mardi 23 septembre 2025

Champs de bataille. Inès Léraud Pierre Van Hove.

J’avais évoqué avant de l’avoir lue cette bande dessinée, 
réalisée par les auteurs d’ « Algues vertes » qui avaient déjà mis en lumière, au-delà du scandale écologique, une puissante omerta bretonne. 
Avec cet album documenté il s’agit plutôt du récit d’une histoire ancienne vue comme un « démembrement » accompagnant une mutation des campagnes sous le nom officiel de « remembrement ».
Les témoignages recueillis apportent, par leur variété, des nuances à la nostalgie d’une campagne de chemin creux peuplée de chants d’oiseaux. Qui vivrait aujourd’hui avec des parcelles où il faut sans cesse faire demi-tour avec la charrue, où l’hiver les sentiers sont impraticables ?
Pour évoquer la complexité des enjeux, le choix de retenir les remords d’Edgard Pisani, acteur majeur de la modernisation des campagnes, me semble judicieux, comme le revirement de l’ingénieur agronome René Dumont, premier candidat écologiste en 1974 qui disait après guerre : 
« Pour produire le maximum, il faut disposer de grandes quantités d’engrais ; de variétés de plantes et d’animaux perfectionnés ; de ressources en énergie surabondantes actionnant de puissantes machines. » 
Retrouver François Mitterrand en ministre de l’intérieur, ne manque pas de sel, lorsqu’il justifie le maintien des CRS pendant deux ans et demi dans un village breton refusant des tracés bureaucratiques, l’arrachage des arbres, s’élevant contre les accapareurs … 
« L’administration s’est heurtée à l’opposition d’éléments peu soucieux de l’intérêt général ni même de leur propre intérêt bien compris. » 
La parole est donnée aussi à ceux qui ont travaillé au « génie rural » ou dans les cabinets de géomètres, voire en tant que conducteurs de bulldozer. Ces paysans présentés souvent comme conservateurs se sont adaptés au gré des orientations dictées par des hauts fonctionnaires. La corporation organisée du temps du régime de Vichy finalement pas si « tradi » que ça, a maintenu un puissant pouvoir sous appellation syndicale et coopérative bien loin de l’origine de ces mots fraternels.
La distance entre ville et campagne s’accentue. 
Elle aurait pu être atténuée - facile à dire après les batailles - si les échanges de parcelles s’étaient faits à l’amiable entre voisins responsables. 
Je crains que l’aversion envers les agents arracheurs de haies soit la même que celle qui s’exerce contre les personnels de l’Office français de la biodiversité prônant le replantage des haies.

1 commentaire:

  1. Et si l'aversion venait prioritairement de voir ENCORE UNE FOIS, et depuis Louis XIV, les gens dans les bureaux de la capitale arriver pour PRECHER LA BONNE PAROLE ? (ou maintenant, ne pas arriver en chair et en os, mais envoyer des mails, etc.)
    Ce n'est pas possible, ça ?
    Ça devrait donner un autre son de cloche pour comprendre ce que pourrait être... une "église", non ? D'autant plus que le mot "ekklesia" veut dire "assemblée" en grec, et il était pratiqué bien avant le Christianisme.
    Hier, j'ai exceptionnellement écouté un "podcast" avec un homme en Irlande qui vit dans sa cabane sans eau courante et électricité, avec un stricte minimum d'emploi d'argent.
    Edifiant.
    Pour la phrase de René Dumont, il y a une autre manière de regarder le problème : que faire, alors qu'on a déjà développé une puissante industrie chimique pour les besoins de la/des guerre(s), avec des produits et des procédés qui risquent de ne plus trouver d'emploi à très grande échelle ? Vu sous cet angle, la perspective pourrait être différente ? Je crois que oui.
    Plus encore, je crois que l'Homme pour lui-même, dans la démarche industrielle est un grand perdant. Il se déshumanise. Il s'agit là d'un très grand problème, car même à une échelle très petite, et non pas industrielle, la division du travail peut s'avérer très salutaire... pour le travail et le travailleur. Mais à quel moment la balkanisation ? du travail devient monstrueuse et se retourne contre l'Homme ? Je ne sais pas. Mais le problème est grandement devant nous à l'heure actuelle avec notre mondialisation et son organisation.

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