vendredi 13 décembre 2024

La vie secrète des arbres. Fred Bernard Benjamin Flao Peter Wohlleben.

Version dessinée du livre à succès du défenseur des arbres mondialement connu
Les illustrations dynamiques mettent au premier plan le forestier depuis son enfance, jusqu’à la fondation de son académie et la reconnaissance de sa gestion respectueuse des forêts.
Nous partageons ses découvertes étonnantes, ses découragements.
Sa grande patience acquise au fil des saisons l’amène à éviter le catastrophisme bien que coupes à blanc et artificialisation des sols compromettent l’avenir. Sa démarche pragmatique et exigeante, à l’encontre des impatiences contemporaines, arrive à être partagée au-delà des sept millions de lecteurs de la version sans image.
Le temps long est le maître dans ce domaine merveilleux et fragile où les elfes de l’enfance n’ont pas disparu, bien que des dégâts soient irréversibles.
Nous révisons que les arbres communiquent entre eux par racines et champignons associés, ils mémorisent, interagissent avec les animaux proches qui s’y abritent ou s’en nourrissent pour se reproduire ou s’en défendre, se montrent résilients face aux vents et aux orages... ils se déplacent.
Mes réserves lors de la parution de la première version écrite ne tiennent plus quand les prises de positions du pédagogue vont évidemment vers une meilleure qualité de vie pour les humains. 
« Certaines personnalités ont commencé à s’inquiéter de notre impact destructeur dès la fin du XVIII° siècle et les premières actions de protection sont apparues aux Etats-Unis au XIX° siècle. Cela fait moins d’un demi-siècle que l’on sent concrètement les limites et les effets de nos abus, et à peine quarante ans qu’ils sont devenus un vrai sujet de société. Nous commençons vraiment à chercher des solutions. Il est bien tard, mais c’est tout de même une bonne nouvelle. »
Un cèdre devant chez nous, cassé le 1° septembre 2024.

jeudi 12 décembre 2024

La chapelle Matisse. Marc Chauveau.

Avec les amis du musée de Grenoble, nous revenons dans la chapelle de Vence à la suite de frère Marc Chauveau, historien de l'art. https://blog-de-guy.blogspot.com/2024/04/le-vitrail-moderne-frere-marc-chauveau.html
Le « résultat d’une vie consacrée à la recherche de la vérité » comme le disait Matisse,
 ce questionneur de beauté,
auteur du grenoblois « Intérieur aux aubergines », est aussi une histoire d’amitié.
En 1941, Henri Matisse, « le miraculé », avait besoin alors de soins constants, il employa . Monique Bourgeois, comme infirmière. 
Devenue un de ses modèles, « Tabac royal », elle entre peu après dans l’ordre des dominicaines et prend le nom de sœur Jacques-Marie.
La villa de Matisse «  Le rêve » est située à deux pas de la maison qui abrite la congrégation.
Ne disposant avec les autres religieuses que d’un garage comme lieu de culte, elle montre un projet de vitrail pour lequel le maître l’encourage, elle lui permet de rencontrer un jeune dominicain Rayssiguier qui convainc rapidement l’artiste :  
« Votre chapelle nous allons la faire »
Il reste à vaincre la réticence des sœurs et à trouver un architecte véritable : Auguste Perret  a l’élégance d’accepter d’assurer la direction technique derrière le religieux pris un moment par le doute sur ses capacités à mener jusqu’au bout le chantier.
Imbriquée dans d’autres bâtiments, la chapelle s’adapte à sa position en contrebas de la route. Le transept est décalé dans une salle ressemblant à un grand livre ouvert où la lumière des vitraux apporte de la couleur aux dessins noirs sur carreaux blancs.
A l'image de son livre « Jazz » des gouaches découpées voisinent avec l’écriture.
Il  avait prévu  un vitrail « Fleuve de vie » , mais trop agité à son goût pour un lieu de prières, c’est sous le nom « Les abeilles » qu’il le réalise pour une école maternelle au Cateau-Cambrésis, sa ville natale.
Les vitraux aux verts et bleus transparents, au jaune opaque se souviennent de Tahiti avec des motifs végétaux évoquant le figuier de Barbarie, recours du voyageur dans les lieux les plus arides, sous un rideau protecteur.

Pour arriver à l’épure la plus sobre,  il travailla à très nombreux dessins pour laisser le temps à la rêverie, à l’identification.
Son « Saint Dominique » de Vence reçoit les couleurs,
celui d’Assy en apporte. 
Dans un geste d’accueil, préfigurant en même temps la crucifixion, « La vierge à l’enfant »,
inspirée de celle de Fouquet, se présente toute en élégance et douceur, avec pour modèle une jeune fille en train de devenir femme qu’il s’est empressé de dessiner, 
De nombreuses esquisses témoignent de ses recherches échappant aux modes.
Avec humilité, il met ses pas dans ceux des anciens dans son « Chemin de croix » où les scènes s’entremêlent, violentes. A la sixième station,  la « Sainte Face »
sur le voile de Véronique représente le seul visage de la chapelle.
Il s’agit d’une œuvre d'art total, par l’architecture, les vitraux, les grands dessins sur céramique, les objets liturgiques,
l'autel réalisé avec la même pierre que le pont du Gard regardant les deux petites nefs.
Bénitiers, tabernacle, confessionnal, chasubles se coordonnent.
Sur le linteau une autre « Vierge et l’enfant » figure aussi en tondo.
Impliqué pendant quatre ans, il  répondit à Picasso qui n’était pas d’accord avec son engagement dans un projet spirituel:  
« Au fond, il ne faut pas que nous fassions les malins. Vous êtes comme moi : ce que nous cherchons tous à retrouver en art, c'est le climat de notre première communion »
La Chapelle du Rosaire fut inaugurée en 1951. Trois ans avant la mort de l’artiste.

Le père Marc Chauveau avait revêtu la chasuble noire pour célébrer l’enterrement de sœur Jacques Marie en 2005.
« Cette petite chapelle est un grand témoignage - celui du vrai. 
Grâce à vous une fois de plus, la vie est belle. Merci. »
 Le Corbusier.

mercredi 11 décembre 2024

Comment sont vos nuits ? Orchestre national de Lyon.

Voilà une bonne idée surtout si 
Mendelssohn, 
De Falla, 
Moussorgski 
et Schönberg 
sont au programme d’un orchestre plantureux dirigé par l’énergique Johanna Malangré.
Au pays des rêves et des étoiles, pas besoin de vidéo pour que les auditeurs puissent répondre à la question initiale, chacun pour soi, sans injonction.
On peut se laisser bercer par l’ouverture du « Songe d’une nuit d’été » du romantique allemand moins sombre 
que « Nuits dans les jardins d’Espagne » aux accents de là bas.
Même pas peur, mais du plaisir pour « Une nuit sur le Mont-Chauve » du maître russe du fantastique.
« La nuit transfigurée » en deuxième partie de soirée ne laisse pas deviner les atonalités futures du « dégénéré » réfugié à Los Angeles.
Novice en musique jusqu’à la fin de mon temps, j’aurais bien aimé apprécier sa musique sans image et sans un texte qui pourtant a servi son inspiration, mais a pu me paraitre dépourvu de poésie : un homme accepte que la femme qu’il aime porte l’enfant d’un autre.
Cela avait fait scandale à l’époque : tout n’était pas mieux avant.   

mardi 10 décembre 2024

Nora. Lea Mazé.

 Une petite fille est confiée à son oncle qui vit seul dans sa ferme.
- Tonton, pourquoi la guerre, ça existe?
- Je... Heu... Je ne sais pas... Moi aussi, je me pose la question, tu sais...
- Mais elle est finie, hein?
- Ici, oui. Mais tu sais, la guerre elle est tout le temps dans d'autres endroits du monde.
- Il ne faut pas l'oublier. Il faut être heureux qu'ici il y ait la paix, parce qu'il y a des petits enfants de ton âge qui aimeraient que ce soit pareil chez eux
.
La petite boudeuse va être amenée à interroger le taiseux qui ne manque pas de bon sens. 
« Tu sais mourir à la guerre c'est très triste, mais le plus dur c'est d'être vivant à la guerre. Le plus difficile c'est de rester et de voir tout ça... de... de voir tout s'effondrer autour de soi sans pouvoir faire quoi que ce soit. » 
A partir de la naissance de petits chats, l’amour et la mort interrogent, et quand les réponses sont trop évasives, l’imagination de la fillette prend toute la place et l’amène à grandir.
Les couleurs sépia des dessins me plaisent davantage que le nez démesuré du Lucien. 
Mais rien qu’en 70 pages, au cours d’un récit assez original, les rapports entre les personnages évoluent, ce qui constitue pour moi une qualité primordiale.

lundi 9 décembre 2024

En fanfare. Emmanuel Courcol.

En ces temps où les désaccords pullulent, cette heure trois quart à la recherche d’harmonie fait du bien.Thibaut, chef d’orchestre découvre qu’il a un frère, Jimmy, joueur de trombone dans une fanfare.
Comme dans « La vie est un long fleuve tranquille » la question du déterminisme social se pose  et se résout dans la compréhension, la tolérance, après quelques rebuffades qui éloignent  tout risque de mièvrerie. 
 « Toi, à 3 ans, on t'a mis au piano, moi on m'a mis chez Claudine. »
Les deux acteurs Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, certainement pas interchangeables, ont chacun dans leur genre une forte présence. Le voyageur mondialisé va faire un tour chez les ch’tis et grâce au Boléro de Ravel, la grande musique s’associe à celle de la fanfare, Aznavour retrouve Beethoven.
Mais chacun reste maître en son royaume, au bout des rencontres où sont évitées les caricatures, dans un récit vivement mené, surprenant, avec un final émouvant qui fait pardonner quelques scènes de beuverie pas forcément utiles. 
Ceux qui dirigent des ensembles s’affichent avec bonheur sur les écrans en ce moment : 

samedi 7 décembre 2024

Les pieds tanqués. Philippe Chuyen.

Un ami enthousiasmé par le spectacle vu à Avignon, où la pièce jouée au boulodrome de l’île Piot a connu un beau succès, m’a donné l’occasion d'un aperçu des dialogues.
J’ai mieux compris à la lecture de ces 70 pages, la place que ne cessait de prendre l’Algérie dans sa vie, lui qui est né là bas, et le bien qu’a pu lui faire cette œuvre au langage fleuri permettant d’envisager les contradictions, d’exprimer regrets et chagrins, tout en continuant à jouer ensemble, à vivre ensemble. 
Depuis longtemps je n’avais pas lu de théâtre et bien que je ne goûte guère l’exercice, j’ai cru voir et entendre les quatre boulistes, sans leur truculence appréciée par ceux qui ont assisté à la représentation. 
Le mot pétanque vient du provençal quand les pieds doivent être ancrés au sol, bien « tanqués ».
J’ai mis du temps à identifier les personnages, ce qui m’a évité de tomber dans la caricature pittoresque pour approcher la complexité et l’intensité d’un sujet toujours d’actualité, traité ici avec bonhomie.
Les péripéties du jeu permettent le dialogue, les confidences. 
Le fils d’un combattant pour l’indépendance de son pays avait un oncle harki, 
le pied-noir aime l’Algérie de son enfance, 
alors que le père communiste du « Provençal de souche » portait les valises du FLN. 
Le parisien, dernier étranger à rentrer dans la partie, a sa part aussi dans ce passé douloureux qui le lie aux autres protagonistes. 
«  Parce qu’avec lui, les conversations, on n’a pas fini. »

vendredi 6 décembre 2024

Elle.

Une publicité pour un évènement organisé par le magazine « Elle » porte la mention « Musée de l’homme » remplacée par « Musée de la femme » auquel ne manque pas le point d’exclamation.
 
Depuis longtemps le mot « homme » même accompagné par « les droits de… », a perdu de son universalité pour être ramené à sa condition de mâle.
L'orthographe se délite, le vocabulaire s'appauvrit au moment où de pointilleuses ponctuations criblent quelques cultureux écrits.
Le magazine « Lui » a disparu bien avant que les proclamations inclusives soient devenues à ce point exclusives.
La mise en cause de tout homme à propos du procès de Mazan peut susciter un rejet automatique : nous ne sommes pas tous des violeurs de femmes chimiquement endormies.
Le refus de se voir essentialiser peut évidemment servir, comme il est admis que chaque musulman n’a pas à s’excuser des agissements de n’importe quel allumé.
Cette affaire nous concerne pourtant. Sans être obligés de se mettre dans la situation de ces tristes individus présentés comme un échantillon significatif de la masculinité, il est possible de se sentir troublés par un débat qui se poursuit.
Le boomer, que je suis, n’a plus à pousser mémé dans les orties, ni même dans les myosotis. J'éviterai donc de revendiquer une quelconque sagesse de circonstance, faisant valoir de surcroit le délai de prescription  pour avoir punaisé une photographie de Claudia Cardinale au mur de ma chambre d’adolescent.
A l’heure où l’expression «  je m’en bats les couilles » devient la ponctuation de la conversation de bien des adolescents, nous aimerions passer à d’autres expositions, que la mise en vitrine qui s’éternise, de nos bijoux de famille.
Pour avoir passé ma vie dans des milieux essentiellement féminins, je n'ai pas eu à mettre mon identité particulièrement en avant, ni à me diminuer. Les affres en tous genres : agenre, pangenre,  queer, genre fluide ou genre non conforme me sont étrangères. 
Les semelles compensées en transe battent le pavé, tandis que c'est la débandade chez les escarpins. 
Je réserve mon côté non binaire à des approches intellectuelles éloignant le manichéisme. 
A tellement cliver, les femmes se retrouvent plutôt seules à affronter l'avortement, alors que la contraception, une affaire plus commune me semble-t-il, apparait moins sur les écrans.
L'autre jour, j'ai aperçu le titre d'une brochure: « Entrer en pédagogie féministe ». 
D’autres urgences sont prioritaires dans les apprentissages scolaires, bien que le goût des filles pour les filières scientifiques reste toujours en dessous des attentes que leur plus grand appétit scolaire autoriserait. 
Pour être dans le registre des redresseur de destins, ne faudrait-il pas des quotas pour que des hommes puissent accéder à la profession d’enseignant ? Tant d’enfants qui souvent vivent exclusivement avec maman peuvent n’avoir connu que des femmes au cours de leur scolarité. Où sont les hommes ? Les quelques rescapés que je connaissais quand j’exerçais encore travaillaient surtout en maternelle.
Les valeurs de bienveillance qui dominent les discours sont plutôt l’apanage de nos sœurs, alors que triomphent tous les Trump dont les chevaux de bataille ont la tête tournée de l’autre côté.
Peut être que les excès woke ont accéléré la venue du diable blond et de ses épigones.
Les femmes disait-on étaient les gardiennes de la mémoire, des traditions, je ne sais si cela est encore vrai, tant se délitent les fresques anciennes sous les tags contemporains.
Les mots se dévaluent quand le terme « sublimer » se trouve au dos d’une tablette de chocolat aux « saveurs intenses, élégantes et racées »;  que restera-t-il pour Claudia  C. ? 
J'avais retenu la citation ci-dessous qui semblait bien s'articuler, mais à remplacer «femme» par «homme», rien de neuf n'apparait dans nos incompréhensions... alors disons «humains.
« Ceux qui disent toujours du bien des femmes ne les connaissent pas assez ; 
 ceux qui en disent toujours du mal ne les connaissent pas du tout. » 
Pigault- Lebrun