « Auto portrait » de Max Beckmann ou 
« Van Gogh pour Gauguin »,
« Poirier »
de Gustav Klimt,
« Red and Pink »
de Georgia O'Keeffe
Les collections éclectiques réunies par Winthrop léguées en 1943 à l’université de Harvard furent exposées à Lyon : Ingres, « L'Odalisque à l'esclave »,
les Préraphaélites « La Damoiselle élue » de Rossetti
« Object Number »
de Kerry James Marshall dialogue avec 
l’ « Autoportrait »  de Nicolas Regnier.
Le long bâton qui permettait de faire sonner la « Constellation de triangles» de Carlos Amorales a été enlevé à cause de la cacophonie.  

mercredi 23 avril 2025

Les chats [ou ceux qui frappent et ceux qui sont frappés]. Jonathan Drillet Marlène Saldana.

Ouaf ! Ouaf  ! Grrr !
Ah oui ce sont les mêmes qui avaient déjà présenté un spectacle étrange, ils ont récidivé avec un objet déplaisant, mais cependant marquant. 
Leur expression nihiliste dévore elle même son propos, alors que la teneur est écologique +++ j’ai vu une indubitablement cycliste quitter la salle comme d’autres spectateurs avant la fin.
J’ai voulu rester jusqu’au bout des deux heures pourtant prévues pour durer une heure, afin d’ approcher des sommets du « n’importe quoi » produit et soutenu par une kyrielle d’institutions.
Pour rester dans le registre exagéré de toutes les paroles proférées sur scène, je dirais qu’il s’agit d’une tromperie de plus. Un chat en divinité égyptienne figure dans le catalogue alors qu’il n’est guère question de la condition féline, pas plus que de « Cats » la comédie musicale en référence, dont la notoriété ne m’avait pas atteint, n’ayant droit qu’à une furtive allusion.
Lors d’une pause dans l’agitation, sont mentionnées quelques anecdotes choquantes : un massacre des chats organisé par des apprentis imprimeurs parisiens au XVIII° siècle et du  chat mis au menu en Franche-Comté.
L’ambition était ailleurs, sous forme d’adjonction d’un discours radical à un anodin produit culturel populaire, sur un fond banalement anthropomorphe de chez l’ anthropocène, comme le firent les situationnistes sur des films de karaté, il y a un demi-siècle.
Les discours assommants chantés à propos d’Amazon et de l’IA, les litanies parlées/chantées, rarement chantées, les proclamations violentes sont parasitées par les mimes appuyés de la dizaine d’acteurs à quatre pattes se léchant, minaudant, d’une grâce tapageuse si loin de celle de nos minous.
Kit Cat va être déçu : le grand sac destiné aux végétariens est rempli des problèmes de forages et un certain Artémis de la fille à  Neuneuille a été tué dans une fête à Montretout… 
Il faudrait quelques heures de plus pour trier dans ce fatras et distinguer « climatosceptiques », « climato-réalistes » ou « climato-je-m’en-foutistes » qui risqueraient de repartir avant que les trams aient cessé de circuler.
Il aurait fallu se documenter :   
« Les chats sont aujourd’hui les icônes kawaï des réseaux sociaux et des childless cat ladies. » 
« Ceux qui frappent et ceux qui sont frappés, utsu mono to utaruru mono en japonais, est le titre d’un numéro de Kengeki, un combat de sabres, un sous-genre du kabuki du début du XXe siècle. »

mardi 22 avril 2025

A propos de « Charlie ».

Tenir la ligne : 40 dessins. 
J’ai acheté ce « tract Gallimard » pour marquer mon soutien à « Charlie » et à l’association« Dessins pour la paix » bien que la répétition de la thématique du crayon plus fort que les kalachnikovs souligne nos impuissances.
Jean-Noël Jeanneney en rappelant dans une préface l’inscription dans la loi de la liberté d’expression et du droit au blasphème au XIX° siècle célèbre les progrès du passé, alors que présentement, les lumières s’éteignent.
                                                  Charlie quand ça leur chante. Aurel.
 L’illustrateur d’articles du « Monde » que j’ai connu plus original et plus juste,  
rappelle qu’il s’est affiché avec le badge «  Je suis Charlie » pour mieux faire valoir sa diatribe contre certains défenseurs de la liberté d’expression. La corporation des dessinateurs lui parait seule habilitée à défendre le dessin de presse. 
En 30 pages filandreuses, répétitives, sans la moindre trace d’un humour dont il parle sans l’exercer, avec une mièvrerie qu’il dénonce, il met du sel sur les plaies d’une gauche souffreteuse. 
Ses attaques mesquines contre Malka, Val ou Enthovein n’enrichissent pas son pauvre prêche, me confortant dans des choix contraires. Nous ne sommes pas prêts à nous réconcilier quand la laïcité passée par-dessus bord peut être récupérée par d’autres. 
Les arrangements avec la violence, la démagogie à l’égard des communautarismes nourrissent l’extrême droite. 
Donneur de leçons avec « ses ami.e.s woke », il n’apprend pas beaucoup de toutes les défaites qui se multiplient pourtant.  

lundi 21 avril 2025

La fiancée syrienne. Eran Riklis.

Film tourné en 2000 sorti en 2004 quand le jeune Bachar El Assad arrivait au pouvoir à Damas au moment où une jeune mariée druze doit rencontrer son mari qu’elle ne connait pas à la frontière gérée par l’ONU entre Israël et la Syrie. Le Golan est occupé depuis 1963.
La légèreté de la réalisation pour traiter de situations absurdes pourrait prendre aujourd’hui des airs plus tragiques ; c’est que les situations ne se sont pas arrangées, alors qu’à l’époque la bureaucratie pouvait s’accommoder parfois de quelque humanité.
Face à tant de tracasseries, la mariée d’abord contrariée va finalement aller vers son destin.
Le réalisateur, au ton original, rend compte de la complexité des situations, du courage des protagonistes et de leurs failles, éloignant le drame avec une distance qui ne contredit pas la profondeur.