jeudi 27 octobre 2022

Les femmes photographes. Hélène Orain.

La conférencière devant les amis du musée de Grenoble dont elle est une familière des lieux https://blog-de-guy.blogspot.com/2020/01/du-noir-et-blanc-la-couleur-voyage-dans.html
amorce son exposé sous l’image de la « Kodak girl » vouée aux portraits de famille avec des appareils simples, bien que papa appuie le plus souvent sur le déclencheur.
L’exposition de 2015 « Qui a peur des femmes photographes ? » a alimenté une thématique ayant révélé quelques talents longtemps cachés. 
Sur l’affiche figure le portrait de la tante de Virginia Woolf, Julia Margaret Cameron.
Celle-ci, photographe maintenant célèbre, adepte du plein cadre et des fonds neutres, 
a donné au flou un caractère artistique. « I wait ».
Ses portraits révèlent l‘intimité de « Charles Darwin »
ou de l’astronome « Sir John Herschel ».
Pour « Iago » elle a justifié sa réputation de « tyrannique bienveillante ».
Proche du mouvement des préraphaélites, 
ses sujets sont allégoriques, « The kiss of peace ».
Mais «  Vivien and Merlin » devant illustrer un poème de Lord Tennyson 
ne rencontra pas son public.
D’autres femmes l’avaient précédée, pas seulement des petites mains minutieuses pour retoucher les images ou modèle donnant des avis techniques avant de s’exprimer seules, telle « Constance Talbot ». Son portrait constitue une première par son mari Henry Fox Talbot inventeur par ailleurs du procédé négatif-positif, du photogramme.
La botaniste Anna Atkins réunit en livre ces images sous forme de cyanotypes.
Lady Mary Georgina Filmer expérimente des photomontages,
Clementina Hawarden
, en pleine époque victorienne, 
photographie ses filles pieds nus et cheveux lâchés.
Gertrude Käsebier
, représente son mariage malheureux : « Sous le joug et muselés ».
Elle est reconnue par le public : « The Manger » et par ses pairs pour ses portraits de
«
 Florence Evelyn Nesbit »
ou « The red man » dont elle a retiré les atours pour mettre en valeur son individualité.
L’a
utoportrait de Frances Benjamin Johnston en « Nouvelle femme » affiche ses convictions féministes au temps des
« 
Jeunes suffragettes faisant la promotion de l’exposition de la Women’s Exhibition de Knightsbridge » saisies par Christina Broom en 1909.
La modernité s’est déplacée d’Angleterre en Allemagne quand Gisèle Freund connue pour ses photographies d’écrivains, « Virginia Wolff »,  fuit l’Allemagne nazie en 1933.
Lucia Moholy documente les créations du Bauhaus et dans la même mouvance
Florence Henri
présente ses « Pariser Fenster ».
Les points de vue originaux de Germaine Krull la placent à l’avant-garde des années 20.
Dora Maar
, (Henriette Theodora Markovitch)  dont la notoriété passait par son rôle d’assistante de Man Ray et amante de Picasso, se voit aujourd’hui reconnue dans toute sa puissance. « Mannequin en maillot de bain »,
« Le simulateur »,
« Assia ».
Pour « Magnolia Blossom » d’Imogen Cunningham auteure de « La photographie comme profession pour les femmes », 80 prises ont été nécessaires.
Mère de jumeaux elle présente souvent des doubles. 
« La photographie n’est pas une meilleure profession pour une femme ou pour un homme, c’est simplement une profession. »  
« Je suis une photographe, pas une femme. Je ne crois pas que cela fasse de différence quand on travaille. » 
Berenice Abbott
saisit les transformations de New York. « West Street » 1938.
De Dorothéa Lange auteur de l’iconique « Migrant Mother », je retiendrai aussi
« Deux hommes marchant le long de la route près d'un panneau d'affichage indiquant « La prochaine fois, essayez le train. Détendez-vous » 
« Laquelle de mes photos est ma préférée ? Celle que je prendrai demain. » I. Cunningham

mercredi 26 octobre 2022

La Roche sur Yon

Nous quittons les Sables d’Olonne direction Nantes avec un temps mitigé et venteux.
Nous nous accordons une étape à La Roche sur Yon.
Nous trouvons à nous  garer facilement  Place Napoléon en bordure du jardin dominé par la statue équestre de l’Empereur.
Des animaux mécaniques voisinent avec des canards et des poissons bien vivants dans des bassins alimentés uniquement par les eaux de pluie.
Devant chacun des automates, des commandes sur des consoles avec des explications dessinées  permettent de les manœuvrer.
Ainsi, une chouette, un ibis, une loutre, des grenouilles poissons un  crocodile du Nil ou encore de flamants roses s’agitent tout en produisant des claquements et des grincements de moteur arthritique. Une employée de l’Office du tourisme débloque chaque jour  les accès à toutes ces machineries de 10h à 18h, en libre accès aux petits comme aux plus grands.
Sur l’un des côtés de la place, à l’opposé de l’église, des murs recouverts de reproductions sous forme de grosses vignettes attirent notre regard.
Elles sont de Benjamin Rabier. Ce dessinateur illustrateur natif de la ville doit sa célébrité en partie à ses dessins de La vache qui rit et du canard Gédéon. Nous prenons plaisir  à regarder ces images un peu vieillottes des années 30, entre caricature et BD.
Nous nous avançons ensuite vers le théâtre bien restauré de style romain. Il s’élève derrière  un petit jardin consacré à une  végétation abondante dont un  panonceau désigne chaque espèce. Pour l’agrémenter, une grande fontaine laisse couler l’eau de trois bidons placés sur le haut d’une colonne.
Nous n’investiguerons pas plus la ville, simple étape sur notre trajet, pour  nous rendre à notre véritable destination : NANTES ; nous la rejoignons par la départementale.

mardi 25 octobre 2022

La revue dessinée. N° 37. Automne 2022.

Plusieurs reportages consacrés à l’alimentation privilégient la dénonciation, les abus, mais délivrent aussi des informations pertinentes et fouillées.
A Vittel comme à Volvic, les multinationales pompent abusivement les eaux,
et les industries de la frite dictent leurs conditions de l’usine aux champs dans les Hauts de France.
Il en est jusqu’aux abeilles domestiques qui concurrencent les sauvages. "Bad BZZZ".
Avec le sérieux de la galaxie Médiapart, la variété des styles des différents dessinateurs n’atténue guère la teneur pessimiste de la maison. 
En 228 pages seul l’humour pourtant constitutif de bien des BD est modéré.
Les couleurs ont beau être fidèles à des ambiances sénégalaises, elles ternissent quand est évoqué le sort des petits pêcheurs dépossédés de leur gagne-pain par les bateaux industriels qui croissent au large. Les réactions de certains d’entre eux sortant des déplorations habituelles ouvrent d’autres voies que les fatals embarquements vers l’Europe.
Le courage de Louisette Ighilahriz violée par des soldats français pendant la guerre d’Algérie est remarquable, son témoignage exceptionnel. 
Et l’histoire d’une femme mise à l’isolement pendant 20 ans car elle était porteuse saine de la typhoïde est incroyable.
Le milieu scolaire m’était familier et je connaissais le sort des maîtres auxiliaires, je n’arrive pas à croire que les conditions des profs contractuels d’aujourd’hui sont à ce point précaires. Il faut un complément en fin de « reportage » pour apprendre qu’au bout de 6 ans ils peuvent prétendre à un CDI.
Ma rubrique habituelle préférée ne me déçoit jamais, même si les dessins ne sont pas à mon goût : cette fois « la sémantique c’est élastique » bavarde autour du mot : « province ». L’alternative ping-pong ou tennis de table me laisse aussi indifférent que Siouxsie, une punk qui m’est aussi inconnue que le film évoqué ce trimestre : « Cry baby ».
Par contre le rappel de l’histoire de la dépénalisation de l’homosexualité n’est pas inutile.   

lundi 24 octobre 2022

Les Harkis. Philippe Faucon.

Même si les acteurs peuvent paraître parfois un peu raides, les réserves esthétiques ont peu d’importance face au rappel nécessaire d’une trahison qui déshonora la France. Le chemin est si long pour évoquer tous les non-dits d’alors. La capacité de regarder son passé, fut-il peu glorieux, passe pour faire honneur au courage de ce côté de la Méditerranée, à essayer de « démêler les douleurs » comme dirait Benjamin Stora.
Dans ce pays de pierres, de jeunes algériens s'enrôlent ou sont enrôlés dans l’armée française à la fin des années 50. Ils vont être massacrés par dizaines de milliers après la victoire des nationalistes. Ceux qui ont réussi à rejoindre le pays qui les avait engagés vont être accueillis avec parcimonie.
Aucune leçon facile ne nous est assénée après tout ce que nous avons appris. La description des destins individuels est bien typés au sein d’une harka, avec un épisode riche de sens quand pour obtenir des renseignements les harkis se font passer pour des « fellaghas ». 
Le réalisateur sans esbroufe a toujours été intéressant:
 
 

dimanche 23 octobre 2022

Barulhos. Compagnie Malka.

J’ai bien aimé, même si le titre est trompeur, puisqu’il s’agirait en portugais des bruits du quotidien. Le spectacle d’une heure commence par le silence pour se continuer avec les stridences habituelles des musiques concrètes et des rythmes techno appuyés. 
A vrai dire, le silence initial n’est pas intégral : les frottements des vêtements rythment les mouvements.
Il y a bien quelques échos de manif, des déclarations tronquées en différentes langues qui rendent le propos aussi clair que lorsqu’on se trouve devant des panneaux en cyrillique. 
Mais par rapport au spectacle de danse précédent où les danseurs s’agitent dans le silence la moitié du temps, 
avec toute la mauvaise foi qui convient dans un débat culturel entre proches, j’en serai à trouver l’artiste de Saint Martin d’Hères supérieur au new-yorkais : six danseurs ont plus de densité que deux êtres perdus sur une grande scène, d’autant plus que les pas de deux ont séduits les moins emballés par les arabesques de ce soir.
Virtuosité, mouvements d’ensemble harmonieux, lenteur et vivacité, enlacements et solitudes : une jolie troupe. 
La salle, où l’on surplombe la scène nous rendant proches des acteurs, valorise leur travail. Mais quel spectacle ne vise pas à « retisser le lien social et retrouver l’autre » alors que le hip hop « ça déchire! », ne disait-on pas ?
A abuser de mots défraichis « le plaidoyer dansé pour un espace de paix et de partage » risque de se fondre dans le brouhaha; heureusement la vigueur des corps prend le dessus. 

samedi 22 octobre 2022

Les deux rives. Roger Grenier.

Les portraits saisis dans le milieu littéraire par un membre du comité de lecture de chez Gallimard, sont colorés. 
L’écrivain cite les attendus de l’exclusion de Marguerite Duras du PC : 
« Elle fréquente les boîtes de nuit du quartier Saint-Germain-des- Prés où règne la corruption intellectuelle et morale, et que condamne à juste titre la population laborieuse et les intellectuels honnêtes de l’arrondissement. » 
Il fallait du courage, quand un otage déporté, « à un SS qui lui tapait dessus il avait déclaré : « comme je vous plains d’être obligé de frapper un vieillard. » 
Les célébrités de 1961 sont familières aux promis de l’EHPAD : 
«  Une semaine après avoir assuré le reportage de l’enterrement de Céline, j’étais à Pampelune en train d’enregistrer pour la radio une messe que le matador Antonio Ordóñez faisait célébrer, dans la chapelle Saint Firmin de l’église San Lorenzo, à la mémoire de son célèbre aficionado[Hemingway venait de se suicider]. Orson Welles était là ainsi que quelques vedettes du cinéma et de la littérature qui semblaient s’être donné le mot pour se retrouver à la féria de Pampelune, en souvenir d’Ernesto.»
 A quoi tient la notoriété ? Un des fils du journaliste de Combat invité à lire Malraux réplique : 
« Tu ne te figures pas que je vais lire les livres d’un ministre. » 
Le recueil des bons mots s’épaissit quand il cite Prévert : 
«  Même assis, je ne tiens plus debout. » 
ou un autre confrère après l’enterrement d’Antoine Blondin : 
« Même l’église était bourrée. » 
Ces 140 pages agréables se lisent tellement facilement que leur trace risque d’être peu profonde, les anecdotes plaisantes ayant pris le pas sur toute mise en perspective de la littérature. 
« Il n'y a plus d'après       
À Saint-Germain-des-Prés
Plus d'après-demain
Plus d'après-midi
Il n'y a qu'aujourd'hui
Quand je te reverrai
À Saint-Germain-des-Prés
Ce n'sera plus toi
Ce n'sera plus moi
Il n'y a plus d'autrefois »

vendredi 21 octobre 2022

Le Postillon. Automne 2022. N° 66.

Les rédacteurs anonymes qui aiment tant le temps jadis où il n’y avait pas de campus à Saint Martin d’Hères et essentiellement des vignes à Crolles devraient s’inspirer de la presse à l’ancienne aux collages moins grossiers que la couverture qu’ils proposent pour une nouvelle saison à 4 €. 
Pourtant le contenu est intéressant, quoiqu’énervant souvent. 
Le Postillon est à l’origine du déglingage de Ferrari après l’usage privé de sa voiture de fonction et constitue le vecteur d’un règlement de compte politique avec le vice président de la Métro qu’il devança : Yves Mongaburu, qu’ils n’ont  d'ailleurs pas toujours épargné. 
Un témoignage d’un mathématicien chercheur en intelligence artificielle repenti me parait bien plus convaincant dans leur créneau technophobe radical que leur campagne en faveur des cabines téléphoniques et leur acharnement sans nuance contre ST Micro électronique.
Dans ce Grésivaudan à la pointe de la modernité «  le règlement de comte » à Villard-Bonnot entre un châtelain et une famille d’agriculteurs revient aux catégories censées être abolies depuis deux siècles avec des serfs qui ne bichent guère.
Nostalgie dans la tour Chavant, celle de la poste, dont les services financiers ont disparu depuis l’informatisation et vont être remplacés par de salles d’escalade, de coworking sous roof top.
Les deux papys réparateurs de baby-foot et de flippers sont moins nostalgiques que leur intervieweur : 
« - Et vous vous jouez ?
- Oh nous tu sais, on n’a jamais été tellement joueurs, ce qui nous intéresse c’est la mécanique. »
La séquence historique habituelle nous éclaire quand on suit le procès en 1760 d’un hermaphrodite, on dit « intersexe » aujourd’hui, à travers les récits de son avocat.
J’imaginais les centres de données (Data center) implantés au bord des banquises, eh bien il y en a chez nous dans le quartier de la Mutualité que je savais chaud pour d’autres raisons, ou rue Diderot, rue général Mangin, à Seyssinet, à Echirolles ou à Eybens.
Les enquêteurs décroissants ne sont pas allés dans les égouts mais ont interrogé un égoutier : éclairant.
Il aurait été étonnant qu’ils trouvent des qualités aux livres que viennent d’écrire Olivier Véran et François Brottes, mais leur ironie est justifiée concernant l’ « adjoint à la fraicheur » n’arrivant pas à excuser le nombre très important de fontaines à sec à Grenoble cet été.