Le mot « génocide » avait été prononcé il y a
trente ans pour qualifier le massacre de 800 000 Tutsis.
L’auteur du remarquable « Petit pays » retrace
l’histoire du Rwanda sur quatre générations.
« Le taxi
traversait une ville ocre au paysage grillé par la saison sèche, troué ici et
là par de verts bosquets. Sur la chaussée pleine de fondrières, le véhicule
brinquebalait, les roues soulevaient une latérite aérienne et suffocante qui se
répandait en un brouillard de poussière sur les malheureux piétons, les façades
des bâtiments et la végétation environnante. »
Les mémoires se reconstituent difficilement parmi les
hésitations, les silences.
« C'était une
histoire de monarchie et de guerres, de grands troupeaux et de clans,
d'intrigues de cour et de drames familiaux, une histoire où les colonisateurs
arrivaient et changeaient la société rwandaise en mesurant les nez et les
fronts avec un compas à glissière, puis en imposant une religion et des lois
venues d'ailleurs. »
La folie des hommes, leur vitalité quand même, sont dévoilés
avec pudeur et force au cours de 380 pages où les personnages évoluent, ne
restent pas figés.
« J’observais les
gamins comme on se venge de tout - des enfances gâchées, des bagarres de rue,
des coup de couteau et de machette, des nuits à dormir dehors, des overdoses de
colle à sniffer, des familles décimées, de la misère crasse, de l’alcool
frelaté, des viols, des maladies, de l’indifférence ou de la pitié des honnêtes
gens. »
Le récit bien écrit ne cache rien des violences parfois
inouïes, avec deux séquences d’exposés replaçant les destins de quelques
familles dans une histoire venue de loin.
« En 1957, parut
le Manifeste des Bahutu, un document qui désignait les Tutsi comme des
envahisseurs et des exploiteurs. Avec ce texte, le poison de la division et de l'ethnicisme habillement distillé par les colons belges et l’Eglise devint la
prison mentale dans laquelle la grande majorité des Rwandais se laissèrent
enfermer et dont ils ne sortirent plus. »
Victimes et bourreaux vivent maintenant dans ce pays dont la
résilience n’apparaît pas artificielle, alors que se redessinent
progressivement des identités.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire