Arrivé à ses 80 ans en 1949, il se souvient de sa vie, de
ses plaisirs, de la peinture et de ses modèles.
Les formes pleines de Lydia au corps renversé, arqué,
abandonné. Son dessin capte quelque chose de la beauté, un peu du mouvement, de
l’instant, du désir, de la tension, tout en se tenant à distance respectueuse
du corps.
« Sa tête penche
et se renverse
Haletante, dressant les seins,
Aux bras du rêve qui la berce,
Elle tombe sur ses coussins. » Théophile Gautier
Haletante, dressant les seins,
Aux bras du rêve qui la berce,
Elle tombe sur ses coussins. » Théophile Gautier
Le tableau de « L’odalisque à la culotte rouge »
est peint à Cimiez. Seuls les tissus, les vêtements viennent du Maroc. A la
lumière du matin suivant la réalisation, il revoit sa toile dans sa vérité et remplace
des harmonies de bleu par le rouge, « la
couleur de la peinture ».
« Paresseuse
odalisque, arrière!
Voici le tableau dans son jour,
Le diamant dans sa lumière ;
Voici la beauté dans l’amour! » Théophile Gautier
Voici le tableau dans son jour,
Le diamant dans sa lumière ;
Voici la beauté dans l’amour! » Théophile Gautier
Gustave Moreau,
pour lequel une bonne conférence pourrait me faire réviser un jugement personnel réservé, fut son professeur,
respecté par ses élèves surnommés « les Moreauïdes ».
Très respectueux, il les amenait à s’affirmer dans leurs
choix, à croire en leur destin : « pas à suivre leur chemin mais à
côté du chemin ». « Penser par la ligne, s’exprimer par la couleur ».
Lors d’une sortie en maison close sise « rue de la Trinité », le jeune
étudiant ne fut pas seulement fasciné par les décors orientalisants, mais
lorsque plus tard il peignait toutes ses
odalisques entre 1920 et 1939, sa femme passant une tête par la porte de
l’atelier lui demandait : « alors
toujours à la recherche de la Trinité ? »
« L’odalisque à
la culotte grise », « L’odalisque au genou levé », « L’odalisque
au bras levé », « L’odalisque à la fleur de magnolia », « L’odalisque
au coffret rouge », «L’odalisque au tambourin », « L’odalisque
à la robe jaune et anémones », «L’odalisque assise », « L’odalisque
sur fond rouge »…
Alanguies, solaires, leur corps n’est pas réel ; les contre
courbes s’équilibrent avec les courbes dans un espace cadré, le chemisier s’harmonise
avec les rayures du sofa. Il faut que ça tienne !
« Sur un tapis de
Cachemire,
C’est la sultane du sérail,
Riant au miroir qui l’admire
Avec un rire de corail. » Théophile Gautier
C’est la sultane du sérail,
Riant au miroir qui l’admire
Avec un rire de corail. » Théophile Gautier
Lui qui fut adulé par Pollock
ou Rodhko, vénérait Ingres et son « Odalisque »
au corps d’ivoire, au regard en suspension, parmi des harmonies subtiles de
bleus, sous un vide central étonnant.
Arrivant à Paris depuis Saint Quentin, il apprécia Jean-Léon Gérôme qui a peint quelques
femmes charnues au bord d’une piscine, mais il n’avait pu entrer dans leur
hammam ; l’orientalisme est un conte qui a mis dans le mille.
Il a vu aussi les nabis avec Paul Ranson et ses couleurs en aplat dans « La chambre
bleue », le corps féminin est ocre.
Avec ses amis Camoin
et Marquet, ils se sont rendus à Tanger où les ombres profondes
découpent des plans nets, et les contrastes de bleu et de blanc font tort aux
yeux, des yeux neufs, pour une mémoire vide alors qu’il « prend ses
distances avec le fauvisme ». Fathma la petite mulâtre pose pour lui et aussi Zorah.
« Quant aux odalisques,
je les ai vues au Maroc et je fus ainsi en situation de les mettre dans mes
toiles sans faux-semblants à mon retour en France. »
Les souvenirs sont des parfums, ceux des corps, de la
térébenthine, des gâteaux et des vieux cuirs.