jeudi 4 septembre 2025

Poitiers # 3

Puis nous rejoignons notre guide, 
et le groupe au Palais des Ducs du Poitou pour la tournée des hôtels particuliers de la ville.
Nous commençons donc par notre lieu de rendez-vous situé  dans la grande salle d’apparat ou aula de la résidence d’Aliénor d’Aquitaine et de ses deux maris Louis VII et Henri II.
La pièce monumentale dans laquelle circulent librement les touristes comporte un balcon très ciselé de 1388, de hautes verrières gothiques et trois cheminées gigantesques. Sur les murs se dessinent des arcades aveugles, aucun plafond ne dissimule l’impressionnante charpente. La visite se limitant à cette seule salle, nous nous  dirigeons vers les hôtels particuliers et belles demeures de Poitiers :
Nous stoppons en premier devant l’hôtel Pelisson, construit en pierre avec des pans de bois au XVIème siècle. Des pilastres décorent sa façade et à chaque étage correspond  un des 3 ordres classiques (corinthien dorien et ionien).
Son originalité provient d’une  tête de vache morte appelée bucrane et de deux inscriptions en latin : « in dno confido » (je me confie au Seigneur) avec un signe bizarre sur le n de dno et « Hoc est refugion meum » (Voici mon refuge)-
Des maisons à pans de bois s’élèvent toujours place Charles De Gaulle. Au n°11,  Valentine nous commente l’hôtel Claveurier édifié fin du Moyen-âge pour le Sénéchal Claveurier.  Sa maison aux colombages jaunes témoigne de sa richesse avec son pignon sur rue, se distinguant de maisons plus modestes à pignon caché et affiche les deux clés entrecroisées du  blason de son propriétaire.
Ville universitaire depuis 1431, Poitiers a gardé sa réputation de ville enseignante  jusqu’à nos jours. Elle  compte un quart de la population comme étudiants. Très implantée dans la ville, l’université a acquis un grand nombre de maisons et hôtels du patrimoine, se chargeant de bien les entretenir.
Ainsi l’Hôtel Dieu mitoyen de l’Office du tourisme devient-il dans les années 60 un centre régional universitaire. Nous pouvons entrer dans la cour fermée en ces temps de vacances parce que Valentine, notre guide, en détient la clé.
L’hôtel Chaboureau, propriété de l’université depuis 1954, nouvellement adapté à des fonctions pédagogiques et de recherches modernes, date du moyen-âge / Renaissance. Autrefois, pour échapper à l’impôt, ses habitants obstruèrent  les fenêtres. Celle à croisées (meneaux) visible de nos jours fut reconstituée plus tard. Plus rare, une fenêtre d’angle sur le modèle de l’hôtel Beaucé fragilise cependant la construction. Des  motifs de choux frisés enjolivent le pignon.
Nous poursuivons avec la rue des flageolles, passons devant une ancienne auberge du XVIIIème dotée d’une cour intérieure, et découvrons beaucoup de maisons ou jardins planqués derrière les demeures sur rue.
Square des flageolles se dresse la maison Royran. Sa toiture associe ardoises et tuiles, et mélange de cette façon 2 styles traditionnels  pratiqués l’un au nord et l’autre au sud de la France. Aujourd’hui reconverti en HLM, elle a conservé ses caractéristiques d’ancienneté, pour preuve la survivance d’une fenêtre surmontée d’une accolade.
La maison à pans de bois  15 rue Cloche- Perse vaut surtout pour son linteau sculpté de rinceaux interrompus par des médaillons où figurent une femme et un homme. Une autre maison dans la même rue au n°5  privilégie la pierre puis est rehaussée en colombage. Mais cette pratique pas toujours réussie présentait des risques d’effondrement.-
Nous atteignons maintenant l’impressionnant et magnifique hôtel Fumé répondant au style gothique flamboyant dont l’aspect moyen-âge défensif cherche davantage à en imposer qu’à protéger. Il appartient au département de la Vienne depuis 1911 et loge la faculté de sciences humaines et des Arts de Poitiers. Valentine, nous donne accès à la cour intérieure où nous pouvons admirer une loggia à pans de bois portée par de superbes colonnes torsadées. Leur disposition en sens alterné contribue à un effet de légèreté. A côté, une tourelle renferme un escalier menant aux étages. Nous remarquons encore un balcon et de belles lanternes et une porte à petits carreaux que nous ne franchirons pas car elle ouvre sur le domaine de l’université. Nous adoptons une attitude discrète, pour ne pas déranger le gardien et sa famille bénéficiant ici d’un appartement  riche d’histoire. D’autres locataires ont élus domicile sans y être invités, c’est la fête du pigeon et de ses désagréments. 
Abandonnant la rue Descartes, et en nous rapprochant de la place de la liberté,  nous retrouvons la rue Cloche-Perse pour une halte devant la Prévôté. La maison comme son nom l’indique, appartenait au prévôt. Au moyen âge et à la Renaissance, officier de gendarmerie,  ou encore magistrat s’occupant des finances, de la justice, de l’administration,  de l’ordre public, il agissait au nom du Roi ou du Seigneur.
Un accident endommagea sérieusement le bâtiment au XVIIIème siècle et en détruisit une partie : il fut déclenché par le passage d’une  mule chargée de barils de poudre menée par un muletier. Tandis qu’ils passaient devant la Prévôté, une mouche agressa la bête  qui voulant s’en débarrasser tapa du pied. Mais le fer de son sabot provoqua une étincelle suivie d’une déflagration, celle-ci souffla les vitres, des morceaux de la toiture, et  entraina la mort de la mule. En souvenir de l’évènement, un fer à cheval  reste fiché dans  la façade de la maison amputée. L'affaire est notamment rapportée en 1907 par l'auteur Raoul Brothier de Rollière dans son Nouveau Guide du voyageur à Poitiers. Il raconte : « Vers 1775, un mulet chargé de barils de poudre fit explosion à l'angle de la rue Cloche-Perse. Un bruit formidable s'ensuivit, l'animal disparut, mais une de ses jambes enfonça la fenêtre du 2 eétage, dont le fer reste incrusté dans la pierre. Ce fer se voit encore auprès d'une petite fenêtre carrée, près de la tourelle d'un petit pavillon ». Moins bien conservé que l’hôtel Fumé, de l’extérieur du moins puisque nous ne verrons pas dedans, il subsiste deux fenêtres géminées côté hôtel Fumé, une tour de noblesse intégrant un escalier et un toit en poivrière rue Cloche-Perse.
Tout près, nous jetons un œil sur la place de la liberté. Autrefois, s’y trouvait le pilori. Aujourd’hui, une statue de la liberté le remplace en mémoire de JB Breton, décapité après un complot pour rétablir l’empire et qui mourut en criant « Vive la liberté »
Le dernier  monument  prévu dans le circuit change carrément de style et d’époque. Seul  hôtel particulier du XVIIème siècle à Poitiers, l’hôtel Pinet  ne souffre pas de concurrence : en effet, à l’époque, Poitiers ne produit pas, on l’a considère donc  comme pauvre, alors peu investissent  dans de belles constructions privées. Monsieur Pinet prélève les impôts poitevins pour le Roi, et dit posséder des subsides ou des richesses personnelles. Il commandite ce palais grandiose sur une large parcelle, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention sur sa filouterie. Accusé d’avoir pioché dans la caisse, il est arrêté et condamné à mort sous Louis XVI. Le bâtiment se voit attribuer à un autre agent royal puis se transforme  en séminaire, en prison et en Hôtel Dieu jusqu’au milieu du XXème siècle. Devenu trop petit pour cette fonction, il est transmis à l’Université qui en fait sa présidence.
Il respecte les canons de l’ architecture baroque : la large entrée en bossage s’ouvre sur une cour intérieure  face à édifice en U.  Son corps de bâtiment symétrique se divise en 3 parties ponctuées chacune  de hautes  fenêtres sur trois étages, un fronton triangulaire central déborde sur la toiture d’ardoise percée d’oeils-de-bœuf. Très minérale, la cour accepte en son milieu une fontaine  et laisse deviner le passage circulaire réservé autrefois aux carrosses. Derrière l’hôtel côté jardin s’étend un vaste parc mais inaccessible aux visiteurs. 
Ainsi s’achève notre parcours copieux et instructif, même si incomplet (il n’inclut pas l’hôtel Beaucé par exemple) et nous apprécions une pause Perrier. 

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