De la conférence devant les amis du musée de Grenoble, je ne
retiendrai que ce que je n’ai pas déjà écrit lors de deux voyages dans la
ville où nous avons eu envie de revenir.
L’école de Nancy est la branche principale de l’Art Nouveau
en France dont les racines sont à chercher au Royaume Uni quand
l’industrialisation a accéléré la décadence de l’artisanat que conteste le mouvement « Arts and Crafts movement »« Arts et artisanats » dans lequel William Morris joue un rôle
éminent. « Strawberry Thief ». Lié au
mouvement préraphaélite, l’imprimeur, écrivain, dessinateur, architecte,
militant libertaire dont « la nature
était la culture » rêvait d’un monde plus beau pour tous.
« … si les gens
prennent du plaisir dans leur travail, quand celui-ci atteint un certain
niveau, son expression est irrésistible et porte le nom d'art, quelle que soit
la forme qu'il revête. »« Émile Gallé dans son
atelier » (Victor Prouvé), le fondateur de
l’Ecole de Nancy en 1901 ne fut pas qu’un théoricien ne hiérarchisant pas les
arts, il fut céramiste, ébéniste, verrier : « enfant de l’art et du commerce ». Comme l’architecte
autrichien Otto
Wagner, il ne subordonne pas les arts décoratifs à l’architecture et
veut assurer le lien du beau et de l’utile.Siegfried Bing, marchand d’art japonais avait
ouvert un espace d'exposition-vente consacré à « l’Art Nouveau » dont
l’appellation apparaissait pour la première fois. Eugène
Viollet-le-Duc remet au goût
du jour le gothique et ses développements organiques, Antoni Gaudí sait ce qu’il lui doit comme Henri Sauvage ou Victor
Horta, figures de proue du mouvement aux lignes courbes. Emile Gallé, nostalgique de la pureté de la
nature, « Ma racine est au fond des
bois »,
loin des villes noires, se passionne pour la minéralogie et la
botanique et multiplie les motifs floraux. Courbes et contre
courbes baroques, lignes flexibles, abondent « Place Stanislas » à Nancy.
Alors que 10 000 soldat sont cantonnés dans la ville, la notion de frontière s’impose.La table « Le Rhin » constitue un
manifeste autour de la citation de Tacite :
« Le Rhin sépare les Gaules de toute la Germanie ».« L'exposition d'art
décoratif lorrain » de 1894 témoigne du
dynamisme de la ville
où se sont réfugiés tous ceux qui n’ont pas choisi la
nationalité allemande. L’affiche de 1909 pour « L’Exposition internationale de l'Est de la
France »
qui attira 2 millions de visiteurs est plus
épurée.Au-delà de l’évènement « L'hôtel particulier Bergeret » et ses arcatures en accolade étirées marquent l’audace de l’époque, ainsi que « La villa Les
Glycines » située dans le parc de Saurupt
destiné à devenir une cité jardin aux constructions modulaires. « La
maison Le Jeune » d’ Émile André était pour un artiste.La fantaisie de « L'Immeuble Weissenburger » travaillé dans les moindres
détails,
parfois seulement « vus par
les oiseaux », a parue démodée,
assez vite.Pour « La Villa Majorelle »,
show room de Lucien
Weissenburger, Majorelle a réalisé les ferronneries et le
mobilier, Jacques Gruber les
vitraux et Alexandre Bigot les grès flammés. A travers ces morceaux de bravoure où les valeurs sont
interrogées et l’idéalisme de mise, tant de métamorphoses permettent-elles de
parler d’un art inquiet ?
« Piano,
la mort du cygne »Les luminaires de la cristallerie Daum nous éclairent même éteints.
« Lampe perce-neige »Le vase de Gallé « Orphée et Euridice » saisit
le moment durant lequel le poète perd définitivement sa femme qu’il avait ramenée depuis
le royaume des morts sans avoir respecté l’interdiction de ne pas la
regarder.
Ainsi la France venait de perdre l’Alsace et une partie de la
Lorraine. Il convient de se documenter pour comprendre que « Les
Hommes noirs » plaident pour le colonel Dreyfus à partir d’une
chanson anticléricale de Béranger :
« Hommes
noirs, d’où sortez-vous ? Nous sortons de dessous terre ». En conclusion et pour
varier les matières : la reliure cuir pour « Salammbô » de
Flaubert.
« La lune se
levait au ras des flots, et, sur la ville encore couverte de ténèbres, des
points lumineux, des blancheurs brillaient : le timon d’un char dans une
cour, quelque haillon de toile suspendu, l’angle d’un mur, un collier d’or à la
poitrine d’un dieu. »
Magnifique promenade ce matin, Guy, dans une ville où tu m'as déjà emmenée, et que je connais un peu de l'avoir visité à deux ou trois reprises, mais pas pour voir autant de très belles choses que toi/vous. Une inspiration à notre époque, cet idéalisme, comme tu l'appelles. Merci beaucoup.
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