samedi 17 novembre 2012

Nous autres. Stéphane Audeguy.



« Il se répète qu’il est en Afrique, il sait bien qu’il n’existe rien qui soit vraiment l’Afrique, il sait bien que l’Afrique n’existe pas ... ».
Hé bien, ce roman vient contredire la réflexion du fils au sortir de la morgue où il vient de voir son père : l’écriture intense rend compte des contradictions du continent noir. Ses richesses, sa pauvreté, ses rapports intimes avec la nature et ses servilités.
Le fil narratif est documenté : nous assistons à la construction d’une ligne de chemin de fer avec tous les porteurs anonymes disparus, à l’installation de cultures horticoles.
Il y a des paléontologues,  un planteur d’acacias, une championne de marathon, des touristes, des prostituées ; le fils est photographe, le père était écrivain public.
Un fatalisme bien de là bas s’est emparé du récit qui se construit sur le choix de donner une sépulture conforme à l’empathie du père à l’égard des kenyans. Ce pays dont nous assistons , par des chapitres nerveux, à la construction, à l’indépendance, nous apparaît dans toute sa vigueur avec une présence des ancêtres qui donne une profondeur palpitante aux 250 pages. 
L’écriture est sèche et poétique, tragique mais se dispensant de toute psychologie.
Ce père sacrifiant son confort de blanc pour aider les plus déshérités s’est bien peu préoccupé de son fils durant sa vie.
« L'animal enroué ne peut plus braire. Il essaie cependant, la respiration qui soulève imperceptiblement ses côtes lui arrache chaque fois un braiment avorté, grotesque, et nous qui connaissons la mort autant qu'il est possible de la connaître, nous savons qu'il n'est pire chose au monde que cette mort sans langage, l'âne s'enfonce dans une nuit plus sombre que la plus sombre nuit …»

1 commentaire:

  1. Des fois, Guy, on se met à se demander ce qui est pire... la mort sans langage, ou la mort avec...
    J'ai vu des animaux s'éloigner pour mourir, des fois j'ai essayé de sauver un insecte qui se remet obstinément sur le dos, les pattes en l'air.
    Et si... il n'y avait que nous pour ne pas savoir ce qu'est la mort avec notre foutu... langage que nous trouvons si beau et émouvant, et sophistiqué ?
    Tristes réflexions pour un écrivain, n'est-ce pas ?
    Le roman a l'air bien écrit, toutefois..
    Merci.

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