samedi 6 septembre 2025

Jacaranda. Gaël Faye.

Le mot « génocide » avait été prononcé il y a trente ans pour qualifier le massacre de 800 000 Tutsis.
L’auteur du remarquable « Petit pays » retrace l’histoire du Rwanda sur quatre générations. 
 «  Le taxi traversait une ville ocre au paysage grillé par la saison sèche, troué ici et là par de verts bosquets. Sur la chaussée pleine de fondrières, le véhicule brinquebalait, les roues soulevaient une latérite aérienne et suffocante qui se répandait en un brouillard de poussière sur les malheureux piétons, les façades des bâtiments et la végétation environnante. » 
Les mémoires se reconstituent difficilement parmi les hésitations, les silences. 
« C'était une histoire de monarchie et de guerres, de grands troupeaux et de clans, d'intrigues de cour et de drames familiaux, une histoire où les colonisateurs arrivaient et changeaient la société rwandaise en mesurant les nez et les fronts avec un compas à glissière, puis en imposant une religion et des lois venues d'ailleurs. »
La folie des hommes, leur vitalité quand même, sont dévoilés avec pudeur et force au cours de 380 pages où les personnages évoluent, ne restent pas figés.
« J’observais les gamins comme on se venge de tout - des enfances gâchées, des bagarres de rue, des coup de couteau et de machette, des nuits à dormir dehors, des overdoses de colle à sniffer, des familles décimées, de la misère crasse, de l’alcool frelaté, des viols, des maladies, de l’indifférence ou de la pitié des honnêtes gens. »
 Le récit bien écrit ne cache rien des violences parfois inouïes, avec deux séquences d’exposés replaçant les destins de quelques familles dans une histoire venue de loin.
«  En 1957, parut le Manifeste des Bahutu, un document qui désignait les Tutsi comme des envahisseurs et des exploiteurs. Avec ce texte, le poison de la division et de l'ethnicisme habillement distillé par les colons belges et l’Eglise devint la prison mentale dans laquelle la grande majorité des Rwandais se laissèrent enfermer et dont ils ne sortirent plus. » 
Victimes et bourreaux vivent maintenant dans ce pays dont la résilience n’apparaît pas artificielle, alors que se redessinent progressivement des identités.

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