Pour gagner Bordeaux centre, nous
nous embrouillons un peu en changeant involontairement de rive vers des quartiers en devenir.
Mais
nous parvenons à l’heure au rendez-vous à10h30 à
l’Office du tourisme pour la visite guidée assurée
par Frédéric Béchir.
« Grâce à l’aide de Malraux,
Bordeaux reste le plus grand domaine préservé » commente-t-il. Puis il nous dresse un petit
topo historique depuis les origines connues, la présence des romains qui
introduisirent la vigne dans la région, la forte importance d’Aliénor d’Aquitaine
et de Henri Plantagenet. Par la suite, la ville manifeste longtemps des
penchants pro anglais pour des raisons commerciales, elle développe le négoce
avec Saint Domingue puis Haïti pour le sucre récolté dans des plantations
appartenant à de riches Bordelais qui participent amplement à la traite des
« nègres ».Nous sommes à l’ Esplanade des Quinconces, la plus grande
place d’Europe. La colonne du monument des girondins s’élève à une extrémité,
et lui faisant face, à l’autre bout deux
colonnes telles des phares marquent l’ouverture vers la Garonne ; entre
les deux, un immense espace ensablé désertique s’étire sur 400 m de long. Les arbres qui
l’entourent, de par leur implantation lui valurent le nom de place des
quinconces. Jusqu’en 1818, dominait sur l’emplacement le château trompette.
L’origine du nom original de cette forteresse viendrait de la déformation du mot
« tropeyte » dont il existe deux interprétations : .soit il fait
référence au nom d’une source qui
alimente un ruisseau ou alors il s’agit d’un terme gascon signifiant troupeaux
nommant de cette manière la place où ils
étaient élevés. Mais si la forteresse
redoutée jouait un rôle défensif contre les anglais, ses canons pouvaient aussi
se tourner vers la ville contre les contestataires.Le monument aux girondins,
plus récent et érigé après la destruction du château, rend hommage aux députés
de la révolution décapités par les montagnards. Monumental, il comprend une
colonne surmontée de la liberté brisant ses chaînes et d’une fontaine. Des
statues des députés devaient remplir des
emplacements prévus à cet effet mais
pour des problèmes financiers (et politiques) elles ne furent jamais réalisées.
Dans le bassin, un ensemble en bronze plein de panache représente le triomphe
de la République sur un char tiré par
des chevaux aux pieds marins, elle
représente aussi le travail, les enfants, l’éducation et l’armée.
Sous les ruades des chevaux, trois allégories masquées combattues par la liberté incarnent l’ignorance, le vice doté de petites cornes et le mensonge.
Nous nous déplaçons vers les allées de Tourny. Au XVIIIème l’intendant du Roy, Louis de Tourny, aménage cet axe en promenade qu’il souhaite « d'un goût gracieux et uniforme », alors, il mérite bien sur sa statue in situ. Les façades percées de hautes fenêtres, les mansardes bien alignées et les mascarons décoratifs correspondent en tous points au style de l’époque.Nous poursuivons par le triangle d’or
intégrant le cours de l’intendance, le cours Clémenceau et le cours Tourny,
nommé quartier des grands hommes.
Des noms de rue distinguent des gens célèbres, Montaigne, Voltaire,
Montesquieu….
Aujourd’hui, les magasins de marques, les enseignes de luxe se plaisent dans ce secteur et participent à sa renommée de quartier chic. Nous nous arrêtons un court moment devant l’église Notre Dame, de style baroque, très inspirée de celle du Gesu à Rome. D’abord sous l’égide des Dominicains, les révolutionnaires la transforment en église de l’Etre suprême avant qu’elle ne revienne dans le giron catholique. Mais si notre guide nous conduit devant cette église c’est surtout pour nous montrer une statue en bronze de Goya. A la suite de problèmes politiques, le peintre espagnol et sa compagne fuient et se réfugient à Bordeaux, où ils vivent parmi des exilés espagnols jusqu’à la mort de l’artiste à l’âge de 88 ans. A sa mort, le consul d’Espagne réclame sa dépouille pour la rapatrier à Madrid, mais lors de l’ouverture du cercueil, surprise, il manque la tête de Goya. A sa place, un mot prétendrait que la médecine s’en est emparée pour investiguer sur le fonctionnement du cerveau d’un génie, et une fois les études terminées, elle restituerait la tête. Ce qui n’a jamais été fait. Vrai ou légende ?Quelques pas nous séparent du cours de l’intendance où se trouve le passage Sarget, Il est construit au XIXème sur le même modèle que ceux de Paris éclairé grâce à une belle verrière.
Situé
sous un hôtel particulier du même nom, il sert d’écrin à des boutiques vendant
des marques prestigieuses. Un deuxième passage nommé la galerie Bordelaise de
la même époque rivalise à quelques
encablures, prouvant l’engouement des gens
pour ce type élégant de commerce.Nous débouchons place de la
comédie face à l’opéra, ou grand
théâtre, endroit incontournable et central de Bordeaux. Son architecte Victor
Louis le conçoit de forme rectangulaire « dans un style néo-classique à la
composition symétrique et équilibrée orné d’éléments gréco-romains. Composée de
colonnes corinthiennes surmontées de sculptures, la façade est simplement
majestueuse. Les colonnes sont élancées et les chapiteaux ornés de
feuilles d’acanthe, une inspiration puisée dans l’architecture grecque. Par ailleurs, douze
sculptures dominent la place du haut du Grand Théâtre : neuf muses (Euterpe, muse de la
musique ; Uranie, muse de l’astronomie ; Calliope, muse de la poésie épique et
de l’éloquence ; Terpsichore, muse de la danse, Melpomène, muse de la tragédie
; Thalie, muse de la comédie ; Polymnie, muse de la rhétorique ; Erato, muse de
la poésie ; Clio, muse de l’histoire) et trois déesses (Junon, déesse de la
fécondité ; Vénus, déesse de l’amour et Minerve, déesse de la sagesse et de la
guerre raisonnée reconnaissable à son casque). » Pour le mettre en valeur, Victor
Louis se charge d’aménager les abords ; il l’entoure d’hôtels particuliers
cossus voire luxueux et organise les avenues avoisinantes de manière à ce
que tous les regards convergent vers son théâtre, visible de la rue Sainte Catherine comme des
autres artères.Disposé dans un coin de la
place, sa miniature en bronze (un
plan relief) réalisée par François Didier s’adresse aux non- voyants, afin
qu’ils le contemplent tactilement, ainsi
accessible à tous.
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