mercredi 12 janvier 2022

Colmar # 1

Nous  terminons notre agréable et instructive visite vers 16h30, 
il est temps de prendre la route pour Colmar où nous arrivons vers 17h.
Nous repérons facilement les lieux du AirB&B avant de nous engager dans les rues animées et étroites du centre-ville.
Nous réussissons à nous garer rue de la Grenouillère mais il est trop tard pour profiter de l’Office du tourisme, fermé, face au musée Underlinden.
Alors nous vadrouillons sans but précis dans le vieux quartier et finissons par nous asseoir à la terrasse d’un bar face à la cathédrale, à siroter tout en faisant le point pour les jours à venir. 
Vers 18h30, nous allons prendre possession de notre logement chez  L. C’est une femme dynamique et baraquée, accueillante, efficace, qui nous transmet un certain nombre d’informations pratiques et pertinentes.
Sur ses conseils, nous repartons à pied vers la « petite Venise ».
En quelques minutes à peine, nous débouchons en plein cœur de la ville. 
Nous flânons dans des ruelles pour la plupart piétonnes, bordées  de belles maisons colorées  à pans de bois, 
sur lesquelles se détachent  des enseignes suspendues originales et en métal peint.
Les canaux et ponts comme celui posé  sur la Lauch, justifient une comparaison avec Venise,
et les touristes ne manquent pas pour photographier ce décor de carte postale.
Quant aux amoureux, ils laissent trace de leur passage sentimental  en accrochant un cadenas aux balustrades des passerelles. L. nous a recommandé le restaurant Schwendi près de la statue du chef de guerre
du même nom tenant un cep de vigne ( Tokay?)
Cet établissement se revendique être  un Winstub, c’est-à-dire  « un type de bar-restaurant à vin traditionnel spécifique de l’Alsace et de la Suisse alémanique. A l'origine plutôt populaire, la winstub permettait aux producteurs de vins d'écouler le surplus de leur production, en tenant restaurant directement chez eux. Dans un cadre chaleureux et rustique, le vin y était apporté en pichet, accompagné de petits plats du terroir faits maison. ».
Nous avons du mal à trouver une table au milieu du monde qui investit aussi bien ce restau que les rues, les places et les terrasses avoisinantes. Mais le patron diligent nous dégotte une petite table. Nous nous régalons avec des roestis et un pichet de vin blanc alsacien.
Progressivement vers 21h15, les rues et les bars restaurants se vident, inversement à ce qui se produit dans les pays du sud de l’Europe.
Nous apprécions les éclairages des maisons et la paix retrouvée dans les rues en retournant à la maison. (10 minutes).

mardi 11 janvier 2022

Des souris et des hommes. John Steinbeck Rébecca Dautremer.

Oui ce livre est chroniqué un mardi, jour de la BD sur ce blog, mais aurait eu toute sa place le samedi jour de littérature. Rarement dessinatrice dont le nom côtoie celui du prestigieux écrivain américain aura été à une telle hauteur. 
Bien souvent l’image vient s’adosser au texte. Là, les dialogues aux paroles rares, brutales sont essentiels et l’écrit est magnifié, vivifié :
«  L’eau est tiède aussi, car, avant d’aller dormir en un bassin étroit, elle a glissé, miroitante au soleil, sur les sables jaunes. »
De délicates aquarelles animalières ou de paysages, vont avec des esquisses fruit d’un travail impressionnant par son volume et sa variété quand des publicités imaginaires viennent apporter une touche de fantaisie, de poésie au rude quotidien de deux amis travailleurs louant leur force de travail de ranch en ranch. 
Dans cet univers violent des années 30, les caresses tuent.
Le format bande dessinée classique ne venant que dans le dernier récit d’un rêve (américain) impossible : 
« On aura une petite ferme.
- On aura une vache dit George. On aura peut être bien un cochon et des poulets… et dans le champ… un carré de luzerne…
- Pour les lapins hurla Lennie » 
Dans ce texte bref, tendu, retranscrit intégralement, le drame est inéluctable.
Et il faut bien plus de 400 pages magnifiques pour rendre la profondeur de ce chef d’œuvre d’humanité terrible, sublime, bouleversant, inoubliable.

lundi 10 janvier 2022

Licorice pizza. Paul Thomas Anderson.

« Pizza à la réglisse » : titre énigmatique pour une histoire d’amour adolescente avec ses hauts, ses bas et ses plateaux. 
« On détient déjà la comédie romantique de l'année » : quand, en janvier, un critique écrit cela pour figurer sur l’affiche promotionnelle, il risque de provoquer aussi la déception.
Deux heures agréables avec des acteurs neufs et l’atmosphère des années 70  qui fait naître chez certains une nostalgie que je n’ai pas partagée, contrairement à la douceur qui est bien là.
Nous sommes à l’abri des discours de haine ou annonçant des catastrophes imminentes et nous passons un bon moment qui n’aura rien d’inoubliable. 
Pourtant cette fantaisie, ce charme, cet optimisme ne pourraient-ils pas imprégner des histoires plus contemporaines ?
Le réalisateur a bien varié ses approches 
il arrive à trouver un ton original sur un thème battu et rebattu. 
Alors sans abuser des comédies musicales, on pourrait espérer qu’il y aura d’autres propositions de comédies romantiques aussi charmantes. Un Martini.

dimanche 9 janvier 2022

Candide. Arnaud Meunier.

Le conte philosophique de Voltaire est représenté d’une façon susceptible de séduire le public des lycées, en mêlant comédie et réflexion, sans la démagogie que me faisait craindre quelques déclarations le directeur de la MC2 qui avait déjà présenté ce travail à Saint Etienne. 
« Pangloss disait quelquefois à Candide :-Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin, si vous n'aviez pas été chassé d'un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l'amour de Mlle Cunégonde, si vous n'aviez pas été mis à l'Inquisition, si vous n'aviez pas couru l'Amérique à pied, si vous n'aviez pas donné un bon coup d'épée au baron, si vous n'aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d'Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches. »
L’optimisme de Candide a été mis à l’épreuve depuis la Westphalie en passant par la Bulgarie, Lisbonne, Buenos Aires, Venise, Paris, Constantinople... malgré un passage au pays d’Eldorado.
Les acteurs conteurs tiennent allègrement plusieurs rôles sous les rythmes enjoués de deux musiciens dans une mise en scène simple, bien éclairée, sans que la vidéo fasse gadget.
Le « Tout pour ma gueule » ne date pas d’aujourd’hui, ni la bêtise, et l’esclavage était dénoncé il y a 224 ans avec force, comme la situation des prostituées...L’ironie s’exerce sur les quartiers de noblesse, alors la gravité ne prend que plus de relief lorsque sont décrites les atrocités de la guerre et les abus des religions.
Si j’ai eu le plaisir de retrouver:  
« le travail éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice, et le besoin. » 
j’ai été surpris par quelques murmures qui ont accompagné le fameux dicton. 
Voilà un bon équilibre entre le plaisir du jeu et le respect d’une œuvre qui n’a pas besoin de clins d’œil appuyés à l’actualité pour nous parler. Les scènes se succèdent vivement sans que cela altère la quête obstinée du jeune homme amateur de contradictions philosophiques.

 

vendredi 7 janvier 2022

Tonton.

Faudra-t-il lancer une pétition pour que soit respectée la corporation des oncles et tantes présentés par des comiques comme de fâcheux fachos autour des tables des fêtes, dans le même panier à archétypes que la belle-mère abusive des années 50?
En ce qui me tontoncerne, les fêtes passées entre scrupuleux d’un côté et quelques non-vaccinés de l’autre, nous avons retrouvé la plupart des amateurs de gratin de cardons qui en avaient été dispensés l’an dernier.
Si nous avons contourné les débats qui fâchent, nous avons bien discuté ; le plaisir de se revoir en « présentiel » étant plus fort que la crainte de retrouver une leçon de morale sous chaque verrine à la façon des blagues de papillotes voisinant avec quelques proverbes chinois:  
« Un bon chef de famille, c'est celui qui se montre un peu sourd ». 
J’ai le sentiment que le « chacun pour sa gueule » même déguisé en développement personnel n’est pas venu grignoter notre premier lieu et dernier refuge de sociabilité : la famille. 
Il semble que l’usage intensif du doigt à switcher nous rende plus nerveux et que parfois l’éventualité de la présence d’un intoxiqué de Zemour ou d’une fana de la détox complique le plan de table. Mais la diversité des opinions n’est pas passée chez nous pour une atteinte à l’intégrité des convives comme on peut le lire dans les woke papers. Les « obligations » familiales, comme il en est de vaccinales, constituent de bonnes occasions pour expérimenter « l’altérité ». 
« Après un bon dîner on n'en veut plus à personne, même pas à sa propre famille. » O.Wilde
Au-delà des mots « bienveillance » et « diversité » devenus tellement passe-partout qu’ils en sont sciant, se retrouve sur le billot de l’usine à langue de bois le «  vivre ensemble ». Mais que dire de mieux, que faire d’autre ? 
Pour avoir vu en 68 derrière chaque CRS, un SS,  je peux me prévaloir du privilège de l’antériorité dans la bêtise héroïque, alors que me révulse aujourd’hui le mot PaSS sanitaire inscrit au Mont Valérien avec la sinistre graphie.
Dans ce lourd héritage imbécile à renier, je peux ajouter un « famille je vous hais » d’après Gide des années adolescentes. Quand il m’arrive de frissonner à l’écoute de « La Marseillaise » voilà « famille » et « patrie » qui ne manquent pas de s’accoler à « travail » dans une trilogie qui peut vous mettre dans un drôle d’Etat (français). 
On exagère avec les mots en les gonflant sans qu’ils pèsent plus qu’un rôt de bovidé. Nous sommes cependant atteints par l’air ambiant agressif dont les caricatures qu’on chérissait réduisent la politique à une somme d’intentions mauvaises. Nous sommes sur le plateau de la société du spectacle avec ses émotions outrées, ses postures outrancières, ses jugements excessifs. La période électorale annoncée, qui paraît-il n’intéresse pas grand monde, occupe  en tous cas nos colonnes, est peu propice à la nuance. J’éviterai de m’engluer dans le pot de miel des vœux douçâtres en souhaitant des nuances dans nos avis.  

jeudi 6 janvier 2022

Robert Delaunay. Eric Mathieu.

Sous l’image virevoltante, « Hommage à Blériot » qui figure dans les collections permanentes du musée de Grenoble, le conférencier devant les amis du musée, va s’attacher à mieux faire connaître l’artiste dont la notoriété est moindre en France qu’en Allemagne ou en Russie.
Sa femme Sonia Terk, sa « petite russe » avait aussi mieux pris la lumière.
Il est né en 1885, à l’époque où le pointilliste Seurat expose. Les bases de la modernité sont posées : la peinture de la perception objective passe avant celle de l’émotion.
Son «Autoportrait» de 1906 témoigne de son émerveillement à la rencontre de Matisse, Seurat pour leur manière de construire avec la couleur. Contemporain de Picasso, Léger, Braque, il ne restera pas longtemps dans le « terne » laboratoire cubiste, lui a plutôt « le cubisme heureux ».
Il réintègre le noir après une période impressionniste et joue sur les complémentaires dans un « Marché breton » évoquant également Gauguin.
Un autre «Autoportrait» de 1909 multiplie les points de vue sans s’enfermer dans les couleurs ternes, Cézanne est passé par là qui remet en cause les formes. Il en est à une période « destructrice ».
« La flèche de Notre Dame» depuis un point de vue inusité nous touche évidemment.
La lumière incurve les lignes dans la série des «Saint-Séverin» et dissout les ombres du sol au plafond.
Il a contribué à magnifier « La tour Eiffel», totem de la modernité, toujours élégante, très présente ou perdue dans les nuages.
Il se réapproprie « Les Trois Grâces» peintes jadis à Pompéi, quand elles paraissaient devant Pâris,
il les met en scène devant « La ville de Paris»  intégrant des connotations de Douanier Rousseau.
« Ce tableau marque l'avènement d'une conception d'art perdue peut-être depuis les grands peintres italiens. […] il résume aussi et sans aucun appareil scientifique tout l'effort de la peinture moderne. » Blaise Cendrars
Guillaume Apollinaire a été inspiré par « Les fenêtres»  
« Du rouge au vert tout le jaune se meurt
Paris, Vancouver, Hyères, Maintenon, New-York et les Antilles
La fenêtre s’ouvre comme une orange
Le beau fruit de la lumière ». 
Ces fenêtres pourraient diffracter bien des apports venant du «cubisme» allant vers l’« abstraction », faisant naître le «simultanisme», l’«orphisme» terme qu’il refuse. 
Bien qu’il se tienne loin des théoriciens, il s’enrichit des lectures du chimiste Chevreul et de correspondances avec Kandinsky ou Klee. 
« J’eus l’idée à cette époque d’une peinture qui ne tiendra techniquement que de la couleur, des contrastes, mais se développant durant le temps et se percevant simultanément, d’un seul coup ».
En «hérésiarque du cubisme»(chef d'une secte hérétique), il se défendait d’appartenir aux «futuristes», mais les remous  autour de ses disques colorés, le dynamisme de « L’Equipe de Cardiff » et ses recherches du mouvement l’en rapprochent.
Ses « Formes circulaires, Soleil n° 2 » éblouissent, tournent et vibrent.
Réformé, il habite en Espagne et au Portugal.
Il cherche toujours la nouveauté : «La femme portugaise ».
L’ami Tristan Tzara se tient devant « Le manège des cochons ».
Les phonographes de
« La Baraque des poètes »  rappellent les liens avec les expérimentations musicales. Loin des chevalets il intègre la peinture monumentale à l’architecture.
« Relief gris »
. Il travaille avec de la caséine, des plâtres, propose des colorations dans la masse, des inclusions de graines, des installations en rhodoïd.
Il réalise la décoration du « Palais de l'air » et celui du chemin de fer pour l’exposition universelle de 1937.
Il avait déjà réalisé une autre « Tour Eiffel » pour l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes en 1926.
Formé dans un atelier de décorations de théâtre, une de ses dernières interventions sera pour les ballets russes de Diaghilev dont il fit les décors
alors que Sonia se voyait confier les costumes. 
Il est mort en 1941.
«Rythme, Joie de vivre»
était destiné à un projet inabouti de phalanstère.