vendredi 1 janvier 2021

Almanach dauphinois 2021.

Tout n’a pas été englouti par une toxique année 20, car il reste dans la livraison du 55° numéro de la publication annuelle une place pour noter quel jour vont fleurir les forsythias, et qu’il convient de « bêcher les terres fortes et les laisser en grosses mottes » dès janvier.
Les dictons : «  ça commence par une rigole et ça finit par une rivière » 
ou « une promesse vaut une dette » gardent leur pertinence, 
avec le lever et le coucher du soleil notés pour chaque jour :
au 1° janvier il sera là de 8h 17 à 17h 04.
Le temps du confinement n’a pas été oublié : 55 jours du 17 mars au 11 mai avec rappel de la grippe espagnole qui fit 50 millions de morts dans le monde en 1918. L’évocation de la première sortie des vaches mises au pré a sans doute été inspirée par le déconfinement : « les premiers jours la sortie dure quelques heures seulement. Ensuite on va allonger progressivement la durée. » 
Et si les mots « Netflix » ou « fake news » apparaissent au fil des 136 pages, dans le rappel des évènements de l’année écoulée  en Isère Hautes Alpes et Drome, les signes du réchauffement planétaire sont mentionnés (20° à Grenoble le 11 mars après un mois de janvier qui n’a jamais été aussi chaud), ainsi la fermeture pour la première fois du glacier des 2 Alpes à 3600 m d’altitude le 7 août. 
Les innovations sont répertoriées, tel ce tétraplégique pilotant son exosquelette par la pensée ou la livraison par drone de colis au Mont Saint Martin.
Les remèdes de mémé Alice n'ont pas d'âge lorsqu'il s'agit de déposer des feuilles de cassis hachées pour cicatriser une coupure. 
Le récit d’une lectrice qui avait été placée par sa famille chez des paysans pendant la guerre de 39-45 est terrible, avec des gouttes de sang qu’elle devait nettoyer après avoir été frappée par un martinet agrémenté de finettes de vitrier. 
Le conte intitulé "l’Oncle d’Amérique" fait s’affronter générosité et étroitesse d’esprit dans une famille de par chez nous.
Mais ici ou là, on ne disait pas « comment tu vas ? » de la même façon du côté de Saint Chef :
« coume té qué va ? » ou à Arvieux-en- Queyras : «  couma vaïlo ? » quand «  K’ét’ô k’te fa » à Saint Vérand signifiait « que fais-tu ? »
 Le reportage annuel conduit cette année à Puy-Saint- Martin à mi chemin entre Crest et Montélimar. Le nom « puy » dérive du latin « podium » signifiant hauteur, sommet. Dans les années 50, des équipes de Bedeaux (Ardéchois) venaient s’embaucher pour les moissons et les fenaisons et à la « foire froide » on y mangeait « la défarde », des abats d’agneaux roulés en paquet. Pas loin du Royans où officiaient des ravioleuses qui jouaient de « la ridelle », des roulettes dentées, pour confectionner les ravioles dont la recette avait été importée par les charbonniers italiens et adaptée avec les fromages locaux.
Quelques personnalités sont remises en lumière :
- Sous le logo représentant une cigogne, Marcel Guiguet avait conçu des motos qui furent produites à Corbelin, dans les années 20.
- Un médecin de Theys, Prosper-Antoine Payerne, avait mis au point un submersible autonome au milieu du XIX° siècle. Il l’avait baptisé « Belledonne ».
Des traditions sont rappelées :
- Une montre était souvent le cadeau de communion, jour ou parfois les garçons portaient pour la première fois un pantalon.
- La fête des bouviers venait à la fin des labours entre janvier et mars, elle  se perpétue à Loriol sous forme de corso.
A chanter sur l’air de la Marseillaise : 
«  Allons bouviers du voisinage
Célébrons la fête au hameau
Quittons tous notre paysage
Ce jour est pour nous le plus beau (bis)
Loin des fatigues des campagnes
Allons respirer un air doux
Le verre en main, m’entendez-vous
Ecoutons l’écho de nos montagnes. »
 Parmi les invariants :
- Les expressions dauphinoises : « faire la vie » (la noce), ou la réponse à prenez soin de vous : « pareillement ».
- Description méticuleuse d’un animal : la tache sous la queue le cerf se nomme le miroir,  
d’une plante : le silène au calice gonflé qu’on faisait éclater sur le dos de la main comme un petit pétard, 
voire la pomme nationale dite aussi «  déesse nationale », 
alors que le portrait du berger des Alpes n’est pas inutile car chez les chiens celui des Pyrénées est bien plus connu.
- Origine des mots: « rocambolesque » doit son existence à un écrivain Haut Alpin, Ponson du Terrail né à Montmaur, père du personnage Rocambole.
- Comme les habitants de Joveysieux sur les bords de l’Herbasse victimes de fièvres avaient invoqué avec succès Donat qui avait combattu un dragon, le village prit le nom de l’ermite de Sisteron Saint Donat.
- L’inévitable Fafois a une descendance :
« - Pourquoi ne te coiffes-tu pas le matin avant de venir en classe ? demande la maîtresse à la fille Fafois 
- Parce que je n’ai pas de brosse, m’dame.
- Et pourquoi ne demandes-tu pas à ta maman de t’en acheter une ?
- Parce qu’alors, il faudrait que je me coiffe. » 
Et les centenaires présentés en ribambelle ont encore toute leur tête.
En 2020  on pouvait réviser 2019 :

mercredi 30 décembre 2020

Voyages 2020.

Un choix de lieux parcourus cette année: les ailleurs prennent un peu plus de valeur alors que la proximité se redécouvre.
- Nice : Riche.
- Le château de Pupetières : mes terres (froides).
- Un tour en France : annonce de récits à venir.
- Promenades autour de Grenoble : le plus lu sur ce thème. 
- Le cimetière de Milan : impressions fortes. 
 
La photo: Le Néron (Saint Egrève) à moins d'un kilomètre de chez moi 
 

mardi 29 décembre 2020

Bandes dessinées 2020.

En matière culturelle, les univers sont très variés : pas une des BD, que j’ai lue cette année parfois longtemps après leur parution, ne figurait dans la liste récapitulative du journal « Le Monde ». 
Voici mes cinq préférées comme chaque fin décembre :
 - « Printemps à Tchernobyl » : Au cœur de l’incroyable. 
- « Le bruit des mots » : Bande son d’une BD pastel. 
- « Le rapport de Brodeck » : Larcenet au sommet. 
 - « Heimat » : Histoire vivante. 
 - « Un homme est mort » : Classe l’ouvrier ! 

jeudi 24 décembre 2020

Dérogation de Noël.

« Le choix de la dérogation opéré par le gouvernement en faveur de la soirée de Noël au détriment de celle du 31 décembre est gravement discriminatoire »
Françoise Dreyfus professeur émérite Paris I Sorbonne.  
« Gravement » : ma colère ferait trop d’honneur à ces bêtises plutôt accablantes pour ce qu’elles révèlent de l’époque.
J’avais bien eu sur Facebook un aperçu de ces billevesées tellement banales sur le web qu’elles tendraient même à fortifier chez le lecteur blasé une certaine résistance nommée mithridatisation (ingestion d'un produit toxique afin de se préserver des poisons).
Les employés du journal « Le Monde » version numérique, dont les prérogatives consistent à obtenir le maximum de clics n’avaient pas valorisé la plaidoirie pourtant remarquable de Richard Malka concernant la liberté d’expression, bien que la version papier lui ait donné toute son importance, mais ils ont choisi l’originalité avec l’avis de cette politiste. Opinion à la hauteur de milliers de commentaires d’un jour sur les réseaux sociaux mais ayant eu aussi l’honneur  d’une demi page de la version papier du journal de référence ⸮ (point d’ironie). Faurisson donnait aussi dans le genre anticonformiste et me fait gagner d’emblée le « point Godwin ».
Je ne m’enferrerai pas outre mesure dans la tristesse de voir une « émérite » s’exprimer d’une façon qui accréditerait l’idée d’une décadence de l’université. 
« Noël est une fête religieuse chrétienne qui est indifférente notamment aux juifs, aux musulmans… » Et alors ?
Au temps où des élèves m’offraient des gâteaux à la fin du ramadan, je n’étais pas indifférent, me rappelant le moment où j’apportais du boudin à mon maître après que fut tué le cochon à la ferme.
Alors que la politiste insiste pour voir dans cette mesure gouvernementale une « inconnaissance de la société française », j’hésite à développer une banalité en rappelant que Noël est essentiellement la fête des enfants d’aujourd’hui et de ceux que nous fûmes. Mais s’il y a tout lieu de croire que le père Noël n’existe pas, l’extinction de la bêtise n’est pas à l’ordre du jour. Journée pour les cadeaux comme en faisaient (en font ?) aussi des familles de tradition musulmane à cette occasion.
Oui les religions se sont succédé bâtissant leurs chapelles sur des lieux de cultes d’autres dieux, mais la célébration de la venue au monde d’un bébé dans la paille a fait naître de bien belles histoires qui parlent d’espérance, de lumière dans la nuit…  Rendez-vous avec le temps et les symboles qui nous unissent : solstice et grand sapin vert, rouge trogne de Santa Claus.
Je plains ceux qui n’ont pas connu : 
« Ah ! Quel beau matin, que ce matin des étrennes !
Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes
Dans quel songe étrange où l’on voyait joujoux,
Bonbons habillés d’or, étincelants bijoux,
Tourbillonner, danser une danse sonore,
Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore !
On s’éveillait matin, on se levait joyeux,
La lèvre affriandée, en se frottant les yeux … » 
Rimbaud
Ces « bijoux » pouvaient être seulement la fameuse orange qui a force d’avoir servi n’est même plus ressortie à l’heure des monceaux de présents et autres bibelots revendus le lendemain sur le net, mais combien d’attentions délicates, de plaisirs éclatants ce soir là ou au matin ?
Les cadeaux livrés possiblement par Amazon à cette employée de l’éducation nationale qui a profité tout au long de sa carrière des congés de Pâques, Toussaint, Ascension … éviteront peut être le 25 décembre pour attendre le premier janvier. Se dispensera-t-elle de dire : « bonne année 2021 », pour ne pas humilier ceux qui ont d’autres calendriers ? 
A défaut de faire la police parmi les commentaires paraissant sur son site Facebook, alors qu’il ne manque pas de demander aux autres une démarche éthique, « Le Monde », dans sa version  en papier en principe plus scrupuleuse, pourrait éviter la publication de tels laïus  ridicules.

vendredi 18 décembre 2020

Contes.

Les amplis vont chercher de préférence du côté des informations ronflantes et peuvent laisser croire que ceux qui ne voulaient pas sortir du confinement en juin sous prétexte que la santé était sacrifiée à l’économie sont les mêmes qui crient à « la dictature sanitaire » en décembre : ce n’est pas impossible. 
Quand la dette est passée de problème majeur à  no problem, nous n’en sommes plus à quelques zigzags près.
Par contre l’effondrement des performances des écoliers en maths et sciences suit une trajectoire continue vers le bas.
Ce sont bien les fils de leurs pères, confondant esprit critique et abandon de toute confiance en quiconque, fussent-ils des scientifiques agréés.
Maintenant que le bac est donné à tous, comme je l’ai moi même obtenu en 68, je conserve cependant une retenue à la mesure de mes doutes, plutôt que de crier au mensonge alors que je suis loin de maîtriser les bienfaits de l’ARN messager. Devant tant de publications délirantes, d’avis excessifs, je m’en remets de préférence aux médias meanstream plutôt qu’aux informations « alternatives » dépréciant ce terme jadis voué à ajouter à la complexité, alors qu’il a viré en son hystérique contraire.
Dans ce champ estampillé « sciences », au niveau du primaire, en ancien praticien des « leçons de choses », je sais le temps nécessaire aux mises en place préalables pour que chaque élève expérimente, se mouille, et ne soit pas seulement abreuvé de séquences filmées qui furent attractives quand elles n’étaient pas hégémoniques.
Voyages, films, intervenants extérieurs, jardins, appâtaient « l’apprenant », construisaient l’écolier. Désormais ensevelies sous les paperasses et les principes de précaution, ces activités sont devenues une fin en soi plébiscitée par les consommateurs. Et de convoquer la presse au premier haricot germant dans son coton. 
Pour avoir eu le souci de valoriser le travail des élèves, je regrette que la com’ ait envahi l’espace avec des excès qui ont déprécié le travail ordinaire, quotidien, fondamental, pas forcément « fun » ni « cool ».
Ces faiblesses structurelles de l’instruction, de la formation, qui s’aggravent, émeuvent moins que le destin de Xavier Dupont de Ligonnès, elles compromettent pourtant l’avenir qui voit plus de candidats à l’intermittence ou d'influenceurs Youtube que d’ingénieurs. 
Ces classements internationaux dont nous connaissons le fond sont étrangers à ce qu’est devenue la société française où il convient de rabaisser de préférence à élever. Un musicien se vantera qu’il n’a surtout pas suivi de cours de solfège et qu’il vaut mieux avoir été un élève désinvolte qu’appliqué. Les librairies n’ont jamais eu tant de prestige que lorsqu’elles étaient fermées.
Les solutions ne se résument pas à des augmentations de salaire revendiquées par des organisations qui fustigent par ailleurs une société dominée par l’argent ; elles impliqueraient plus de monde qu’un seul ministre. 
La place envahie par les complotistes irait jusqu’à nous faire douter de la nécessité de préserver la liberté d’expression. Au-delà de leurs divagations, leur rencontre avec les Contretout paralyse bien des analystes, rêveurs, penseurs.
Depuis la formule de Brasillach : « L'histoire est écrite par les vainqueurs», les communicants pensent qu’il suffit à leurs commanditaires de construire un récit pour gagner. Ce n’est pas gagné à l’heure des statues de héros déboulonnées où les victimes seulement peuvent accéder au statut de héros.
Les mots mis à toutes les sauces perdent de leur saveur, pourtant j’apprécie l’adage : 
« quand on et conteur on s’en laisse moins conter » 
qui nécessite à la fois prise de recul et engagement. Les récits submergent la réalité lorsque celle-ci dérange, alors il convient de ne pas se laisser embarquer.
« Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses. » 
Maintenant qu’elle est moquée, je préfère citer Greta Thunberg, de préférence à l’époque où était  inconditionnellement glorifiée.

vendredi 11 décembre 2020

D’un siècle l’autre. Régis Debray.

Passé parmi d’autres d’un siècle à l’autre, je prends mon temps pour déguster les histoires de l’oncle d’Amérique (latine), mon maître, dont je m’aperçois que je n’ai lu finalement qu’une petite partie de ses écrits. 
… 
et je suis loin d’être exhaustif car j’ai pu le citer par ailleurs à propos de l’école ou de Venise et même lorsqu’il apparait en BD.
Certains thèmes développés dans les quelques livres énumérés plus haut se retrouvent dans les 300 pages découpées en chapitres aux titres essentiels : 
« Unir », « Transmettre », « Croire » 
en des lieux primordiaux « L’Ecole », « La Prison », « Le Forum », 
scandés par des citations de Marx, Pascal, Valéry, Malraux, Flaubert …  Julien Gracq : 
« Tant de mains aujourd’hui pour bouleverser ce monde et si peu de regards pour le contempler ». 
Le témoin du passage du siècle américain au siècle asiatique est à la hauteur de ses prédécesseurs et j’ai du mal à faire un choix parmi ses formules chantantes : 
« Qui avait cru un jour aura chu le lendemain mais qui n’a pas cru un seul jour sera déchu pour toujours ». 
J’ai décroché quand il est question de logique, et je ne peux me situer dans les querelles philosophiques qu’il nous permet cependant d’entrevoir, par contre je me sens complètement   en phase avec ses évolutions politiques « passant du treillis au costume-cravate », vues d’un œil attendri et malicieux.
Il n’a pas attendu que ce siècle saigne pour des questions religieuses, il les situe au cœur et en amont du politique. 
« Nation c’est narration » et il débusque avec gourmandise les abus des euphémismes : 
« Ainsi un système d’inégalité et d’injustices peut-il devenir «  l’ordre international » fondé sur le droit et le respect d’autrui ; vassalité peut muer en « solidarité … un strapontin en « partenariat »» 
Attentif aux techniques, il sait que « le collier d’attelage a plus fait pour l’abolition du servage que les lettres de saint Paul » et s’il admet que la prochaine déesse ressemblera à Gaïa ( la terre dans la mythologie Grecque), « un retour salutaire au fétichisme après le stade positiviste, en particulier dans notre rapport à la terre », il n’abandonne pas « l’Histoire qui s’interpose entre la nature et nous ».
 La fresque où la réflexion se marie à l’action, haute en couleurs chaudes, poétique et drôle, n’est pas que rétrospective, elle est d’une vive actualité: 
« On localise de mieux en mieux, on périodise de moins en moins. « Où es-tu ? » notre première question sur le portable. « Dans quelle suite tu t’inscris, » serait insolite et déplacé. Le numérique désosse le temps et met Clio (Muse de l’Histoire) cul par-dessus tête. Des traces de tout mais pêle-mêle. Plus de chronologie. On cueille à la diable dans le répertoire et qu’importent les continuités pourvu qu’on ait la connexion ; qu’importent les lignées pourvu qu’on soit en ligne .»